Il y a quelques jours, je vous annonçais la sortie du livre de Marcela Bublik, Abuela, une biographie de Rosa Roisinblit, vice-présidente de Abuelas de Plaza de Mayo. Cette sortie a donné lieu hier matin à la publication d'une interview de l'auteur, que je vous retranscris intégralement pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'elle est intéressante et qu'ayant suivi quelque peu Marcela dans son enquête, je reconnais bien dans le papier du quotidien les problématiques qui étaient encore les siennes en août dernier alors qu'elle terminait les derniers entretiens avec la vieille dame pour laquelle elle a tant d'affection et d'admiration. Ensuite parce que Marcela est une amie et que je suis très heureuse que ce livre puisse avoir la diffusion qu'il mérite et qu'elle même mérite aussi...
Marcela Bublik présentera officiellement son livre, en présence de Rosa Roisinblit et du préfacier, le rabbin Daniel Goldman, au Centro Cultural Haroldo Conti, installé dans l'ex-Esma, à Palermo. Ce sera le vendredi 12 avril 2013, à 19h, en présence de Raúl E. Zaffaroni, haut représentant de la Cour Suprême, l'un des hérauts de la lutte actuelle pour la démocratisation de la justice en Argentine, de Leonardi Fossati, l'un des petits-fils retrouvés par Abuelas de Plaza de Mayo, et le président du CC Haroldo Conti, Eduardo Jozami
Entrée libre et gratuite, dans la limite des places disponibles.
L'article de Página/12, que vous pouvez lire en version intégrale et originale en cliquant ici, est de Adriana Meyer et on le trouve dans le corps du journal, et non pas, comme on aurait pu s'y attendre, dans les pages culturelles...
Los caminos de Rosa Roisinblit y su biógrafa se cruzaron de casualidad. Marcela Bublik, escritora y compositora, ganó el primer premio del concurso Letras por la Identidad que habían organizado las Abuelas de Plaza de Mayo y la Secretaría de Cultura en 2004. “¿Bublik? ¿Tenés algún parentesco con Toto?”, le preguntó la vicepresidenta de Abuelas a la autora. Cuando le respondió que era su papá, Rosa dijo: “Es un chico de mi pueblo”. Aunque se llevaban diez años, habían sido vecinos en Moisés Ville, en Santa Fe, escenario de su infancia como hija de inmigrantes judíos devenidos campesinos, y que dejó para ir a la gran ciudad a trabajar como partera. Abuela. La historia de Rosa Roisinblit, una abuela de Plaza de Mayo, reconstruye esos primeros años, la describe como mujer enamoradísima y madre dedicada a la educación de su única hija, que tenía su profesión, pero cumplía el mandato de preparar la comida. Hasta que fue “lacerada por la más cruel de las crueldades”, el secuestro y desaparición de su hija, Patricia Roisinblit, embarazada de ocho meses. El libro muestra la transformación de Rosa, entregada a la búsqueda de los hijos de desaparecidos y desaparecidas, en una dirigente de derechos humanos, una travesía que va desde no querer saber sobre “ideología y metodología” de la militancia de Patricia hasta convertirse ella misma en un ser político.
Les chemins de Rosa Roisinblit et de sa biographe se sont croisés par accident. Marcela Bublik, écrivain et compositrice, a remporté le premier prix du concours Letras para la Identidad (1) qu'avaient organisé Abuelas de Plaza de Mayo et le Secrétariat d'Etat à la Culture en 2001. "Bublik ? Tu as une parenté avec Toto ?" demanda la vice présidente de Abuelas à l'auteur. Quand elle lui répondit que c'était son père, Rosa lui dit : C'est un gars de mon village. Ils n'avaient que dix ans mais ils avaient été voisins à Moisés Ville, dans la Province de Sante Fe, décor de son enfance comme fille d'immigrés juifs devenus paysans et qui le quitta pour la grande ville pour travailler comme sage-femme. Abuela, la historia de Rosa Roisinblit, una abuela de Plaza de Mayo, reconstitue ces premières années, la décrit comme une femme très amoureuse et mère dévouée à l'éducation de sa fille unique, qui avait son métier mais s'occupait aussi de préparer à manger. Jusqu'au moment où elle fut lacérée par la plus cruelle des cruautés, la séquestration et la disparition de sa fille, Patricia Roisinblit, enceinte de huit mois. Le livre montre la transformation de Rosa, occupée à chercher les enfants des disparus et disparues, en une dirigeante des droits de l'homme, un parcours qui va de ne rien vouloir savoir des idéologies et des méthodologies de la militance de Patricia jusqu'à se transformer elle-même en un être politique. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Bublik aclara en su introducción que no se trata de un “documental institucional, ni de una investigación periodística, sino de un ‘libro amoroso’”, una autobiografía dialogada, armada con horas de charlas con la protagonista y decenas de entrevistas a sus allegados, con muchos adjetivos, pero que no la hacen menos rigurosa. Hay textos que invocan, como el capítulo referido a Patricia, y otros que forman un collage de géneros y estilos. “Es un tema muy doloroso, pero en un relato donde hay momentos de humor, de suspenso narrativo, con una línea dada por los títulos de los capítulos que se refieren a canciones”, dice Bublik en diálogo con Página/12. La primera parte está dedicada a “cuatro mujeres fuertes, cuatro mamushkas”: la mamá de Rosa, la propia Rosa, su hija Patricia y su nieta Mariana.
Bublik explique dans son introduction qu'il ne s'agit pas d'un "documentaire institutionnel, ni d'une enquête de journaliste, mais d'un livre d'amour", une autobiographie dialoguée, montée avec des heures et des heures de conversation avec la protagoniste et des dizaines d'entrevues avec ses proches, avec beaucoup d'adjectifs, mais qui n'en est pas moins rigoureuse. Il y a des textes qui font renaître les souvenirs comme le chapitre consacré à Patricia et d'autres qui forment un collage de genres et de styles. "C'est un sujet très douloureux, mais dans un récit où il y a des moments d'humour, de suspense narratif, avec une ligne donnée par les titres des chapitres qui se réfèrent à des chansons", dit Bublik à Página/12. La première partie est dédiée à "quatre femmes fortes, quatre mamushkas" : la maman de Rosa, Rosa elle-même, sa fille Patricia et sa petite-fille Mariana. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Por qué Rosa?
–Sucedió. Fue a partir de ese episodio del día en que anunciaron el premio, cuando Rosa, que presidía la mesa, descubre que soy la hija de su vecino de Moisés Ville, aunque ahí todos son vecinos. Mi papá ya falleció, pero estuvo cuando Rosa me entregó el premio, en el teatro Cervantes. Justo era mi cumpleaños y tenía a mis amigos que me cantaban desde el público. Ahí, mi amiga Patricia Barone me dijo: “Bublik, no sé cómo vas a hacer el año que viene para superar todo esto”.- Pourquoi Rosa ? - Cela s'est trouvé comme ça. Cela s'est fait à partir de ce moment, le jour où le prix a été annoncé et que Rosa, qui présidait le jury, découvre que je suis la fille de son voisin de Moisés Ville, même si là-bas tout le monde est voisin. Mon père est mort maintenant, mais il était là quand Rosa m'a remis le prix, au Teatro Cervantes. Ce jour-là, c'était justement mon anniversaire et tout le public me l'a souhaité en chantant. Mon amie Patricia Barone m'a dit : "Bublik, je ne sais pas comment tu vas faire pour supporter tout ça pendant l'année prochaine"... (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Qué dice el libro sobre Rosa que impulse a leerlo?
–Hay aspectos de su vida que no son conocidos públicamente que tienen que ver con sus raíces, su cultura y su identidad, que luego se relacionan con cómo encaró eso que no eligió. Cuando una persona tiene una incidencia tan fuerte por su trabajo, personalidad y trayectoria, es interesante saber cómo empezó, por qué encaró lo que le tocó vivir de esa manera. Fue un trabajo largo e intenso, pero muy placentero, muy amoroso. La lucha de las Abuelas es algo que tiene que ver conmigo, está en mi corazón. Yo también conocí muy tempranamente los efectos del terrorismo de Estado.- Que dit le livre sur Rosa qui inciterait à le lire ? - Il y a des aspects de sa vie qui ne sont pas connus du public et qui ont à voir avec ses racines, sa culture, son identité, qui ont à voir avec la manière dont elle a fait face à [ce drame] qu'elle n'a pas choisi. Quand une personne tient tant à son travail, à sa personnalité, à son parcours, c'est intéressant de savoir comment ça a commencé, pourquoi elle a fait face à ce qu'il lui a été donné de vivre de cette manière-là. Cela a été un travail long et intense mais très tranquille, avec plein d'amour. La lutte de Abuelas est quelque chose qui a à voir avec moi, c'est dans mon cœur. Moi aussi j'ai connu très tôt les effets du terrorisme d'Etat. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Por qué?
–Mi ex marido tiene a su hermano desaparecido, estuvimos afuera, uno de nuestros hijos nació afuera, esa ausencia siempre fue una presencia muy clara desde la época en que muchos no entendían bien qué estaba pasando. Además, también tocó mis raíces, todos los veranos de mi infancia iba a ese pueblo. Mi viejo era escritor y médico, hacía ficción, así que crecí rodeada de palabras e historias, y muchas se tejían con esto de las raíces.- Comment ça ? - Le frère de mon ex-mari a disparu, nous étions à l'étranger, l'un de nos enfants est né à l'étranger, cet éloignement a toujours été bien présent depuis l'époque où ils étaient nombreux à ne pas bien comprendre ce qu'il se passait. En plus, ça a touché aussi mes racines, tous les étés de mon enfance, j'allais dans ce village. Mon père était écrivain et médecin, il faisait de la fiction, de telle sorte que j'ai grandi entourée de paroles et d'histoires et beaucoup d'entre elles se tissaient avec ce truc des racines. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–En el prólogo, el rabino Daniel Goldman recuerda que apenas conoció a Rosa ella le dijo que la comunidad judía durante la dictadura no había estado a la altura de las circunstancias. ¿Coincide?
–No soy una judía practicante, ni tengo lazos con la comunidad, pero sí, coincido. Fueron muy pocos los que se jugaron como el rabino Marshall Meyer, de quien Goldman es discípulo.–Goldman también expresa una interesante sugerencia, que las Abuelas deberían ser también candidatas al Nobel de Medicina por el efecto sanador de su labor. ¿Qué le parece?
–El pone el énfasis en la profesión de Rosa, juega con las palabras y las ideas, pero también lo dice por las investigaciones sobre ADN que se profundizaron en el mundo por el impulso y la búsqueda de las Abuelas. Ellas estaban atentas a todo lo que pudiera ayudar. Un día vieron una nota en el diario El Día sobre un padre que no reconoció a su hijo, y ahí se les ocurrió que esto también podía servir para identificar con precisión científica a sus nietos. Los mismos genetistas dicen que fueron tocados por el pedido de Abuelas.- Dans la préface, le rabbin Daniel Goldman rappelle qu'à peine vous connaissiez Rosa, elle vous a dit que la communauté juive pendant la dictature n'avait pas été à la hauteur des circonstances. Vous êtes d'accord ? - Je ne suis pas une juive pratiquante et je n'ai pas de lien avec la communauté, mais oui, je suis d'accord. Ils n'ont pas été nombreux à prendre des risques comme le rabbin Marshall Meyer, dont Goldman est un disciple. - Goldman expose aussi une suggestion intéressante, celle que Abuelas devraient être candidates au prix Nobel de Médecine pour l'effet thérapeutique de leur travail. Qu'en dites-vous ? - Il met l'accent sur le métier de Rosa, il joue avec les mots et les idées (2) mais il dit ça aussi pour les recherches sur l'ADN qui se sont approfondies dans le monde grâce à l'impulsion et la recherche des Grands-Mères. Elles faisaient attention à tout ce qui pouvait aider. Un jour, elles ont vu un article dans le journal El Día sur un père qui n'avait pas reconnu son enfant, et elles pensèrent que ça aussi ça pouvait servir pour l'identification précise et scientifique des petits-enfants. Les généticiens eux-mêmes disent qu'ils ont été touchés par la demande de Abuelas. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Tuvieron algunas disidencias?
–No, sólo puntos de vista referidos a algunas cuestiones políticas o humanas, pero en lo macro hay coincidencias. Rosa no maneja la computadora y ahora le cuento todo lo que pasa en Facebook, para administrar la página del libro tuve que abrirlo. Le voy contando a Rosa, o nos vemos y llevo mi netbook, como cuando la llevaba a trabajar con el libro en su casa. Fueron horas enteras en aquel momento y ahora nos seguimos viendo, la llevamos a algún concierto o la invitamos al cine. Una vez me dijo que le gustaban las películas de Greta Garbo, entonces le grabamos una y cuando se la mostramos, vino su hermana. Tenías que verlas, fascinadas como dos nenas. Rosa tiene una mente muy abierta, la veo como una persona que guarda en un arcón toda su ternura, que no se ve a primera vista y yo la supe encontrar.- Vous avez eu des désaccords ? - Non, seulement des points de vue liés à quelques questions politiques ou humaines mais grosso modo on est d'accord. Rosa ne manie pas l'ordinateur et maintenant je lui raconte tout ce qui se passe sur Facebook, pour administrer la page du livre, il a fallu que j'en ouvre une. Je raconte tout ça à Rosa ou alors nous nous voyons et j'emporte mon notebook comme je l'emportais avec moi quand nous travaillions sur le livre chez elle. Cela a été des heures entières à cette époque-là et maintenant on continue à se voir, nous l'emmenons au concert ou nous l'invitons au cinéma. Une fois, elle m'a dit qu'elle aimait les films de Greta Garbo, alors on en a enregistré un et quand on la lui a montré, elle est venue avec sa sœur. Tu aurais dû les voir : deux gamines fascinées. Rosa a l'esprit très ouvert, je la regarde comme quelqu'un qui garde toute sa tendresse dans un coffre-fort, elle ne se voit pas tout de suite et moi, j'ai su la trouver. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Rosa es una mujer que se reinventó?
–Sí, tuvo que refundarse en distintos momentos. Antes del secuestro de Patricia, nunca entró en su cabeza tener participación pública ni militante en cuestión alguna. No enjuicio a quienes no pudieron, pero ella arremetió con todo. Con miedo, pero tuvo que pasar por arriba del miedo.–Y en una primera etapa estuvo sola.
–Pero tuvo una pulsión para seguir. En la lucha de Madres y Abuelas se reivindica el empuje y la unión de las mujeres, pero Rosa también habla de los hombres que estuvieron esperándolas en la otra cuadra, ellas veían que siendo mujeres no eran blanco tan fácil de ataque, si iban ellos al frente, iban a estar más expuestos. Muchas mujeres tenían a su hombre, pero Rosa no tenía a su hombre, con su marido había tenido una historia de amor muy profunda, romántica, de compañía intelectual, pero murió antes de que Patricia empezara a militar. Al principio estaba muy sola, pero ella reivindica que hay amigos que siempre estuvieron a su lado.- Rosa est une femme qui s'est réinventée ? - Oui, elle a dû se refonder à différents moments. Avant la séquestration de Patricia, il ne lui est jamais venu à l'esprit d'avoir une participation publique ou militante sur aucun sujet. Je ne condamne pas ceux qui n'ont pas pu le faire mais elle, elle a embrayé sur tout. En ayant peur, mais il a fallu qu'elle surmonte cette peur. Et dans une première étape, elle a été seule. Mais son cœur battait pour continuer. Dans la lutte de Madres et de Abuelas, on revendique la prise en main et l'union des femmes, mais Rosa parle aussi des hommes qui étaient là à les attendre au coin de la rue, elles voyaient bien que parce qu'elles étaient des femmes, elles n'étaient pas une cible si facile à attaquer, que si eux allaient au front, ils allaient se trouver plus exposés. Beaucoup de femmes avaient leur homme, mais Rosa n'avait pas son homme à elle, avec son mari elle avait eu une histoire d'amour très profonde, romantique, avec un partage intellectuel, mais il est mort avant que Patricia commence à militer. Au début elle était très seule, mais elle soutient qu'il y a toujours des amis à ses côtés. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Cómo cambia Rosa cuando aparece el nieto, en 2000?
–No fue fácil esta historia. La están reconstruyendo, hubo momentos de distancia, en el libro dice cuándo fueron. Ahora creo que se están acercando, ella valora mucho cada momento a su lado.–¿Con su otra nieta también tuvo sus momentos de distancia?
–Son momentos de crecimiento, de adolescencia, no fue fácil la vida de ninguna de ellas. Los conflictos y aprendizajes que no se hacen de manera normal, y en un momento de rebeldía en que una se la agarra con la madre, y si la mamá no está, las figuras de las abuelas ejercieron ese rol.- Quelle est la transformation de Rosa à l'apparition de son petit-fils en 2000 ? - Cette histoire, ça n'a pas été facile. Ils sont en train de la reconstituer, il y a eu des moments de distance, dans le livre, elle dit quand ça s'est produit. Maintenant je crois qu'ils se rapprochent, elle apprécie au plus haut point chaque moment avec lui. - Avec sa petite-fille aussi, elle a eu des périodes de distance ? - Ce sont des périodes d'évolution, de croissance, d'adolescence. La vie d'aucune des deux n'a été facile. Les conflits et les apprentissages qui ne se font pas de manière normale, et dans une crise de rebellion quand on se prend de bec avec sa mère... et si la mère n'est pas là, ce sont les grands-mères qui en font office. (Traduction Denise Anne Clavilier)
–¿Qué aprendió con este libro?
–Aprendí un montón sobre Rosa, sobre las Abuelas, y también sobre mí. Descubrí qué fuertes eran algunas cosas vinculadas con mis raíces, las resignifiqué, cosas que recibí en mi infancia. Y me fortaleció acercarme a gente de los organismos de derechos humanos, cada entrevista que hice me enriqueció, me permitió entretejerme con ese relato, sentirme más cercana, se resignificaban cosas que viví en la dictadura, y también reencontré cosas de mi viejo, de la vida comunitaria y del pueblo. Rosa me contó que mi abuela, que era directora de la escuela de Moisés Ville, le dijo a su mamá cuando ella tenía cuatro años que “esa nena tiene que ir a la escuela”, y ella pensó “ufa” (risas). Escribí este libro en un momento difícil mío y este proceso me curó, me conectó con la alegría, a pesar del tema tan trágico con el que estuve. También fue muy intenso lo que pasó con las entrevistas con las amigas de Patricia, con una terminamos amigas nosotras. Ellas me ayudaron a darle carnadura, me conectaron con Patricia persona, más allá de la militante o alguien que está en la historia. Me dieron a Patricia, y me dijeron que gracias al libro ellas también se reencontraron.- Qu'avez-vous appris grâce à ce livre ? - J'ai appris un tas de choses sur Rosa, sur Abuelas, et aussi sur moi. J'ai découvert qu'il y avait des choses fortes qui sont liées à mes racines, j'en ai pris la mesure, des choses reçues dans l'enfance. Et ça m'a renforcée d'aborder les gens des organismes de droits de l'homme, chaque entretien que j'ai eu m'a enrichie, il m'a permis de m'immiscer dans ce récit, de m'en sentir plus proche, ils m'ont fait prendre la mesure de ce que j'ai vécu sous la dictature et j'ai aussi retrouvé des choses de mon père, de la vie communautaire (3) et du village. Rosa m'a raconté que ma grand-mère, qui était directrice de l'école de Moisés Ville, a dit un jour à sa mère, quand elle avait quatre ans que cette petite doit aller à l'école et qu'elle a pensé "zut !" (rires). J'ai écrit ce livre dans un moment difficile de ma vie et le faire m'a guérie, ça m'a connectée à la joie, malgré le tragique de ce que je vivais alors. Et ce qui s'est passé dans les entretiens avec les amies de Patricia, ça a été très intense. Avec l'une d'elle, j'ai fini par devenir amie. Elles m'ont aidée à lui donner de la chair, elles m'ont connectée à la Patricia personne, au-delà de la militante ou de quelqu'un qui appartient à l'histoire. Elles m'ont donné Patricia, et elles m'ont dit que grâce au livre, elles aussi, [Patricia et elles], elles s'étaient retrouvées. (Traduction Denise Anne Clavilier)
(1) Pour le tango Soy, que j'ai traduit dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, Tarabuste Editions, janvier 2011. (2) Comme tout bon rabbin qui se respecte. (3) Moisés Ville a été fondé par des juifs d'Europe de l'Est qui ont voulu vivre l'utopie de l'autogestion communautaire, comme ils l'ont fait aussi, à la même époque ou à peu près, en Palestine placée sous mandat anglais en fondant les kibbutzim qui disparaissent actuellement les uns derrières les autres. Pour ces juifs persécutés dans et par l'Empire russe, c'était le rêve de l'émancipation politique que ces grands programmes de vie comme producteurs agricoles (une activité qui était interdite aux juifs partout en Europe depuis le Moyen-Age). Ils ont pu se lancer dans l'aventure grâce aux grands espaces fertiles de la Province de Sante Fe et ils ont ainsi écrit un partie importante de l'épopée de l'immigration juive en Argentine.