Avant-hier, 9 avril 2013, la Présidente a signé, conjointement avec son ministre des Affaires étrangères, le décret par lequel la République Argentine reconnaît la désignation comme Archevêque de Buenos Aires et Primat d'Argentine
Monseigneur Mario Aurelio Poli, nommé par le Saint Siège le 28 mars dernier, au terme de l'accord international qui lie l'Argentine et le Vatican depuis le 10 octobre 1966 (il s'agit bien sûr de la mise à jour d'un concordat plus ancien) et qui réserve au Pape la compétence de désigner ce prélat (heureusement, vu le type de gouvernement qu'il y avait dans le pays dans les années 1960 !)...Cette reconnaissance, qui ne prendra effet que le 20 avril à 16h, au moment où Monseigneur Poli sera installé dans sa cathédrale, comme le prévoit le droit canon pour tous les évêques, emporte des effets juridiques sur le statut du titulaire de cette chaire. En effet, en l'absence de séparation des églises et de l'Etat en Argentine, un évêque n'est pas considéré par la République comme un simple particulier soumis au même régime juridique, pénal et fiscal que le quidam de la rue. Il a une position protocolaire dans l'Etat mais depuis l'arrivée des Kirchner au pouvoir en 2003, cette position tient progressivement plus de la fiction légale que d'une réalité visible et vécu dans le paysage institutionnel du pays.
Ces dernières années, ce statut différencié a été mis en œuvre d'une manière qui ne peut que surprendre un Français (et même un Européen vivant toujours en régime concordataire), lorsque le Cardinal Bergoglio (actuel Pape, je précise pour mes éventuels lecteurs martiens) a été appelé à témoigner lors du procès des organisateurs du rapt systématique des enfants pendant la Dictature, qui avait lieu dans la ville de Comodoro Py (voir mon article du 10 mai 2011) : Monseigneur Jorge Bergoglio avait été dispensé de se présenter à la barre et pouvait se contenter d'envoyer une déclaration écrite (ce qui équivalait à une partie de procédure non contradictoire), ce qui avait, en son temps, eu le don d'irriter au plus haut point les ONG des droits de l'Homme qui s'étaient portées partie civile dans le procès. Dura lex sed lex ! L'Argentine est encore pleine de ces anachronismes et pour l'heure, une grande majorité du pays y tient encore beaucoup. Alors regardons, écarquillons les yeux, soyons surpris mais ne nous moquons pas... D'autant qu'une bonne partie de l'est de la France vit encore et toujours en régime concordataire, avec des prêtres fonctionnaires et des nominations épiscopales discrètement négociées entre le ministère de l'Intérieur (même si Manuel Valls doit s'en soucier comme de son premier mouchoir), la Conférence épiscopale et la Nonciature...
Que la Présidente ait signé ce document est une simple formalité. Il n'a jamais été question qu'elle refuse sa signature ni qu'elle ait le moindre état d'âme sur ce point. Dès le 28 mars 2013, elle avait d'ailleurs pris la peine de faire savoir qu'elle approuvait cette nomination qui avait peut-être même été abordée lors de l'entretien qu'elle a eu avec le Saint Père à Rome le 18 mars. Et puis l'accord international de 1966 ne lui permet pas de contester un fait qui ne relève pas de sa compétence, dont acte. Il n'en reste pas moins que ce document est là, dans un style aussi formaliste que le style du Bulletin Officiel de la République Française ou le Moniteur du Royaume de Belgique et qui, en l'occurrence, remonte aux principes du droit argentin (le droit romain de l'Empire espagnol puis celui de la Révolution de 1810) (1) et qu'il figure en page 3 du Bulletin officiel de la République Argentine paru ce jour, juste derrière le décret qui met en place l'augmentation exceptionnelle des allocations familiales pour les sinistrés de l'inondation des 2 et 3 avril (voir mon article du 6 avril 2013 au sujet des mesures prises par le Gouvernement).
Pour aller plus loin : lire l'article de La Nación (sur ce qui reste une non-information pour le public argentin) lire le communiqué officiel émanant du service de presse du Gouvernement
(1) C'est le même style que celui des documents que je tire de la Gaceta de Buenos Aires entre 1810 et 1821 pour les besoins de mon second bouquin sur San Martín (à paraître d'ici la fin de l'année, du moins je l'espère !). En attendant, il y en a un autre qui s'annonce (enfin) pour le milieu de la semaine prochaine. Et ce sera un garçon : Tango Negro...