Magazine Cinéma
Un jour il faudra que je consulte un psy pour savoir à quoi est dû mon amour profond pour les salles obscures, ou que je demande à ma mère si elle m’emmenait en douce dans les salles de ciné quand j’étais encore bébé et si pour ne pas se faire repérer elle m’aurait inculqué tôt les bonnes manières d’un tel lieu. Je le sais, qu’aux yeux de certains, je suis un peu bizarre dès que je mets les pieds dans un cinéma. Oh en-dehors je suis un ange, sage, réfléchi, diplomate, un parfait gentleman. Bon, je reste tout cela une fois que je suis assis dans mon fauteuil les yeux rivés sur le grand écran, mais disons que ma patience autrement légendaire est… comment dire… fortement diminuée. Et aux yeux de beaucoup, cela fait de moi un spectateur chiant, probablement, même si à mes yeux, les chieurs, ce sont les autres.
Plus le temps passe, et plus le comportement des uns et des autres dans une salle obscure m’obsède. Cela vient-il seulement de moi, ou le comportement général des spectateurs de cinéma a-t-il évolué vers cet égocentrisme carabiné qui semble être inévitable. Je ne peux pas reprocher aux américains d’avoir créé ces salles où les mineurs sont interdits, car souvent une salle sans ados est une salle paisible, mais mes griefs réguliers en salle ne se limitent pas aux adolescents.
Le weekend dernier je suis allé voir « Effets Secondaires », le séduisant thriller aux accents hitchcockiens de Steven Soderbergh. Derrière moi, jouant avec ma patience pendant la première partie du film, deux copines dont l’adolescence s’était évaporée depuis nombre d’années. Papotant pendant les pubs - ça, cela ne me pose pas de problème - mais le film commençant, logos de boîtes de prod puis plan d’ouverture, les piaillements continuent. Un coup d’œil par-dessus l’épaule, mais les premiers dialogues à l’écran les calment… un temps, car les piaillements reprennent, parce que les copines voulaient absolument partager leurs commentaires sur le film à mesure que celui-ci se déroulait sous leurs yeux.
Cela, malheureusement, c’est un classique. C’est fou, mais il faut rappeler aux gens qu’une salle de cinéma, ce n’est pas un salon. Que les spectateurs alentour, ce ne sont pas des potes qui aiment entendre leurs commentaires. Qu’un fauteuil, ce n’est pas un repose-pied. J’ai l’habitude de me retourner et de faire comprendre aux autres qu’ils gênent. Et la plupart du temps, les gens se sentent un peu honteux d’avoir été rappelés à l’ordre et se calment, au moins un temps. Mais les deux pies d’ « Effets secondaires » ne se sont pas senties honteuses. Quand je me suis retourné pour leur balancer mon regard le plus noir ayant déjà fait se tapir de honte des dizaines de spectateurs parisiens au fil des ans, celles-ci m’ont regardé, se sont tues, et une fois que je me suis retourné vers le film, je les ai entendues dire « Bah il se retourne lui ? », comme si je les dérangeais. Je me suis de nouveau tourné vers elle, agacé au plus haut point, les yeux en feu et des serpents jaillissant d’entre mes dents aiguisées, pour leur cracher « Bah oui il se retourne lui ! ». Connasses, dites-le si je vous emmerde en plus.
Bon, d’accord parfois j’exagère. Je n’aurais peut-être pas dû faire la gueule à mes amis parce qu’ils m’avaient attendu à la caisse au lieu d’aller faire la queue devant la salle. Bon et puis quand mon pote Eric est entré dans la salle l’autre soir pour « G.I. Joe 2 », tout juste en retard alors que le logo de la Paramount était à l’écran, j’aurais pu être plus aimable que ce « Qu’est-ce que t’as foutu ??!! » agressif. Après tout ce n’était que « G.I. Joe 2 ». Oui, bon, et il faut que j’arrête de stresser dans la file d’attente en me demandant si je vais avoir ma place préférée dans la salle s’il y a trop de monde, et il faudrait peut-être aussi que je stresse moins lorsque que quelqu’un s’assoie juste devant ma copine et lui bouche une partie du bas de l’écran, me poussant à lui demander 17 fois avant que le film commence si elle veut qu’on échange nos places alors qu’elle me répond 17 fois que ça ne la gêne pas, ELLE (mais sérieusement, comment cela peut-il ne pas la gêner ???).
Je me souviens m’être demandé après avoir vu il y a quelques années ce documentaire sur les cinémaniaques new-yorkais si un jour, je finirais comme l’un d’eux. Est-ce que mon tic de vérifier plusieurs fois que mon téléphone est bien éteint disparaîtra un jour ? Parviendrai-je encore longtemps à me retenir de crier dans la salle avant que le film commence « Tout le monde éteint son portable ! ». Quand je pense que certains exploitants ou distributeurs commencent à envisager d’encourager les gens à tweeter pendant les films pour ne pas braquer les jeunes et les encourager à ne pas snober la salle de cinéma. Rien que d’y penser, je fais une crise d’angoisse, comment peut-on être exploitant de salle et envisager une telle chose… Bon allez il vaut mieux que je me taise je vais finir par passer aux yeux de certains pour un taré… (mais toi, oui toi, là, tu sais de quoi je parle, hein ?)