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Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

Publié le 27 mars 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

Môssieu le Chat,

Nous sommes en 2013 après Jésus-Christ. Toute la Nouvelle France est occupée par les Québécois. Toute ? Non ! Un trio d’irréductibles Gauloises

Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…
a envahi les camps retranchés de Chicoutimi, au Saguenay. Et par Toutatis, j’en suis ! En effet, dès que j’ai compris que Lutèce n’était plus un pari sur l’avenir, je suis allée chercher mon carpe diem ailleurs car impossible n’est pas gaulois. Farpaitement, môssieu le Chat ! Alors, veni, vidi, pas tout à fait vici, mais même si mon chaudron ne déborde pas encore de sesterces, l’avenir me semble vraiment plus prometteur dans mes spartiates canadiennes. De plus, comme tous les chemins mènent à Chicoutimi, j’ai fini par rencontrer deux autres Falbala exilées qui, comme moi, n’ont pas eu peur de franchir le Rubicon avant qu’Agecanonix ne les rattrape. Qui se ressemble s’assemblant, nous sommes donc devenues copines comme sangliers. Une amitié qu’aucune zizanie n’est encore venue ternir à ce jour. Nous avons partagé des repas, des fringues, des fins de semaine, des confidences mais jamais, jusqu’à ce que « Cuba » résonne comme un sésame de vacances de rêve, nous n’avions envisagé de partager une semaine entière de congé.

C’est le rêve de chaque femme de partir en vacances sans enfants, sans mari, loin du travail et de toute attache, juste entre filles. Mais voila que plus l’odyssée approche et plus je perds ma bonnemine. Et si cette longue proximité se révélait être la fichue goutte qui ferait déborder l’amphore de l’amitié ? Qui n’a jamais vécu un mois de juillet pluvieux cauchemardesque dans une villa pourtant louée et partagée avec ses meilleurs amis ? Par Jupiter, le Chat, il me semble tout à coup que les retours estivaux qui ont vu des relations au beau fixe devenir orageuses sont légion.

Heureusement, nous rendons à César ce qui est à César et partons à Cuba sans enfants, ce qui ipso facto réduit le nombre d’antagonismes. J’éviterai ainsi les « mamanluiiiilaledroiiitaunuuuttetellaaaaetpasmoiiipourquoiiii ? » de mon gamin face au gamin infernal de l’autre qui, non seulement a préséance sur toutes les discussions adultes, mais qui, en plus, remet systématiquement en cause toutes les règles alimentaires et les heures du coucher. En nous dispensant donc du siège de nos jeunes garnisons, nous mettons donc toutes les chances de notre côté. Mais ne vendons pas la peau du sanglier avant de l’avoir tué.

Car premièrement, nous partons à trois vers l’aéroport de Montréal, et trois ne font pas une paire. Dites-moi, le Chat, comment allons-nous pouvoir jouer à trois Thelma et Louise dans une décapotable ? Si je suis celle que l’on relègue sur le minuscule banc à l’arrière avec les bagages, ne finirai-je pas par avoir envie de bâillonner les deux autres bardes, faussant à tue tête « les copains d’abord » sans moi, la radio à fond et leurs cheveux dans le vent, certes, mais aussi dans ma figure ?

Alea jacta est ! Les billets ne sont pas remboursables de toutes les façons. Pas d’assurancetourix ! Par Bélénos, nous partirons donc envers et contre tout. Permettez cependant, cher Chat, que je pousse cette réflexion afin de comprendre pourquoi les vacances entre amis ne sont pas forcément gage de réussite. Tout d’abord, si toute l’année on tente de se montrer professionnel, bien droit en équilibre sur son bouclier, notre vraie personnalité a tendance à apparaître quand vient le temps du farniente. En vacances, tout le monde se laisse aller. Nous avons beau être Gauloises toutes les trois, avoir ce même franc-parler, nous ne sommes pas identiques, et cette liberté soudaine risque bel et bien d’exacerber nos différences.

Il existe justement trois types de Gauloises en vacances. Voici donc le trio standard.

Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…
Astérix, c’est la personnalité dominante. Celle qui s’impose comme leader et parfois jusqu’à la tyrannie. Tout trio qui se respecte a donc son chef scout. Je pense, donc tu suis. Réveillée aux aurores, elle se gargarise de potion magique dont elle a emmenée quelques litrons pour les besoins de la cause (in potiona magica véritas !) et à son retour de jogging, elle secoue ses acolytes. Il est 6h30. Elle a googlemappé le voyage au kilomètre près et, entre deux visites guidées, elle vous épluche ses quatre encyclopedix de voyage et toutes les activités culturelles et sportives en ordralphabétix. Elle a pensé à tout. De l’immodium à l’intétrix.

Obélix, c’est la personnalité nonchalante. Celle qui est tombée dans la potion quand elle était petite. Elle compte surtout se laisser vivre et, malheureusement pour les autres, se laisser traîner aussi. Elle monopolise les toilettes le matin et prend toute l’eau chaude. On l’attend partout et tout le temps, sauf quand c’est l’heure des repas. Il faudrait que le ciel lui tombe sur la tête pour qu’elle évite le buffet vers lequel elle se précipite abraracourcix. Elle s’endort la première et ronfle bien évidemment. Elle a tout oublié et vide sans vergogne le tube de crème solaire que vous avez payé à prix d’or. Coquette et susceptible cependant, elle vous en voudra beaucoup si vous mettez une photo d’elle sur Facebook, alors qu’elle ne rentrait pas son ventre. Par Odin, elle n’est pas grosse, juste basse de poitrine !

Quant à Idéfix, et bien elle est là, mais c’est comme si elle n’y était pas. Elle est tombée amoureuse du barman Jolitorax, le premier soir. C’est la cerise sur le bronzage, elle ne pense plus qu’à lui ; et vous aurez beau pleurer contre un arbre, vous n’existez plus.

Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…
Par les Dieux, nous, les Gau… les Gaugau… les Gauloises courrons-nous alors au naufrage en voulant vivre une grande traversée collective ? Il suffit d’ouvrir nos valises pour constater qu’avant même de partir, nous n’avons pas la même idée de notre destination. Dans l’une des bouquins et des mots, dans l’autre du Tide to go, et dans la troisième des talons hauts. Si l’une voyage le menhir léger, les autres, cétautomatix, ne peuvent se séparer de leur garde-robe, de leur pharmacie ou  de leur garde-manger.

Mais qui joue des flutes perd sa hutte, n’est-ce pas, le Chat ? Et nous avons le goudurix. Elles sont folles ces Gauloises ! Alors levons nos cervoises à l’amitié, et qu’elle ne soit jamais tiède !  Et puis attachons nos centurions, les filles, et filons vers Cuba et ses panoramix. Cueillons dès aujourd’hui le gui.  Car le temps c’est des sesterces alors Mergitur ou pas, fluctuat!

Sophix

Notice biographique

Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…
Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis 15 ans. Elle vit à Chicoutimi où elle enseigne le théâtre dans les écoles primaires et l’enseignement des Arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire. Parallèlement à ses recherches doctorales sur l’écriture épistolaire, elle entretient avec l’auteur Jean-François Caron une correspondance sur le blogue In absentia à l’adresse : http://lescorrespondants.wordpress.com/.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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