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« L’accompagnatrice », un roman de Nina Berberova : ou quand la littérature est enchantement …

Par Alyette15 @Alyette1
1ère de couverture

1ère de couverture « L’accompagnatrice » de Nina Berberova – Actes Sud

A la suite d’une série de lectures aussi éprouvantes qu’explicatives, à la suite d’un Salon de Livre hoquetant les  tristes bulles d’un champagne bon marché, Je m’interrogeais quant à l’émerveillement suscité par la littérature.  Attristée, j’en étais à ce constat : et l’enchantement ?

Puis, il y eut ce dimanche de Pâques, dimanche 31 mars 2013. Découverte d’un roman : « L’accompagnatrice de Nina Berberova ». Une à une les pages se déploient sans difficulté, dans ma poitrine ce bondissement espéré. Le roman s’impose, évident dans sa sobriété, tragique dans son propos. Vous l’aurez compris, « L’accompagnatrice » est une lecture essentielle, de ces lectures qui en évoquant l’intimité d’une pâle jeune fille russe accède à l’universalité.

Cette jeune fille russe, Sonetchka, de lignée pauvre, marquée du sceau de la honte car issue d’une furtive union entre sa mère  pianiste et l’un de ses élèves, semble vouée  à un destin de neige. Dépourvue de beauté, devenue elle aussi pianiste par défaut, Sonetchka finira par découvrir  le monde. Le monde enchanté et parfumé d’une diva du chant - Maria Nikolaevna – cristallisant le bonheur comme d’autres convoquent la tristesse. Meurtrie par le souvenir de sa condition modeste, Sonetchka deviendra sa pianiste-accompagnatrice et suivra dans un exil doré cette diva bénie par la chance, aimée sans conditions par un mari fermant les yeux sur ses aventures. A ses côtés, taciturne la jeune fille observe, s’éclipse. Au grès des notes, silencieuses et tenaces, haine et vengeance prendront racine. Souriante, la diva tourbillonne…

Ce court roman, admirablement traduit, esquisse sans violence ni drapeaux rouges ce qui sépare à jamais les êtres issus de conditions sociales différentes. Grand roman sur la lutte des classes, « L’accompagnatrice » décrypte  avec autant d’élégance que d’acuité la genèse d’une révolution qui mena les russes bien nés sur les routes de l’exil. En faisant de Sonetchka son héroïne privée de lumière, la romancière, exilée elle aussi, confesse la surdité d’une bourgeoisie vouée à une funeste décadence puisqu’incapable d’avoir su entendre le chant de son peuple.

Nostalgique, Nina Berberova compose une partition aussi littéraire que politique sur l’anéantissement de l’âme slave. Une âme érudite et romanesque entre larmes et élans passionnés, une âme étrangère au malheur d’autrui s’incarnant dans le chant d’oiseau d’une diva.

Et si la musique, celle des notes, comme celle de l’amour, était encore le lien possible entre affamés et trop nourris ? « L’affaire n’est pas dans la naissance mais dans quelque chose d’autre… je ne cesserai d’attendre et de me dire : tu ne peux pas mourir, tu ne peux pas te reposer, il y encore un être qui se promène sur terre… ».

Astrid MANFREDI, le 31/03/2013


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