Saperlotte, du volatile il n’a guère le ramage mais bien l’inquisition le bougre. Au septième étage face, depuis sa vigie de quadra, il épie. Entre quatre murs tapissés de moquette, réglé comme du papier à musique, il passe tranquillement à l’état de croûton, rasséréné par ses odeurs de soupe à l’oignon et ses tocs de vieux garçon.
En planque derrière l’œil, il vit au rythme du va-et-vient de l’ascenseur et des indiscrétions de la copropriété. L’inactivité le ronge comme la corde élimée du tapis de son entrée et le tic tac de la pendule égrène les longues secondes d’une vie tristement stérile et morne comme un Damart.
Il hait ces gens qui néanmoins ont le mérite d’occuper sa vie. Ce type aurait dû vivre en ermite au milieu de la Pampa. De la Pampa, il a pris les techniques de sioux pour assouvir son besoin de savoir. Savoir quoi au juste ? Que Paul Durand est rentré ce soir du 4 avril 2013 avec une botte de poireaux de chez Momo, le petit épicier du coin de la rue.
Première technique de Pie Rusée : faire mine d’attendre quelqu’un et prendre un air faussement déçu à l’ouverture de la porte. Tiens, Mademoiselle Dulourd prend l’ascenseur pour un monte-charge. À signaler au conseil syndical.
Deuxième technique de Pie Rusée : sortir sa poubelle sur le palier. Elle est toute pimpante, prête pour sa prochaine descente. Tiens, Monsieur Soulard a acheté deux packs de bière. Si nuisances nocturnes ce week-end, notifier au conseil syndical.
Troisième technique de Pie Rusée : laisser sa paire de Scholl sécher sur son paillasson. Les chaussures doivent prendre l’air de la cage d’escalier au moins une fois par jour. Pauvre paillasson. Il est aussi rêche que son propriétaire.
En face de son homologue à poils – qui, soit dit en passant, exhibe un chat dans une position lascive adressant au visiteur un désopilant Chalut - il nous fait l’affront de porter fièrement l’inscription Le Paradis, c’est ici.