Magazine Culture

Politique : Vraiment tous pourris ?

Publié le 09 avril 2013 par Thierry Gil @daubagnealalune
Illustration de Fernando Vicente

Illustration de Fernando Vicente

La politique est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée entre les mains des politiques

Certains de nos élus locaux l’ont bien compris qui prennent régulièrement le pouls des citoyens et les consultent régulièrement sur les grands dossiers et les chantiers à venir, tirent le bilan des années écoulées et tracent des perspectives pour les prochaines. On appelle cela la « démocratie participative » et c’est encore un mode de participation citoyenne peu répandu. L’exercice n’est pas toujours aisé. Il est parfois mal compris mais il a le mérite d’exister. Il se décline en conseils de quartiers, ateliers de veille civique et autres forums citoyens. Il n’y a pas que des bouffons dans l’arène politique et c’est bien ainsi.

Le pire serait de croire que tout est pourri, que les dés sont pipés, que les jeux sont faits et qu’il n’y a rien à attendre de ces gens-là même si les raisons de désespérer de notre système démocratique suivent le rythme des mises en examen et des « affaires ». Celles-ci finissent tôt ou tard par rattraper celles et ceux qui, hier, montés sur leurs ergots, nous la racontaient et la jouaient propres sur eux en réclamant de chacun d’entre nous de nouveaux sacrifices sans en consentir aucun eux-mêmes.

Méfions-nous des discours entendus et des raccourcis faciles qui mettent tout le monde dans le même panier et recouvrent nos espoirs d’un linceul. Il y a encore des élus qui n’ont rien d’autre à vendre que leur bonne foi,  des élus républicains qui ne possèdent aucun intérêt dans quelque industrie que ce soit et qui ne frayent pas avec les milieux d’affaires. Ce sont des hommes et des femmes qui se font une autre idée de la République, celle qui commande de représenter le peuple et de ne pas se substituer à lui. Et posons-nous cette question : à qui profite ce désintérêt de la vie politique teinté parfois d’un franc dégoût pour les hommes et les femmes qui l’incarnent ? Une partie de la réponse se trouve dans l’influence grandissante d’une extrême-droite rampante qui fait ses choux gras de ce rejet de la classe politique.

Les dernières mises en examen de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, pour abus de faiblesse et de Jérôme Cahuzac, ancien ministre du budget, pour fraude fiscale, ont vu réapparaître le « tous pourris » cher au Front National afin de se démarquer de cette classe politique salie par les affaires, les guerres de clans et les combats de chefs pathétiques. Hélas, le mouvement de Marine Le Pen est bien dans le moule de cette oligarchie que dénonce et appelle à balayer le co-président du Parti de Gauche, Jean-Luc Mélenchon.

« La gauche n’est pas la droite et le parti pris historique de la gauche, c’est le peuple, la transparence et la démocratie ». Marie-Pierre Vieu, PCF.

Selon Le Monde, «le compte suisse dont l’existence a été reconnue par l’ancien ministre a été ouvert par Philippe Péninque, un proche de la présidente du Front national, Marine Le Pen». Contacté par le journal, cet ancien avocat spécialisé dans les affaires fiscales a reconnu des liens d’amitié avec Cahuzac, à l’époque où ce dernier était chirurgien. Il lui semble aussi plausible d’être à l’origine de l’ouverture d’un tel compte, et il affirme au Monde en avoir parlé à Marine Le Pen.

Non seulement le FN est un excipient, une pièce essentiel du système libéral, son outil d’ajustement, manipulé sans trop de précautions pour canaliser la colère du peuple mais il est aussi de loin le parti politique qui accuse le plus grand nombre d’élus condamnés ou mises en examen entre 1997 et 2012.  Une simple recherche sur la toile et un peu de méthode permettent d’obtenir de précieuses informations et d’en tirer autant d’enseignements.

Selon une étude effectuée par la bloggeuse Louise qui a entrepris intelligemment de comptabiliser et de comparer le nombre de condamnations des élus de l’UMP, du PS et du FN proportionnellement au nombre d’élus total dans chaque camp, le parti de Marine le Pen l’emporte haut la main. Ce sont bien ses élus qui dérapent le plus souvent. Et le palmarès n’est pas très flatteur : ils sont le plus souvent condamnés pour violences physiques, incitations à la haine raciale, fraudes financières ou électorales.

Il est tout aussi intéressant à noter que l’immense majorité des élus de la République visés dans cette recherche (députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers généraux, maires et députés européens) n’a jamais été condamnée ou mise en examen. On respire.

« Les gens en ont par-dessus la tête, ils ont besoin d’avoir des dirigeants qui parlent dru et cru, qui disent les choses comme elles sont », Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de Gauche.

Si les « affaires » ont pour effet de prolonger chez les Français l’écoeurement jusqu’à l’insoutenable envie de gerber, elles ne constituent évidemment pas l’unique raison de leur défiance à l’égard de la classe politique. Je réfute le terme de « désamour » qui implique qu’il y ait un lien affectif entre le peuple et le pouvoir, terme, comme vous le remarquerez, qui est souvent associé à celui de « divorce ». Comme si les sentiments avaient leur place dans cette affaire. La langue des medias entretient l’idée qu’il existe une relation amoureuse, quasi-incestueuse, entre le peuple et ses dirigeants. Outre qu’elle rappelle la condescendance de la monarchie autrefois et des rapports ambigus qu’elle entretenait avec le peuple traité comme un enfant illégitime, cette façon d’instiller goutte à goutte le sentiment chez chacun d’entre nous qu’il existe un lien affectif quelconque entre les Français et leurs dirigeants participe, inconsciemment ou pas, à notre infantilisation. Bien des programmes lui sont d’ailleurs dédiés. Valait-il la peine de commettre un parricide en raccourcissant quelques aristocrates pour voir s’élever à leur place ce géant informe et obscène de père fouettard, amant et régent, président et pasteur ?

