De nombreuses start-up américaines de la santé développent des services de prise en main et des programmes qui aident les patients à mieux gérer leur maladie. Une étude montre que ces programmes n’ont qu’une efficacité limitée au long terme.
Entretien avec Kingshuk Pal - eHealth Unit, Department of Primary Care and Population Health, University College London (UK). Kingskuk Pal a dirigé l'enquête Cochrane Systematic Review of Computer-Based Self-Management Interventions for Adults with Type 2 Diabetes.
L’Atelier : Nous avons assisté à l'explosion du développement d'outils et de services informatisés de prise en main personnelle.
Kingshuk Pal: En effet, aussi bien dans la sphère commerciale que dans le monde académique, le paysage évolue. Il faut distinguer trois types d'interventions informatisées. Le suivi à distance, la gestion de cas à distance et la prise en main personnelle, qui fait référence à tout type de programme informatisé interactif auquel les patients peuvent avoir recours. L'application utilise l'input du patient, associé à une technologie de communication ou de gestion, pour lui fournir une réponse sur mesure et faire en sorte qu'il prenne en main sa pathologie chronique. Ces programmes peuvent revêtir la forme d'écrans tactiles disposés dans les cliniques et hôpitaux, de programmes en ligne accessibles à domicile ou sur téléphone mobile. Au début, il s'agissait essentiellement d'écrans tactiles, mais le paysage évolue. La principale révolution concerne les interventions en ligne, et les plus récentes proposent souvent une composante mobile (des applications utilisant les téléphones mobiles pour communiquer avec les patients, par ex. envoyer des rappels ou des incitants).
Pourtant, votre enquête semble montrer que l'efficacité de ces interventions informatisées de prise en main est très limitée... Que leur manque-t-il ?
En effet, l'effet de ces interventions sur le contrôle du glucose dans le sang est limité et elles n'ont pas prouvé leur utilité dans la perte de poids des patients, face à la dépression ou dans l'évolution durable de leurs habitudes. Les interventions recourant aux téléphones mobiles se sont avérées un peu plus efficaces que les autres. Si l'on considère l’effet court terme de ces programmes sur le niveau de sucre dans le sang, les interventions recourant aux téléphones mobiles semblent deux fois plus efficaces que la moyenne des interventions et pratiquement aussi efficaces en cas de prise d'un nouveau médicament. Cependant, il faut être prudent avant de tirer des conclusions définitives. De manière générale, l'étude suggère que nous ne comprenons pas forcément comment aider les gens à changer durablement leurs habitudes (prise de médicaments, régime alimentaire, activités). Fondamentalement, nous demandons aux gens de changer leurs habitudes après une longue vie et c'est très difficile. Un tel changement exige un soutien relativement intense et permanent. Nous avons également besoin d'interventions mieux conçues, qui comprennent mieux les besoins des patients.
À votre avis, quel rôle la technologie peut-elle jouer ?
La technologie a un potentiel énorme, pour différentes raisons. Tout d'abord, en termes d'accessibilité. La participation aux programmes éducatifs et de prise en main est souvent très faible. Grâce à Internet et aux téléphones mobiles, les patients disposent d’un meilleur accès à ces programmes en dehors du cadre clinique. D'un point de vue théorique, les ordinateurs sont capables de personnaliser l'information : si nous comprenons mieux ce dont les gens ont besoin, nous pouvons développer une information sur mesure, ciblée, mieux adaptée à la pathologie de chaque personne, en tenant compte du contexte. Maintenant, il est possible de fournir aux gens l'information qui les concerne au moment où elle les concerne. Donner une information en classe est une chose, être capable de la fournir au moment où elle est nécessaire en est une autre. Les interventions dans lesquelles les gens utilisaient des SMS pour recevoir une réponse immédiate à leurs actions se sont avérées assez efficaces. Et, finalement, les interventions automatisées sont potentiellement moins coûteuses que les traditionnels face à face.
Votre étude se focalise sur le diabète ; dans quelle mesure ces conclusions peuvent-elles être généralisées ?
Il y a certainement des zones communes, en particulier avec d'autres pathologies chroniques. En termes d'engagement, chacun réagit mieux aux interventions personnalisées. Et il pourrait y avoir des techniques communes pour soutenir le changement de comportement dans le cadre de différentes maladies. Toutefois, il faut se souvenir d'une chose, c'est la démographie. Une affection qui touche principalement les enfants, par exemple, exigera d'autres réponses qu'une autre qui affecte les adultes. C'est le patient qui reste le point central et différents groupes de population avec des besoins propres exigeront différents types d’intervention.