Villagers
{Awayland}
Domino
Irlande
Note: 8/10
C’est peut-être parce que j’en ai trop écouté dans les dernières années que le folk-indie me laisse pratiquement indifférent ces temps-ci. À part quelques artistes qui sortent du lot, comme The Tallest Man On Earth, je n’y prête maintenant qu’une oreille distraite. Lost In The Trees, Bowerbirds et M. Ward pour ne nommer que ceux-là, manquent cruellement d’originalité.
Il y en a tout de même qui réussissent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Villagers, qui vient de publier son deuxième album, {Awayland}, en Amérique du Nord. Celui qui avait été nommé pour le prix Mercury en 2010, l’équivalent anglais et irlandais du prix Polaris canadien, pour son premier disque, Becoming A Jackal, réutilise la même recette qui lui avait valu ce succès d’estime il y a trois ans. En beaucoup mieux.
De son vrai nom Conor O’Brien, la tête pensante derrière le projet Villagers est visiblement grandement inspirée de l’autre Conor, le fameux Oberst de Bright Eyes. Autant dans la voix, très semblable, que dans son utilisation, appliquée doucement sur des musiques qui deviennent souvent grandiloquentes. Ces musiques qui, d’ailleurs, semblent venir beaucoup plus du groupe au complet derrière O’Brien que de seulement lui, comme ce pouvait être le cas sur Becoming A Jackal. C’est une grande qualité, puisque l’enveloppe sonore en est plus riche, mieux travaillée.
Après le grand succès critique du premier opus et une tournée de deux ans, O’Brien a connu une période difficile au niveau créatif. Il a décidé de se départir de son folk-pop confessionnel et de se tourner plutôt vers de la création électronique, se procurant synthétiseurs et autres engins d’échantillonnage. Les textures sonores qui sont nées de cette période de ressourcement sont bien présentes sur {Awayland}, ce qui le distingue grandement de Becoming A Jackal. La pièce The Waves est probablement le meilleur exemple pour ce virage électronique, alors qu’un grand maelström bâti autour d’un staccato électro nous transporte comme une vague, justement.
À ne pas s’y méprendre, le premier effort de Villagers était excellent dans son contexte plus acoustique et mérite toute la gratification qu’il a reçue. Mais ce dernier disque est supérieur, en ce sens qu’on y retrouve une plus grande profondeur musicale. La réalisation est raffinée, diversifiée – vents, cordes, vibraphone, guitares acoustiques et électriques, pianos sont à l’honneur.
La grande justesse et la qualité des textes se font encore valoir de brillantes façons, une poésie touchante et métaphorique qui est réellement complémentaire à la musique. C’est d’ailleurs probablement là que l’on retrouve encore la naïveté juvénile d’O’brien: «there’s a sleeping dog under this dialog / obedient only to rhyme / but if I could beckon her / if I could find the words / all they would be is lies / tell me why this failure is making you smile», chante-t-il sur The Bell. Cela n’empêche pas une pièce instrumentale, comme la chanson-titre, de venir agrémenter le disque d’un beau moment purement introspectif.
Reste que {Awayland} ne brise pas les conventions. C’est un excellent album folk, qui se distingue par son utilisation judicieuse de sons électroniques et des arrangements soignés. Avec son deuxième album, Villagers touche la cible sans la transpercer.