Aujourd’hui cette condescendance à l’égard de « la France d’en bas » trouve sa traduction dans cette volonté tambourinée sans cesse de faire de la « pédagogie » pour expliquer les réformes dont les Français ne veulent pas. Mais d’un camp à l’autre, leur pédagogie ressemble à s’y méprendre à de la propagande consistant à répéter sans cesse les mêmes arguments, sous la même forme, pour imposer une idée.

Si ce désaveu – appelons-le comme cela – fait pour le moment les affaires du FN, ce dernier doit aussi son ascension – et on ne le dit pas assez –  à l’érosion du corps électoral actif. Qui s’inquiète aujourd’hui que nos députés soient élus par une minorité d’électeurs avec des taux d’abstention qui sont de véritables bras d’honneur à l’adresse de la classe politique.

Lors des récentes élections législatives partielles dans la 2ème circonscription de l’Oise, le candidat de l’UMP, Jean-François Mancel, l’a emporté de justesse face à la candidate du FN. Le taux de participation au second tour a été de 35,30% : seuls 30.190 des 85.536 électeurs inscrits se sont déplacés, la majorité des électeurs renvoyant dos à dos les deux candidats de cette droite populiste, xénophobe et ultra-libérale. Cela n’a pas empêché Jean-François Mancel de lever les bras de la victoire : réélu sans interruption depuis 1978, il conserve son siège de député. Encore une fois qu’importe la manière, l’important est de conserver une place qui doit être bonne vu la façon dont ces gens-là se fichent éperdument du message que leur envoie l’écrasante majorité des Français. 69% d’entre nous pensent que la classe politique est corrompue selon un récent sondage. Il s’agit là d’un rejet quasi-épidermique de leur monde et de tout ce qu’il représente, un vomissement qui traduit bien plus qu’un ras-le-bol ou une défiance : un profond dégoût qui devrait interpeller le personnel politique.

Le citoyen ne croit plus en la politique et n’a plus d’espoir que le suffrage universel puisse changer quoi que se soit à la misère dans laquelle une prétendue « élite » – avec la complicité d’une poignée de gredins qui n’auront jamais à rendre compte de leurs méfaits – a précipité la France et, au-delà, l’Europe. Le citoyen ne croit plus en la politique. Un énorme gâchis qui ne trouble pas outre mesure le sommeil de ceux qui en sont la cause et qui ont tout fait pour en arriver là.

Il n’y a pas de raison que les 99% se saignent pour sauver les privilèges exorbitants des 1%

La manière dont la gauche de Hollande et ses alliés, une gauche maladroite mais pas si gauche que ça à bien y réfléchir, gouverne ce pays n’arrange rien à l’affaire. Certes le ton a changé et le climat s’est apaisé mais la colère gronde et sait-on de quelle manière elle va faire irruption dans le cours de l’Histoire. Le pire est peut-être à venir.

Hier le candidat président dénonçait la finance, cet « ennemi » qui n’a pas d’adresse. Il ne lui a pas fallu longtemps pour battre en retraite et déposer les armes devant cet ennemi qui ne comprend qu’une seule loi : celle du fric contre le reste du monde. Les 99% n’ont qu’à bien se tenir. Ce n’est pas le peuple qui gouverne.

Pourtant à gauche, y compris au Parti socialiste, des voix s’élèvent pour dénoncer les reculades du gouvernement et le pousser à orienter le cap à gauche. Un appel à amender l’accord national interprofessionnel (ANI) qui entérine de nombreuses régressions dans le droit du travail a été lancé par des militants socialistes et a recueilli presque 2000 signatures de militants et responsables locaux socialistes opposés à cet accord avec le Medef qui fragilise encore plus les salariés.

Le coup de gueule du socialiste Gérard Filoche sur LCI montre à quel point le gouvernement et ses VRP de la rue Solférino se sont coupés de leur base. « Pourquoi l’affaire Cahuzac choque t-elle à ce point des millions de nos concitoyens ? s’interroge  Gérard Filoche sur son blog. Parce qu’une fois de plus, encore, toujours, de façon accumulée, il s’agit de l’insolence du monde de l’argent, des riches, qui se permettent tout, répond cet inspecteur du travail, membre du bureau national du PS.

Pour le Front de Gauche, l’affaire Cahuzac met à jour, une nouvelle fois, un système oligarchique profondément néfaste, une démocratie à bout de souffle, la collusion grandissante entre les hautes sphères financières et celles de l’Etat ». Il propose à toutes les forces de gauche et les personnes qui ont voulu le changement en mai dernier et plus largement au peuple, contre la finance et l’austérité, de participer à une grande marche citoyenne pour la 6ème République le 5 mai à Paris.

L’ancienne candidate EELV à la présidentielle, Eva Joly, invitée de BFMTV/RMC a déclaré qu’elle serait elle aussi dans la rue le 5 mai s’associant à l’initiative lancée par Jean-Luc Mélenchon : « Je serai dans la rue et je pense que beaucoup de militants EELV seront aussi dans la rue« , a-t-elle expliqué, refusant toutefois de se prononcer sur la présence ou non des ministres Cécile Duflot et Pascal Canfin.

François Vernon


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Thierry Gil 4963 partages Voir son profil
Voir son blog