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Un autoportrait inédit de Baudelaire a-t-il été découvert ?

Publié le 17 avril 2013 par Savatier

On croit souvent tout connaître des monuments de la littérature, surtout lorsque, comme Charles Baudelaire, ils sont morts depuis près d’un siècle et demi. Cependant, des archives dorment, parfois dans des collections particulières, parfois dans des musées. De ces fonds ignorés, jaillissent, à la faveur d’une succession ou d’un inventaire, des documents inconnus ou que l’on croyait perdus. Tel semble être le cas aujourd’hui, avec la découverte (révélée par Le Figaro de ce matin) par Caroline Lenfant, conservateur à la Cité de l’architecture et du patrimoine, d’un portrait de l’auteur des Fleurs du Mal présenté comme un autoportrait inédit.

Un autoportrait inédit de Baudelaire a-t-il été découvert ?
Ce dessin au crayon rehaussé d’une note de carmin provient des dossiers du sculpteur romantique Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892). Si ce dernier fut un contemporain de Baudelaire, rien n’indique qu’il fut son ami. L’artiste n’est pas cité dans la monumentale biographie publiée par mes maîtres Claude Pichois et Jean Ziegler (Fayard), pas plus que dans la Correspondance du poète (Bibliothèque de la Pléiade) ni dans les Œuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade) qui incluent ses textes de critique d’art. Son nom ne fait pas davantage l’objet d’une entrée dans l’excellent Dictionnaire Baudelaire de Claude Pichois et Jean-Paul Avice. Tout cela n’atteste guère une grande familiarité entre les deux hommes et n’explique pas a priori la présence de ce dessin dans les archives du sculpteur. On peut en revanche avancer l’hypothèse qu’il ait pu appartenir à Honoré Daumier (lequel possédait plusieurs croquis du poète) et que Geoffroy-Dechaume l’eût obtenu de lui.

Baudelaire faisait partie, avec, entre autres, Antonin Artaud, de ces écrivains dessinateurs qui griffonnaient avec un réel talent sur des pages blanches et des albums. On connaît ainsi de sa main une bonne douzaine d’autoportraits auxquels s’ajoutent des croquis représentant Champfleury, Asselineau, Proudhon, Jeanne Duval, Bébé (sœur de Madame Sabatier) et plusieurs autres personnages masculins et féminins. On retrouvera des reproductions fidèles des principaux, notamment, dans le catalogue de vente de la collection Armand Godoy (12 octobre 1988).

Un autoportrait inédit de Baudelaire a-t-il été découvert ?
Le dessin découvert par Caroline Lenfant représente un Baudelaire portant moustache peu connu du grand public, mais parfaitement identifié par les spécialistes du poète. Il fut reproduit à l’eau-forte par Félix Braquemond et illustra l’édition originale de Charles Baudelaire, sa vie et son œuvre publiée par Charles Asselineau chez Lemerre en 1869. La gravure (que nous reproduisons ici) porte la mention : « Dessiné par Baudelaire, 1848 ». Dans la mesure où celle-ci se rapproche très nettement du dessin découvert, on pourrait sans doute dater ce dernier de cette période, s’il s’agit d’un original. Dans la notice de Baudelaire, documents iconographiques (Pierre Cailler, 1960) qu’il consacre à cette eau-forte, Claude Pichois précise d’ailleurs : « L’original (perdu) appartenait alors à Daumier, ainsi que le prouve une notule de la Nouvelle Revue de Poche, 17 septembre 1868 ».

Il se pourrait donc que ce dessin se confonde avec celui, perdu, qu’évoque Claude Pichois. On remarquera que ce dessin est entouré de petits croquis. Seraient-ils, eux aussi, de la main de Baudelaire ? On ne peut l’exclure, car le poète avait l’habitude d’accumuler sur une même page des séries de dessins, souvent réalisés en quelques traits, parfois très travaillés en hachures, à la manière d’un graveur. Reste à authentifier définitivement la pièce. Et l’on attend avec impatience les résultats d’une confrontation d’experts, puisque Thierry Bodin (qui fut expert de la vente Godoy précitée) y voit une copie de la gravure de Braquemond tandis que Jean-Paul Avice, spécialiste reconnu de Baudelaire qui collabora avec Claude Pichois, pense qu’il s’agirait d’un autoportrait original. Si tel était le cas, ce serait en effet une belle surprise pour les amateurs de baudelairiana.

Illustration : Dessin découvert à la Cité de l'architecture et du patrimoine, ©Fonds Geoffroy-Dechaume, MMF/CAPA - Gravure de Braquemond ayant servi à illustrer Charles Baudelaire, sa vie et son oeuvre, de Charles Asselineau.


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