Instruction morale

Il est en ce moment question d’instruction civique et morale en maternelle. Le moyen pédagogique préconisé est la maxime, comme “Nul n’est censé ignorer la loi” pour le civisme ou “Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te fasse” pour la moralité. Apprendre par coeur des formules suffira-t-il à rendre honnête et bon ?

Plutôt que des principes si généraux il semble préférable d’enseigner des règles de vie précises, telles que “ne coupe pas la parole”, “ne crie pas” ou “apprends le règlement intérieur”. Car c’est à diriger la conduite que sert l’instruction morale ; il est donc impératif qu’elle s’applique aux situations ordinaires. Mais il se pourrait que seuls les principes permettent d’opérer au mieux cette application.

Par exemple la formule “ne fais pas à autrui…” contient les idées d’égalité et de réciprocité, qui éclairent toutes les maximes morales. Pourquoi ne faut-il pas couper la parole ? Parce qu’on ne veut pas soi-même être interrompu à tout bout de champ. Il faut laisser l’autre dire son idée comme on voudrait soi-même pouvoir le faire. Et le principe rend même compte des exceptions : à supposer qu’un tel monopolise la parole et ne veuille écouter personne, il nous délie par là même de l’obligation de l’écouter et de ne pas le couper.

L’intérêt du principe est qu’il permet de comprendre, et au besoin de corriger les applications. Entre égaux il n’y a aucune raison de ne pas subir soi-même ce qu’on fait subir à l’autre ; ce qui est une raison de s’abstenir de certains actes, et une raison aussi de protester contre certains comportements venant des autres. Bien réfléchir aux notions d’égalité et de réciprocité est le meilleur moyen pour se conduire intelligemment en toute situatione.

Il est donc essentiel de ne pas séparer les règles de leurs principes. Le principe ne dispense pas de l’application. Mais l’esprit a besoin de ce détour pour agir et s’instruire, pour comprendre ce qu’il fait.