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"La Religion" de Tim Willocks

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins

Qui a vraiment envie de trimballer un pavé de 1000 pages dans les transports en commun ? Qui risquerait son épaule et son temps pour un ouvrage qui s’appelle « La Religion », et qui a une photo d’épée sur sa couverture ? Ceux-là même qui occulteraient que le nom de l’auteur est écrit en plus gros que le titre ? Ou qu’il s’agit d’un bouquin qui parle de la prise de Malte en 1565 ? Les probabilités d’avoir envie de le lire sont aussi faibles que de réussir le concours de polytechnique en araméen. Plutôt se lacérer le visage avec une fourchette en plastique, ou se déguiser en pièce d’or le soir de la chandeleur. Et pourtant, courageux lecteurs, trépidants abonnés et têtes brûlées de l’aventure littéraire, « La Religion » a donné plus que sa peau de chagrin plastifiée.
L’avis de JB :
Mes que un bouquin
Fin du XVIème siècle, Soliman très humblement appelé « le magnifique » a décidé de jeter ses armées contre un rocher à l’apparence insignifiant, Malte. Problème, l’ile est tenue par une grosse poignée de chevaliers catholiques appartenant à un ordre pluri-centenaires (ça, c’est placé) « La Religion ». Notre guide dans ce grand moment de l’histoire s’appelle Mathias Tanhauser, né saxon, en partie élevé par des turques et finalement reconverti en riche contrebandier. Un homme plein de cicatrices que la rencontre avec une belle dame va relancer sur les chemins de la guerre. Ce sera donc Malte pour tout le monde, femme, enfants et animaux compris.
Clairement, ne pas s’attendre à une grande démonstration de figures littéraires, la petite bio de l’auteur wikipédiesque donne le ton :
« Il peint son propre portrait à travers les caractères de différents personnages de ses romans. On retrouve ainsi un personnage central avec une connaissance approfondie en médecine, en drogues et en arts martiaux. Willocks est lui-même ceinture noire de karaté. Une rumeur a fait de lui un amant passager de Madonna. Il est aussi un grand fan de poker »

« La Religion » est une grande fresque à moustaches, efficace comme un plaquage perpignanais. Le sang et les larmes sont remplacés par les tripes et la gangrène et on y va au casque. Ce n’est pas du grand cru à épauler 24h en avance, mais c’est un très bon vin de copain à ouvrir pendant un barbecue. Les personnages, bien que simplistes, sont épais et attachants et la trame du récit bien qu’archi rodée fonctionne parfaitement bien. Mathias, le héros couturé au grand cœur et Bors de Carlyle son compagnon grizzliesque (correcteur 0 – JB 1) contre les turcs et un inquisiteur zélé. Au milieu une femme, un enfant et un siège de 4 mois. Autour deux leaders religieux de talent (La Valette notamment). Secouez fort et c’est parti pour le show (rien à voir avec la chanson). Et rien à dire de ce côté-là, on est parfaitement placé. Willocks sait nous mettre la tête dans le récit, on en prend plein le museau. « La religion » c’est un peu le livre 3.0, le cinéma à sensation sur papier. Je ne sais pas le degré d’exactitude historique du récit et je ne suis jamais allé à Malte. Et je m’en fous autant que de savoir si Rain Man a bien compté le nombre exact de pailles tombées par terre. L’important c’est que ça fasse vrai, pas que ça le soit.
Quelques défauts aux regards tendres
Biensur le livre n’est pas exempt de défauts, à commencer par les nombreux clichés qui gambadent à travers les pages. Les personnages, le héros qui avait vu ses parents assassinés, l’ordre de chevalier catholique, l’inquisiteur, la prude héroïne, le compagnon bougon, le happy end, etc. L’écriture est vraiment au service du récit, et manque sans doute un peu de personnalité tout comme l’histoire entendue mille fois. Mais l’exécution et l’ambiance sauvent la mise, le-gagnant-prend-tout comme dirait un groupe suédois un peu trop connu, et on a même droit à une histoire de rossignol :
« En Arabie, dit-il, on raconte qu’il était un temps jadis où toutes les roses étaient blanches. Une nuit, sous une lune décroissante, un rossignol se posa près d’une telle rose, une grande rose blanche, et quand il la vit, il tomba immédiatement amoureux. À cette époque, on n’avait jamais entendu un rossignol chanter. Ils passaient leurs vies en silence, du début à la fin, mais l’amour de ce rossignol était si fort pour cette exquise rose blanche qu’un chant d’une merveilleuse beauté jaillit de son gosier et il l’entoura de ses ailes en une embrassade passionnée et le rossignol serra la rose contre son poitrail, mais avec une passion si sauvage que les épines percèrent son cœur, et il mourut, ses ailes drapées autour d’elle. Le sang du rossignol avait taché les pétales de la rose blanche. Et c’est pour cela que, depuis, certaines roses fleurissent rouges »
J'entend déjà les ululements lugubres des démons infernaux qui me diront qu'il y a pas mal de longueurs, nottament dans les 500 premières pages de l'ouvrage ( n'est pas gros qui veut). Offrez votre chat ainé et n'écoutez pas les racontards, fussent-ils menacants. Rarement ouvrage aussi gros se sera lu aussi vite...
A lire ou pas ?
Au lieu de perdre votre temps et vos neurones à doubler « Gladiator » que vous connaissez par cœur, ou à sculpter votre corps pour espérer être le 301ème, reportez votre attention sur « La Religion ». A défaut d’être un chef d’œuvre d’horlogerie suisse, il garantira à ceux désireux de lire 1000 pages d’action trépidante, un bon moment littéraire. Et, petits veinards que nous sommes, il ne s’agit que du premier tome d’une trilogie…


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