Qu’est-ce que cela signifie que d’exposer à Damas? Comment prendre en compte ce contexte géo-politique sans tomber dans la dénonciation bien-pensante ou dans la mauvaise conscience? Comment éviter la prise de position qui supposerait, d’un côté comme de l’autre, la mise en place d’une autorité surplombante, d’un discours de vérité? Peut-on être en ce domaine innocent? Peut-on simplement y aller sans y penser? Et penser à quoi au juste? Qu’est-ce que je pense, qu’est-ce qui se pense dans un tel déplacement?
Ces questions s’accumulaient depuis quelques jours. J’hésitais à même participer. C’était très prétentieux cette hésitation, comme si j’avais une place, une importance, un impact. Et si cela ne concernait que moi finalement?
Intuitivement j’ai choisi d’exposer Hisland (photographies et vidéo) et Dance with me (installation interactive). Je ne veux pas de justification a posteriori, simplement éclairer ma participation. Je participe à quoi au juste en allant là-bas? La seule réponse réside dans mes travaux.
Hisland est une série sur l’identité qui transforme l’empreinte digitale en un territoire glaciaire. Palpitation du sujet qui devient un espace à parcourir, un lieu inconnu marqué de circonvolutions. Comment faire vibrer l’identité pour témoigner de son auto-différence, de ce qui l’écarte d’elle-même en elle?
Peut-être est-ce la seule question que j’essaye de formuler depuis des années.
Sous des apparences amusantes Dance with me, dans le contexte syrien, prend une toute autre tonalité. En branchant son lecteur MP3, le spectateur peut jouer sa musique et voir danser de jeunes américaines qui se sont filmées et diffusées sur Youtube. Ce site n’est pas interdit en Syrie, mais le fait de pouvoir manipuler ces femmes, de les voir se déhancher de façon synchronisée à sa propre musique, avec toute la responsabilité/culpabilité qui peut aller avec, a bien sûr un impact dans une culture musulmane.
La question reste en suspend: qu’est-ce que je vais faire là-bas? Et ce “je” qui est-il? Je ne vais pas y aller physiquement, simplement mes travaux, comme un territoire incertain entre moi et eux. Je doute de leur identité comme je doute de la mienne. Je sais que nous sommes cette hésitation même et que Damas n’est qu’un nom, un raccourci pour oublier chaque individu, la sensibilité de ceux qui viendront.