« Je vous promets, […], je
vous promets que je vous le ramènerais. » Une promesse que Bartle n’aurait
jamais dû faire. Une promesse intenable à laquelle la mère de Murph va croire
dur comme fer. Mais la réalité sera tout autre. Une fois arrivés en Irak, les
frères d’armes Murph (18 ans) et Bartle (21 ans), ne pourront affronter l’horreur
en restant soudés. Rendu fou par l’insoutenable violence quotidienne, Murph va
disparaître. Bartle ne le ramènera pas sain et sauf à sa mère. Il ne le
ramènera pas tout court… Pour le jeune soldat, le constat est amer : « Je
ne veux pas être responsable. […] En fait je ne suis pas un héros, pas un
garçon exemplaire, j’ai eu de la chance de m’en sortir vivant en un seul
morceau. J’étais prêt à échanger n’importe quoi contre ça, telle était ma
lâcheté. »
Kevin Powers a combattu en Irak.
Au réalisme documentaire il a préféré le prisme d’une fiction empreinte d’un
certain lyrisme. La vision qu’il donne de la guerre a un coté hallucinatoire,
porté par des couleurs où dominent le jaune poussiéreux et le rouge sang. La
toile qu’il peint au fil de ces 250 pages est souvent trouble et possède une évidente
teinte surréaliste. Son narrateur alterne entre l’impuissance
et la culpabilité. La perte des repères est pour lui terrible : « Nous
n’avions même plus conscience de notre propre violence : les passages à
tabac, les coups de pied décochés aux chiens, les fouilles, la parfaite
brutalité de notre présence. Chacun de nos actes correspondait à une page de
notre manuel que l’on appliquait sans réfléchir. Je m’en moquais. »
La construction du roman, sans
être follement originale, est très efficace : les chapitres alternent entre
la guerre et l’après guerre et la structure, tout en flash-back, entretient la
tension pour ne révéler le plus monstrueux que dans les dernières pages. Si je
devais comparer Yellow birds avec Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, je
dirais que seul le thème de la guerre en Irak rapproche les deux textes. Pour le reste, à l’esprit picaresque, grotesque et violemment comique de Ben Fountain,
Powers oppose une vision poétique beaucoup plus introspective. Une « beauté
triste » où l’on découvre la lente décomposition d’un engagé volontaire et
son impossible retour à la vie civile. Une étude menée sur les vétérans revenus du front irakien a montré qu’au cours de l’année 2007, en moyenne,
dix-sept d’entre eux se seraient suicidés chaque jour. A travers la figure de
Bartle, Powers relate la violence de l’expérience intérieure engendrée par la
guerre. Il décrit l’écho d’un ébranlement intime qui transforme ces hommes
rentrés au pays en morts-vivants.
Un premier roman que j’ai trouvé
en tout point sublime.
Yellow birds de Kevin
Powers. Stock, 2013. 250 pages. 19,00
euros.
Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec
Noukette, Leiloona et Cryssilda. Filez-vite découvrir leurs avis.