Magazine Cinéma

Que Viva Mexico

Publié le 02 avril 2013 par Olivier Walmacq

0

Genre : Expérimental, Documentaire, Muet

Année: 1932

Durée : 1H25

L’histoire : Histoire et chronique du Mexique à travers divers personnages et divers évènements. 

La critique de Vince12 :

Aujourd’hui nous allons évoquer un des films les plus énigmatiques de l’histoire du cinéma, j’ai nommé Que Viva Mexico de Serguei Eisenstein. Un véritable film maudit d’un réalisateur de génie. L’histoire du film en lui-même est entrée dans la légende du septième art.

C’est donc à la fois l’histoire du Mexique et l’histoire de l’œuvre en elle-même qui nous est racontée. En effet il s’agit là d’une version montée en 1979 soit 44 ans après la réalisation du film.

Attention SPOILERS

1

Que Viva Mexico s’ouvre d’abord sur des images du Mexique. Ensuite on a droit à une interview de Grigori Aleksandrov l’assistant réalisateur d’Eisenstein qui nous raconte la naissance du film.

En réalité dans les années 30, Eisenstein effectue un voyage aux Amériques. Son idée est alors de tourner un film sur « le nouveau continent ». Malheureusement le réalisateur russe ne parviendra pas à s’entendre avec Hollywood, il décide alors de faire un film au Mexique un pays qu’il affectionne particulièrement pour ses richesses culturelles. Le producteur Upton Sinclair, un socialiste millionnaire, accepte de produire le film. Au final ce qui devait être une œuvre se déroulant au Mexique devient une œuvre sur le Mexique.

2

C’est alors que le film démarre, un film muet en l’occurrence. Cependant les habituelles planches écrites qui décrivent des éléments tels que les dialogues ou les prologues, sont ici remplacées par une voix-off rajoutée lors du montage en 1979.

L’histoire du Mexique est alors évoquée à travers trois chapitres : Fiesta, Sandunga, Maguey. On suit le parcours de différents personnages et divers événements. Un mariage, une corrida, la fête des morts mais également l’oppression des riches propriétaires dont sont victimes les péons.

3

Que Viva Mexico se situe donc une fois encore entre le cinéma et le documentaire. Plusieurs scènes sont directement issues de la vie réelle. D’autres ont été jouées  par des acteurs étant tous des non professionnels ce qui accentue cependant le réalisme.

A la fin du film on retrouve Grigori Aleksandrov qui nous raconte la fin de cette œuvre. A l’époque, Eisenstein et Aleksandrov avaient filmés 70 000 mètres de pellicule. Cependant Sinclair leur coupa les vivres et récupéra les bandes. C’est ainsi que se termina Que Viva Mexico. Ainsi le quatrième chapitre initialement prévu et intitulé Soldadera ne sera pas réalisé. Ce qui est plus que regrettable quand on sait que ce chapitre devait raconter la révolution mexicaine. D’autant plus qu’on se souvient du travail fabuleux d’Eisenstein sur la révolution russe.

4

Eisenstein sera littéralement dépossédé de son film et plus jamais il n’en parlera jusqu’à sa mort.

30 ans après la mort de ce génie, les USA permirent à l’URSS de récupérer des rushes, cependant il manquait 15 000 mètres de pellicule. Eisenstein était mort de même que Edouard Tissé le directeur de la photographie, il ne restait plus qu’Aleksandrov.

En 1979 ce dernier décida d’effectuer le montage du film avec ce qui était disponible, il sera aidé de la monteuse Esther Tobak. Ils monteront alors le film « tel que l’avait conçu Eisenstein, tel que je me l’imaginais et tel que je me le rappelle » déclare Aleksandov.

5

C’est ainsi que le film sort enfin 44 ans après sa réalisation. Au final le résultat est certes très beau mais forcément décevant quand on pense à ce que cela aurait pu/du être.

On a droit à une grande fresque expérimentale entre la fiction et le documentaire sur le Mexique. On retrouve le style du réalisateur qui s’attache aux symboliques. Plus que tout Eisenstein s’intéresse au folklore local. Il filme ainsi les temples et monuments aztèques de façon magistrale, ainsi que les fiestas mexicaines. Par ailleurs le réalisateur russe semble particulièrement fasciné par la fête de morts, un évènement qui lui permet là encore de jouer avec les symboles pour évoquer certains aspects de la société.

6

Car en effet, Que Viva Mexico prend également une dimension critique lorsqu’il montre l’oppression des propriétaires sur les péons, avant la révolution. Ce chapitre se terminera sur une scène choc dans laquelle des opposants sont enterrés jusqu’au épaules et sont mis à morts, la tête piétinée par les cavaliers. Une scène forte comme Eisenstein sait les faire. Bien des années plus tard, cette scène trouve des résonnances dans le chef d’œuvre de Fernando Arrabal, Viva La Muerte (cela dit ce dernier n’avait pas pu s’inspirer du film d’Eisenstein qui à cette époque n’était pas encore sorti).

Comme habituellement chez le réalisateur, il n’y a pas vraiment de personnages principaux, Que Viva Mexico ne raconte pas l’histoire de personnes mais l’histoire d’un pays comme ce fut le cas pour les précédentes œuvres du cinéaste.

7

Que Viva Mexico permet donc à Eisenstein de se diriger vers de nouveaux horizons esthétiques et une fois encore le cinéaste tire largement profit du paysage mexicain et de sa culture pour nous livrer des images somptueuses parfois étranges et irréelles.   

Que Viva Mexico est vraiment un film à part, difficile à évaluer, cependant on ne peut que regretter que ce film ne soit pas ce qu’il aurait du être. A ce propos l’écrivain Dominique Fernandez déclara « Il ne monta jamais son film, ce qui aurait peut être été le plus beau film du monde »

Un film maudit qui a sombré dans l’oubli mais qui dégage une force particulière. Une vraie curiosité cinéphile à découvrir.

Note : 16,5/20


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Olivier Walmacq 11545 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines