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Chronique d’humeur, par Jean-Pierre Vidal…

Publié le 03 avril 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

Oui, changement d’humeur que ce mouvement qui me pousse, en ces temps où les chrétiens célèbrent la résurrection et les païens sa dimension profane qu’on appelle le printemps, à céder la plume à mon avatar le nouvellier.

D’abord pour claironner ici un grand coup médiatique : quatre auteurs de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, dont mon avatar, ont décidé,

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pour tenter de secouer l’indifférence à l’endroit de la littérature, de faire un lancement collectif réunissant jeunes et vieux, auteurs au sommet de leurs carrières et d’autres au début ou en milieu : c’est ainsi que le 17 avril, à 17 h, à la Marina de Chicoutimi seront lancés Ciel mon mari, un recueil de fictions de Mylène Bouchard (La Peuplade), Tokyo Impérial, le troisième volume de la Suite hôtelière d’André Girard (Québec Amérique) Le voyage d’Ulysse, roman d’Yvon Paré (XYZ), et mon recueil de nouvelles Le chat qui avait mordu Sigmund Freud (Éditions de La grenouillère).

Vous trouverez ci-joint, en guise d’amuse-gueule, la couverture du livre et une des nouvelles qu’il contient : Le carnet.  Pourquoi précisément celle-là ?  Parce qu’elle est courte, mais aussi parce qu’elle est dédiée à Dario Larouche qui avait été responsable, lors du lancement de Petites morts et autres contrariétés, de la mise en lecture de quelques-unes des nouvelles de ce recueil ; c’est ensuite lui qui avait conçu la scénographie d’ensemble de la mise en théâtre de quelques autres nouvelles du même recueil produite, l’automne dernier, par le théâtre CRI.  Il avait enfin signé la mise en scène de deux des nouvelles représentées à cette occasion en plus de jouer dans plusieurs autres.

Je me permets donc ici, par ce biais, de rendre hommage à cet homme de théâtre particulièrement créatif et polyvalent qui, malgré son jeune âge, a déjà fait beaucoup, et à divers titres, pour le théâtre dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Par ailleurs, la dédicace attire l’attention sur une des caractéristiques de ce recueil conçu comme une mosaïque ou un kaléidoscope ou encore comme un de ces albums de musique que la critique « pop » qualifie de « concept » : outre les thèmes ou motifs récurrents d’une nouvelle à l’autre, chacune a son dédicataire particulier.  Ils vont de l’ensemble des comédiens et metteurs en scène qui ont participé aux représentations de Petites morts (et je vous prie de croire qu’il n’est pas toujours facile de choisir celle qu’on adresse, en hommage, à telle ou tel) à des personnalités connues, de Mathusalem à Charles Darwin, en passant par Anne Sinclair et DSK.

En espérant vous voir en grand nombre à ce lancement et avant cela, si vous avez l’âme voyageuse, au Salon International du Livre de Québec (le 12 avril, de 16 h à 17 h, et le 13 avril, de 14 h à 15 h, au stand 223), je vous souhaite la meilleure des lectures.


Le carnet

Du coin de l’œil, elle le voit se tortiller, étendre du plus qu’il peut sa main droite derrière lui et tâtonner sur la banquette arrière, puis se tordre complètement l’épaule pour passer cette même main droite entre les deux sièges, essayer avec la gauche ; elle devine ce qu’il veut, le petit carnet dans lequel il écrit tout, ses gains annuels, des fréquences radios, ses pensées, les courses à faire et même des projets de nouvelles depuis qu’il s’est décidé à essayer d’écrire.  Elle voudrait bien l’aider, elle sait à quel point c’est important pour lui, mais avec cette route tortueuse, elle ne peut guère détourner les yeux, le temps, au moins, de s’assurer que le fameux carnet est bien sur la banquette arrière, qu’il ne l’a pas oublié à la maison, ce qui le fait toujours pester et ruminer en silence pour la suite du voyage.  Elle n’aimerait pas le voir encore renfrogné, avec tous ces kilomètres qui leur restent à faire.

Finalement, il a défait sa ceinture et elle le voit à genoux sur son siège qui se penche par-dessus son dossier.  Elle veut protester, l’avertir, lui dire qu’il vaudrait mieux qu’ils s’arrêtent, s’il tient absolument à écrire quelque chose.

La seule chose dont elle se souvient, maintenant, tandis que la policière l’a prise dans ses bras pour essayer de la consoler, c’est qu’elle l’avait vu écrire sans rattacher sa ceinture.  C’est au moment où elle allait le lui faire remarquer que l’impact s’est produit.

Elle se dégage de la policière, marche en titubant sur le bord de la route et voit, hébétée, un autre policier s’avancer vers elle, le carnet ouvert à la main.

Il le lui tend et à travers ses larmes, elle parvient à lire : « Je le savais. »

L’AUTEUR

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa

Chronique d’humeur, par Jean-Pierre Vidal…
fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitaires québécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes, Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (Spirale, Tangence, XYZ, Esse, Etc, Ciel Variable, Zone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

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