Il pleut. je n'ai plus rien à dire de moi-même Et tout ce que j'aimais, comme le sable fin Sans peser sur la plage où les vents le dispersent (Amour dont je traçais un émouvant dessin) S'évanouit... La seule étendue inutile Mais seule, mais unie, en pente vers la mer, Me laisse par l'écume aller d'un pas tranquille Qu'elle efface après moi. Toi, paysage amer, Paysage marin, le seul où je sois libre, Qui parle mieux qu'un homme, avec plus de grandeur, Donne-moi, pour un soir, cette raison de vivre, Le secret de ta grâce au milieu du malheur: Sans faiblesses, sans fleurs charmantes ni flétries Mais tellement plus beau qu'aucun ouvrage humain, La terre unie au ciel par la foudre ou la pluie Et les quatre éléments tenus dans une main. Vous faites ces beautés, lumières de l'orage, Dunes, léger trésor, mouvement des éclairs, Mais il reste à traduire un si noble langage Et vous n'aurez de sens que celui de mes vers Quand je n'avais plus rien à dire de moi-même Ce paysage m'a répondu sagement :Car la création est le jeu que je mène Et jusqu'à mes ennuis doivent former un chant.
Odilon-Jean Périer, Le promeneur, dans: Poèmes (Labor, 2005)
image: Denys Puech (larousse.fr)