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Mis à part chez les grands mordus de sport, la March Madness ne signifie pas grand chose dans notre pays. Et pourtant, il s’agit d’un des événements les plus populaires de la culture américaine, le deuxième événement sportif le plus suivi juste derrière le Superbowl.
La March Madness est le tournoi final de basket-ball universitaire qui regroupe les 64 meilleures équipes (universités donc) de l’année dans un tournoi à élimination directe donnant lieu au fameux bracket, petit plaisir de pronostics pour trouver le vainqueur final (une chance sur des millions de trouver tout les bons vainqueurs par tour) auquel même le président Obama s’adonne avec plaisir. Ironiquement, même la NBA, l’échelon suprême, ne connait pas un tel engouement en période de playoffs.
Il faut dire que le cursus universitaire est quelque chose d’éminemment important dans la vie d’un américain. Vous avez déjà tous vu dans des films ou des séries ces bals de promo, ces soirées de retrouvailles entre anciens pensionnaires selon les années de promotion, etc etc. L’université, c’est une deuxième famille, on est et on reste un membre à vie de UCLA, Harvard, Duke, Notre-Dame ou autres. Le mois de mars est donc l’occasion chaque année pour tous les anciens étudiants de renouer avec « sa famille de coeur ». A titre d’information, l’état américain compte sa perte d’argent dans le monde du travail en millions sur cette période précise. Entre arrêt maladie et pose de vacances, les badauds n’hésitent pas à ruser pour ne rien manquer du parcours de leur université. Dans l’autre sens, vu l’argent généré par la diffusion des rencontres et tout ce que l’on peut compter autour (publicités, alcools, tickets, pizzas, …), le manque à gagner est très vite réglé.
Et puis il y a aussi tous les étudiants actuellement résidents dans ces différentes universités. C’est un moment de communion unique où tous tirent dans la même direction. Quand on dit « communion », on tend plus vers le grand bordel joyeusement organisé, notamment quand les facs vont loin. Et les administrations n’y trouvent pas à redire sur ce « break », c’est un formidable miroir et une pub assurée en cas de grand parcours. Il faut savoir que le budget alloué au sport peut parfois atteindre 30 à 40 millions de dollars par an pour les universités les plus côtés sportivement. Tout le monde y trouve son compte finalement.
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Pour tous les sports américains, l’université est l’antichambre des grandes ligues. C’est ici que sont formés les grands champions de demain. Si pour les plus doués, une année (voire aucune des fois comme Bryant ou Garnett…) suffit avant de passer à l’échelon supérieur, certains poursuivent leur cursus de quatre années jusqu’au bout. C’est le cas par exemple du légendaire Tim Duncan qui est donc passé de freshmen à sophomore à junior puis à sénior sous la bannière de Wake Forest.
Le cursus universitaire crée évidemment du buzz autour des meilleurs joueurs ce qui lui permet aussi d’écrire sa propre histoire. Comme ce duel final incroyable en 1982 entre North Carolina porté par James Worthy et un certain Michael Jordan face à Georgetown du tout aussi jeune Pat Ewing qui deviendra une véritable légende là bas. C’est aussi grâce à la NCAA que la France apprendra à connaître Joakim Noah, véritable star de Florida avec qui il gagnera deux fois le titre coup sur coup en 2006 et 2007 avec une sacrée équipe (Noah, Horford, Brewer) et la récompense individuelle de joueur du tournoi la première année.
Autre escouade encore plus légendaire dans l’histoire universitaire, c’est bien évidemment les Fab Five de Michigan qui vont instaurer un tout nouvel état d’esprit en défonçant tous les codes de l’époque. A la cool, près au combat, rois du trash talking, les Wolverines ont imposé leur loi et leur style qui seront même repris ensuite en NBA. Avec l’immense Chris Webber épaulé par Juwan Howard, Jalen Rose, Jimmy King et Ray Jackson, Michigan atteindra la finale deux fois de suite (92 et 93) pour deux défaites, renforçant un peu plus la légende. Surtout que l’université n’est plus allé aussi loin depuis… avant cette année!
Le charme de l’université, c’est également l’indécision qui l’entoure. A part en cas de grandes équipes alignées comme celles nommées plus haut, les grands joueurs de demain ne gagnent pas tous le trophée NCAA. En 2003, par exemple, c’est Carmelo Anthony et Syracuse qui remporte le titre. Dans une année où il y avait Dwayne Wade et Chris Bosh, entre autres, face à lui. Et bien Melo compte aujourd’hui zéro titres chez les grands quand D-Wade en a déjà deux et un pour Bosh (avant celui de cette année sans doute…).
En NCAA, le collectif prime toujours sur l’individuel. A vrai dire, les véritables stars sont la plupart du temps les coaches. Que ce soit Rick Pitino, Billy Donovan et bien évidemment la légende de Duke, Mike Krzyzewski, à la tête de l’équipe depuis 33 ans (!) et coach de la Team USA. Alors c’est plus facile de faire parler son savoir et son autorité face à des titous que face à des stars, mais il faut reconnaître aussi qu’ils ont une légitimité plus forte que la majorité des coaches NBA, étant professeurs ou chercheurs dans le jeu depuis des années. Ce n’est pas rare ainsi de voir certains entraineurs avec des contrats faramineux.
Il n’est pas rare non plus d’ailleurs, de voir des joueurs, star en université et ne jamais percer au plus haut niveau. Le monde cruel du professionnalisme…
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Et cette année alors ? Et bien pour ceux qui n’auraient pas suivi, la finale c’est cette nuit, aux alentours de 2h30 (en direct sur la chaine L’Equipe 21 dont il faut saluer l’effort sur le coup) à Atlanta. Elle opposera deux des favoris depuis le début, les Cardinals de Louisville aux Wolverines de Michigan dont on vous a parlé plus haut.
Une rencontre forcément électrique puisque l’attente des supporters, étudiants, ex étudiants des deux écoles est très forte. En effet, ça fait 24 ans que Michigan a remporté son unique titre jusqu’ici et 27 pour le dernier de Louisville! Une éternité en somme. L’avantage est sans doute du côté des Cardinals, déjà présents dans le Final Four l’an passé alors que les jaunes n’avaient plus mis les pieds dans le Sweet 16 depuis l’époque du Fab Five. La continuité face au talent pur en quelque sorte puisque sur le papier, Michigan a peut être des individualités un peu plus costaud par contre. C’est le cas du meneur Trey Burke, pressenti de plus en plus haut à la prochaine Draft (un top 10 minimum) -même s’il est passé à côté de sa demie-finale- mais aussi des deux « fils de », Glen Robinson III et Tim Hardaway Jr. Le premier paraît déjà bien athlétique alors que le second manque encore un peu de muscle et de QI mais a les bons fondamentaux. On peut également parler du gros mais très utile Mitch McGary qui pourrait faire du bien à grands nombres de franchise l’an prochain ou de Jon Horford, frère d’Al.
Louisville se repose plus sur son collectif mais a aussi de belles pièces uniques. Peyton Siva à la mène par exemple ou encore Gorgui Dieng qui devrait être bien côté à la draft également et Luke Hankock en 6e homme, chaud comme une baraque à frite face à Wichita State. Mais l’absence sur blessure de Kevin Ware se fera sans doute ressentir, les images de sa jambe ayant tourné partout sur Internet. Bref, un match ouvert, où l’on espère que les gamins ne vont pas trop se mettre la pression et nous offrir une finale qui s’avère prometteuse.
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