Je ne sais pas trop par où commencer pour vous raconter ma lecture de Cartographie des nuages. Je l’avais dans le collimateur depuis un moment déjà. On m’avait de nombreuses fois dit grand bien de cet auteur, David Mitchell. Mon envie s’est confirmée quand une amie a fait le lien entre l’œuvre de David Mitchell et celle d’Hari Kunzru que j’avais avidement dévoré l’an dernier, Dieu sans les hommes. Alors quand j’ai vu qu’une adaptation cinématographique (sous le titre original de Cloud Atlas) était en cours je me suis dit qu’il était temps de passer à l’acte. Je préfère lire un roman avant d’en voir l’adaptation. L’œuvre originale est toujours plus pure et détaillée pour moi, et donc forcément meilleure. Alors j’ai attrapé le volumineux roman de Mitchell dans la collection Points (malheureusement ils avaient déjà remplacé la belle couverture par l'immonde affiche du film) et ai commencé ma lecture… une très longue lecture, puisque le roman fait plus de 700 pages. L’enjeu était de le finir avant que le film quitte nos écrans français (il a malheureusement fait un flop aux USA – à cause de cette bande de pignou… incapables de reconnaître du talent... hmmm… - et n’est diffusé que sur une centaine d’écrans en France, quelle honte !), j’ai donc dû mettre les bouchées doubles, moi qui suis en train de lire cinq livres en même temps, dont trois pavés de plus de 600 pages. Il s’est de toute façon dégagé qu’entre toutes mes lectures actuelles, Cartographie des nuages était la plus passionnante et je m'y suis donc cramponnée. Ceux qui ont vu le film ces dernières semaines connaissent l’histoire, ou devrais-je dire les histoires. Car Cartogrophie des nuages, c’est six histoires, six destins entremêlés, à six époques différents de l’Histoire. Le roman commence en 1850 avec l’histoire d’Adam Ewing, notaire américain en voyage dans le continent océanique, qui relate dans un journal de bord son aventure exotique. Elle s’achève brutalement, au détour d’une phrase, pour enchaîner avec la correspondance de Robert Forbischer avec son ami Sixsmith, pianiste prodige des années 30 qui décide de devenir l’assistant de l’un des plus grands compositeurs de musique classique. Puis vient l’histoire de Luisa Rey, journaliste engagée cherchant à déjouer un complot nucléaire dans les années 70 avec l’aide d’un certain Sixsmith, vieux scientifique arthritique. Histoire que lira plus tard Timothy Cavendish, éditeur anglais de la fin du XXème siècle, embarqué dans une sombre affaire de mafia et interné malgré lui dans une maison de retraite castratrice. Puis, dans un futur lointain, Sonmi~451, esclave androïde, va développer une conscience et une intelligence humaine hors du commun et sera condamnée à mort pour rébellion. Enfin, Zachry nous raconte la vie de la dernière civilisation sur l’île d’Hawaï après la Chute des anciens et sa rencontre avec Méronyme la Presciente au grand savoir. Toutes ces histoires pourraient n’avoir aucun lien entre elles, si ce n’est cette tâche de naissance en forme de comète qui orne étrangement le dos de ses héros… Diantre, vous dites-vous, mais comment ce livre peut-il tenir la route ? Tout est dans la construction, le style, et le talent de David Mitchell mes amis. Car Mitchell a construit son roman de manière intelligente et originale. Loin de mélanger toutes les histoires en une sorte de patchwork illisible, il raconte chronologiquement chaque histoire, de 1850 au futur très lointain de l’humanité. Chaque histoire jusqu’à la dernière comporte une cinquante de pages, s’arrêtant brusquement à un tournant décisif de l’histoire, laissant le lecteur dans un état addictif, et qui force donc à redoubler de vitesse pour lire les autres histoires et savoir enfin la fin de chaque aventures précédentes. L’apogée du roman se situe au milieu de l’œuvre, lorsque Zachry nous raconte la vie après la Chute des Anciens, Chute provoquée par une soif inextinguible de l’homme pour le pouvoir et la technologie, au détriment de la planète. La montée des eaux et autres catastrophes naturelles n’ont laissé que peu de survivants, dont Zachry fait partie. La fin de son récit signe aussi la fin tout court… et nous entraine à nouveau vers le passé, refermant peu à peu chaque histoire laissée en suspens, retournant jusqu’en 1850, où Adam Ewing conclut avec beauté et finesse la destinée de chaque personnage.
Première parution en français
aux Editions de l'Olivier
Car qu’importe les choix qu’auront fait les uns et les autres pour influer sur la marche de l’univers, Mitchell démontre que la nature humaine, égoïste et opportuniste, aura toujours le dernier mot. De l’asservissement des aborigènes aux guerres qui ravageront le dernier bastion de la civilisation dans un futur dévasté, la bonne volonté et l’engagement d’un héros ne suffira pas à faire balancer le but ultime de l’humanité : la destruction. Un propos assez sinistre et cynique (mais ô combien juste !) que l’auteur fait passer en noyant le poisson grâce à la maîtrise de sa plume, maniant le récit d’aventure et l’humour anglais comme un mousquet. Je reste estomaquée par la dernière page du roman, le dernier paragraphe, qui résume et donne du sens à l’entièreté de l’œuvre, concluant à merveille ce roman atypique, qui repousse toutes les frontières des genres, du style et de l’imaginaire, un vrai de vrai chef d’œuvre qui mérite totalement cette dénomination. Fioute, quand les anglais arrêteront-ils de m’en mettre plein la vue avec leur génie romanesque ? Jamais, je l’espère Je vais donc être obligée de lire tous les romans de cet auteur (au fur et à mesure, jusqu'au crépuscule de ma vie, mais avec graaaaaannnnd plaisir !), et bien-sûr d'aller vérifier si le film est aussi bon que le roman, ce dont je doute, mais que j'espère secrètement...
Photo trouvée sur le site de JessicarulestheUniverse, elle aussi a
compris que les chats étaient très importants dans l'univers du livre...
visiblement.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 11 avril à 23:18
Une adaptation, foncièrement, trahit l'oeuvre, au même titre qu'une traduction. Des adaptations inadaptées, j'en ai vues.. des plutôt réussies aussi. Et je dois avouer que même sans avoir lu le livre (j'essaie de m'occuper de ses millions de copains sur mes étagères, d'abord), le film semble appartenir à la deuxième catégorie. On ressent bien les tiroirs, les enchaînements, les liaisons, le suspens, le fil conducteur, le thème cher à notre cher Orwell.. Alors, une fois vu, à votre tour, vous me direz...