Titre original : Oblivion
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Joseph Kosinski
Distribution : Tom Cruise, Olga Kurylenko, Morgan Freeman, Andrea Riseborough, Nikolaj Coster-Waldau, Melissa Leo, Zoe Bell…
Genre : Science-Fiction/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 10 avril 2013
Le Pitch :
2077. Une guerre entre aliens et humains a laissé la Terre à l’état de friche. En partie radioactive, la planète ne ressemble désormais qu’à un immense champ de bataille calciné. Jack Harper, en station sur Terre, est chargé, accompagné de Vika, sa partenaire, d’entretenir les drones qui veillent à la sécurité des installations visant à produire de l’énergie, et de les protéger contre les extraterrestres malintentionnés toujours présents en petit nombre. Une énergie destinée à alimenter une base spatiale, où les humains attendent, avant de se rendre sur une autre planète où les survivants ont commencé à affluer depuis le cataclysme. À deux semaines de la fin de sa mission, Jack n’a vraiment envie de faire ses valises, considérant la Terre comme sa planète. Les rêves qui peuplent ses nuits, aux allures de souvenirs tenaces, ne faisant que le déstabiliser un peu plus. Des rêves où il voit sans cesse une jeune femme qu’il ne connait pas. Le jour où un astronef s’écrase sur Terre avec à son bord, cette même jeune femme, le destin de Jack bascule…
La Critique :
Introduit dans la grande famille du cinéma, par le biais de Disney, avec la suite de Tron (Tron : L’Héritage), Joseph Kosinski a d’emblée impressionné son monde grâce à sa maîtrise visuelle sans faille. Un talent qui avait d’ailleurs permis à cette infographiste de se faire remarquer grâce notamment à des publicités pour les jeux vidéo des franchises Gears of War et d’Halo.
Pour autant, même soutenu par Mickey et pouvant s’appuyer à la fois sur un budget pharaonique et les bases d’un film culte comme Tron, Kosinski n’avait pas réussi à entièrement convaincre avec son premier essai. Certes tout à fait cohérent et maîtrisé d’un point de vue visuel, Tron : L’Héritage pêchait par un côté creux vraiment gênant, au point de ressembler davantage à un long clip pour les Daft Punk évoquant certes l’univers et les personnages de Tron, qu’à un long-métrage construit d’un point de vue scénaristique.
De quoi appréhender un tout petit peu la suite des événements, à savoir cet Oblivion, néanmoins précédé de toutes une batterie d’images magnifiques et d’une bande-annonce plutôt alléchante. Allait-on avoir droit à un bel objet dénué de fond ? La crainte était légitime. Le film la balaye… en partie du moins.
Le bon goût et le caractère avisé de Tom Cruise ne sont plus à prouver. Ce dernier a toujours su mener sa barque et ne s’est jamais trop compromis dans des gros navets. Il y a toujours un truc à sauver, même dans ses films les plus mineurs et bien souvent, sa seule présence représente un gage de qualité relativement fiable. En cela, l’acteur était l’une des bonnes raisons d’aller voir Oblivion avec confiance. Et au final, Cruise a encore visé juste. Oblivion n’est pas le chef-d’œuvre de la science-fiction qu’il aurait pu peut-être être entre les mains d’un cinéaste plus aguerri, mais c’est tout de même un sacré tour de montagne russe !
Est-ce parce qu’il adapte ici son propre roman graphique que Joseph Kosinski livre un film au récit bien plus construit et touffu que celui de son Tron ; ou est-ce que parce qu’ici, le chemin n’est pas balisé, car n’appartenant pas à une saga culte ? Un peu des deux certainement, mais le résultat est là. Oblivion se repose sur une histoire solide. Parcourue de clichés et construite à partir de bribes en provenance de quelques classiques du genre, mais quand même. La surprise est bonne donc. Surtout qu’en se concentrant un peu plus sur le fond, Kosinski n’a pas dénigré la forme.
Visuellement, Oblivion est littéralement à couper le souffle. Tandis que Tom Cruise, dans son vaisseau, parcourt les restes d’une Terre apocalyptique désertée, les paysages défilent sur l’écran, évoquant une poésie purement graphique, qui donne au long-métrage une large partie de son identité. Arrivant à donner corps à ses idées les plus folles grâce à des effets-spéciaux bluffants et à une réalisation ambitieuse, le réalisateur offre de beaux morceaux de bravoure, d’une clarté absolue, ample dans les grands espaces et dynamique et lisible dans les lieux plus confinés. La grâce de la caméra fait alors oublier un scénario bien emballé mais plus basique, qui évoque à la fois les grands moments du cinéma apocalyptique de ces dernières décennies et des films plus métaphysiques, comme Solaris de Andreï Tarkovski, auquel Oblivion doit beaucoup.
Jack Harper, le personnage interprété par Cruise se pose beaucoup de questions. Des questions existentielles qui offrent un beau prétexte au film pour verser dans une philosophie un poil primaire mais néanmoins efficace. Notamment grâce à Tom Cruise, tout aussi crédible dans l’action que dans l’émotion. Un comédien une nouvelle fois investi et grandement responsable de la réussite globale de l’ensemble, bien épaulé par deux partenaires féminines de haute volée. D’un côté la sensible, mais parfois glaciale et énigmatique Andrea Riseborough (vue récemment dans Shadow Dancer) et de l’autre la superbe Olga Kurylenko, décidément en route vers les sommets, elle aussi inspirée dans un jeu subtil, qui lui permet de dépasser le stade du simple faire-valoir. Ce qui n’est pas forcement le cas de Morgan Freeman et de Nikolaj Coster-Waldau (Jaime Lannister dans Game of Thrones), impeccables tous les deux, mais un poil dénigrés par une histoire qui ne leur réserve que des rôles utilitaires assez insignifiants.
Ambitieux et d’une richesse visuelle folle, Oblivion passe près du sans faute. Kosinski affute son cinéma et son regard se fait plus profond. Son second long-métrage déclenche de grandes attentes pour la suite de sa carrière. Très axé sur la technique, il fait tout de même preuve de suffisamment d’humanité pour toucher, en restant maladroit (le film est parsemé d’invraisemblances mineures mais bien là), naïf et, à l’occasion, en visant peut-être un peu trop haut. La science-fiction est un genre casse-gueule et il n’y a donc rien d’étonnant que de temps à autre, Kosinski trébuche, malgré sa bonne volonté manifeste. Pas de quoi lui en vouloir…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France