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Lundi Librairie : Snuff de Chuck Palahniuk

Publié le 25 mars 2013 par Parisianshoegals @ParisianShoeGal
Lundi Librairie : Snuff de Chuck Palahniuk
Cassie Wright star du X déclinante décide de mettre fin à sa carrière en tournant un dernier gang-bang dans lequel elle envisage de pulvériser le record de partenaires sexuels en une nuit, en copulant avec600 hommes dans la foulée. La nuit du tournage, les 600 types attendent leur tour, en caleçon, autour d’un buffet de junk food, dans un hangar sordide, un numéro inscrit au marqueur indélébile sur le biceps. Cette faune hétéroclite, véritable maelstrom sociétal, se compose de comédiens en mal de reconnaissance, d'amateurs de films porno de tout poil, de tout genre, de paumés, de marginaux, de pervers.
Les quatre narrateurs qui veillent en attendant de rejoindre le plateau, nous livrent leurs impressions tout au long de cette soirée peu ordinaire. Le numéro 72, jeune homme sympathique mais perturbé, persuadé d’avoir retrouvé sa mère en la personne de la star et venu pour la sauver. Le numéro 137, acteur de série télé dont la carrière a pris un fâcheux tournant depuis que ses débuts dans un porno gay du temps de sa jeunesse ont été révélés. Le numéro 600, vieux harder décati qui a fait débuter Cassie dans l’industrie pornographique. Et enfin, Sheila, assistante personnelle de la reine du X et régisseuse, qui évoque la phase de préparation physique de l’événement.
Personne ne pense que Cassie survivra à cet exploit sportif et tous espèrent tirer un peu de gloire de cette nuit sordide.
Chuck Palahniuk s’est inspiré des performances d’Annabel Chong dans les années 90 pour construire la trame de son histoire. Ce roman à suspense, thriller pornographique, obscène et drolatique, explore le côté sombre de la société américaine en empruntant la voie des films pour adultes, part éminemment importante de l’industrie mondiale du divertissement. Le lecteur est invité à pénétrer l’envers du décor dans une atmosphère oppressante, assez peu ragoutante. Malgré un thème choc, Chuck Palahniuk modère en quelque sorte la provocation dont il est coutumier. Le gang-bang compose la toile de fond mais caché derrière la porte close du studio d’enregistrement qui s’ouvre régulièrement pour engloutir les volontaires par groupe de trois. L’auteur ne nous y entraîne que dans les toutes dernières pages du roman.
Le dispositif narratif élémentaire tend vers l’épure. Avec une précision chirurgicale, Chuck Palhaniuk campe, en quelques mots justes, une scène aussi vivante que sordide. Il instille une dose de réalisme imparable dans les situations les plus absurdes, instantanés grinçants, brèves crasseuses. Entre misère sexuelle et histoire de famille tordue, il évoque le corps devenu bien de consommation, l’être humain objectisé et l’inanité des icônes modernes, en prenant l’industrie pornographique comme symbole d’une société croupissante. La rythmique diabolique du texte est ponctuée de rebondissements incongrus, martelée de phrases courtes au style minimaliste, répétitives et lancinantes. D’une plume nerveuse, tout en tension, Chuck Palahniuk dresse la critique assassine et burlesque d’un monde dominé par l’image.
Snuff est un roman bien sale, pas du tout érotique si vous vous posiez encore la question à ce stade du billet, repoussant et fascinant, navrant et jubilatoire, dans lequel l’auteur n’hésite pas à mêler humour, mélancolie et obscénité avec panache. Un livre au vitriol, goguenard, poisseux et loin d'être aussi superficiel que le thème ne le suggérerait.
Snuff de Chuck Palahniuk - Traduction Claro - Editions Sonatine

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