Titre original : Searching for Sugar Man
Note:
Origines : Suède/Angleterre
Réalisateur : Malik Bendjelloul
Distribution : Sixto Díaz Rodriguez, Stephen Segerman, Dennis Coffey, Mike Theodore, Dan Dimaggio, Jerome Ferretti…
Genre : Rockumentaire
Date de sortie : 26 décembre 2012
Le Pitch :
La quête de fans pour retrouver la trace d’un mystérieux songwriter maudit…
La Critique :
Lorsque l’on fait un rockumentaire, c’est, en général, sur un groupe ou un artiste vedette, un monstre sacré à la longue carrière. En résulte des documentaires centrés sur les anecdotes de tournées, d’enregistrement d’albums, bref, sur le parcours du musicien ou du groupe en question. Ici, ce n’est pas du tout le cas. Le film nous narre le parcours d’un artiste, certes, mais pas d’un monstre sacré. Il s’agit de Sixto Rodriguez, un chanteur-guitariste de Detroit, dont l’un des morceaux donne son titre au film. Au début des années 70, il sort deux albums qui, si ils reçoivent un accueil critique favorable, font un véritable flop d’un point de vue commercial. À tel point que Rodriguez en vient à disparaître complètement du circuit, des rumeurs parlant même d’un suicide sur scène. Mais parallèlement, de l’autre côté de l’Atlantique, en Afrique du Sud, Rodriguez devient sans le savoir une icône de la lutte anti-apartheid. Son écriture réaliste proche de Bob Dylan a séduit la jeunesse afrikaner, alors en pleine ébullition. Il est, pour beaucoup, l’auteur de la bande-son de nombreux jeunes sud-africains en bute contre système ultra répressif et raciste.
Mais le film possède d’autres particularités que ce fond inhabituel. Sur la forme, on peut le scinder en deux parties. La première prend des airs d’enquête policière à suspense pour retrouver la trace et percer l’énigme Rodriguez. Cette partie met en avant le travail de deux jeunes fans sud-africains, Stephen « Sugar » Segerman et Craig Bartholomew-Strydom. On ne voit que quelques vieilles photos de Rodriguez, nous montrant un jeune homme à l’aura unique. Cette partie est l’occasion d’interviewer Steve Rowland (producteur de Boney M mais surtout de Jerry Lee Lewis) et quelques autre personnes ayant collaboré avec Rodriguez sur ses deux albums. L’occasion de voir à quel point ils croyaient en lui et ne comprennent pas le peu de succès qu’il a rencontré. Cette première partie pose beaucoup de questions et la seconde ne va pas forcément y répondre, même si le meilleur est à venir…. Je ne dirai d’ailleurs rien de la seconde partie pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte, car non, il n’est pas mort. Mais elle est assez peu classique aussi, à sa manière.
Au niveau narratif, le documentaire est particulièrement bien ficelé, créant des retournements de situation et des moments de suspense comme un vrai polar.
La mise en scène est aussi un énorme point fort. Le suédois Malik Bendjelloul manie sa caméra comme personne. La scène de tempête sur Detroit est superbement filmée. Sans parler des multiples travelling qui ponctuent le métrage, traduisant toute la fluidité du travail du metteur en scène. Par moments, certaines séquences sont dessinées. Elles représentent ce qui n’a pu être filmé, notamment le Detroit des années 70. Le manque de moyens du film n’est jamais un problème. De ce côté, comme par nombre d’autres aspects, Sugar Man entretient des liens forts avec un autre film sur la musique : Buena Vista Social Club. Tous deux parlent de musiciens qui ont disparu de la circulation et de leur recherche et ils font preuve tout deux d’une mise en scène très élégante. On parlerait donc de film non-fictionnel plutôt que de documentaire, tant celui-ci se hisse au dessus de la concurrence.
Sans parler de la bande-originale qui permet d’écouter le chanteur tout en participant à sa recherche? En soi, une belle occasion de découvrir son travail.
Oscarisé (Oscar du Meilleur Documentaire 2013) et ayant remporté le premier prix du prestigieux festival du film indépendant de Sundance, Sugar Man est un bel hommage, une invitation à la découverte qui entretient aussi le mystère sur ce drôle de bonhomme. Mais n’est-ce pas le mystère qui contribue en partie à son charme et à son intérêt.
@ Sacha Lopez
Crédits photos : ARP Sélection