Dans Beecham House – nommé ainsi en hommage au chef d’orchestre britannique Thomas Beecham – c’est l’effervescence. Les pensionnaires, anciens musiciens et chanteurs retraités, préparent le gala annuel, peut-être le dernier, dont la recette permettra de maintenir le bon fonctionnement de la maison menacée de fermeture. Parmi eux, Reggie, Wilf et Cissy, chanteurs d’opéra qui formaient dans leur jeunesse un quatuor célèbre avec une autre cantatrice légendaire, Jean… Et justement, cette dernière y débarque un jour. Elle est constamment habitée par une honte de ne plus être à la hauteur de son art, comme au temps de sa gloire. Si Reggie, ex-mari de Jean, ne supporte pas de côtoyer cette artiste si fière, c’est qu’il a toujours cru qu’elle l’avait trahi. Malgré tout, la maison de retraite ne cessant de péricliter, lui et ses deux complices décident de convaincre Jean de chanter au gala avec eux le quatuor « Bella figlia dell’amore » de Rigoletto, de Verdi…
Dès les premières images, on entend
- des extraits de La Traviata (Libiamo ne’lieti calici, fantaisie pour clarinette) et
- de Rigoletto (La donna è mobile)
- de Verdi, et tout au long du film,
- Le cygne (Saint-Saëns),
- A Sylvia (Schubert),
- Toccata et fugue en ré mineur (J.-S. Bach),
- Menuet du Quintette en ré majeur (Boccherini),
- Menuet de la Symphonie n° 100 « militaire » et
- Quatuor « Le lever du soleil » en si bémol majeur (Haydn)… mais également
- Czardas de Vittorio Monti, et surtout,
- des extraits de l’opérette « so british » The Mikado de Gilbert et Sullivan : « Titwillow », « Flowers that bloom in the spring », « So, please you sir, we much regret », « Three little maids from school ». Lorsque Jean prend possession de sa chambre, elle fait tourner un vieux 33 tours Decca pour écouter
- des airs de Verdi. Toutes ces musiques, certaines arrangées pour l’occasion, accompagnent de très belles images, autre point fort du film.
La simplicité du scénario, émouvant, privilégie la magnifique performance des acteurs jouant les rôles principaux, mais ce qui ravit en outre le spectateur-mélomane, c’est la présence, dans de petits rôles, en l’occurrence des pensionnaires de Beecham House, de vrais musiciens retraités : anciens membres d’orchestres britanniques et anciens chanteurs reprennent leurs partitions pour jouer pour de vrai ; on voit dans le générique de fin leur photo lorsqu’ils étaient en activité, avec leur titre. Si nous devions citer un petit bémol « musical », ce serait l’enregistrement qui couvre la scène finale (le hall de la maison de retraite transformé en salle de concert rappelle le cadre d’un petit théâtre traditionnel) : la voix de Pavarotti est tellement reconnaissable que l’on a tendance à l’écouter en se détachant totalement de l’histoire…
A 75 ans passés, âge où il pourrait intégrer Beecham House, Dustin Hoffman porte un regard tendre sur la vieillesse en rendant hommage à la musique. Un très beau film que tous les mélomanes se doivent de courir voir en salle obscure.
Crédit photographique : Kerry Brown © Headline Pictures (Quartet) Limited 2012
À propos de Victoria Okada
Née à Kobe, Japon, où elle a obtenu un premier prix de piano à l’Université de Musique d’Osaka, Victoria Okada est titulaire d’un doctorat de musicologie – histoire de la musique (Université Paris IV – Sorbonne) et membre de la Société française de Musicologie. Outre ResMusica.com, elle tient des chroniques musicales sur différents revues et magazines, dont La France, seule revue japonaise entièrement consacrée à la langue et la culture française ainsi qu’à la francophonie, fondée il y a 85 ans. Traductrice spécialisée dans la musique, dans les beaux-arts et plus largement dans la culture, elle collabore notamment avec l’Ecole Normale de Musque de Paris et divers musées français et japonais. Elle prépare actuellement la version japonaise de quelques ouvrages musicaux de la Collection « Que sais-je ? » ainsi qu’un recueil d’essais de compositeurs et musiciens japonais en français. Elle est par ailleurs connue comme traductrice de nombreuses bandes dessinées. Certains ouvrages qu’elle a (co-)traduits sont régulièrement nominés au Festival international d’Angoulême et l’un d’eux a obtenu le Prix Patrimoine en 2009. Elle vit à Paris depuis plus de 20 ans.
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Bientôt on l'espère à la Salle Loison au MOULE seul cinéma que je fréquente.