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Ivan Le Terrible

Publié le 18 avril 2013 par Olivier Walmacq

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Genre : Fresque historique, biopic

Année: 1942-1946

Durée : 1H40 (première partie) 1H30 (seconde partie)

L’histoire : L’histoire du sanguinaire Tsar des Russies, Ivan IV, plus connu sous le nom d’Ivan « le Terrible ». Dés son arrivée au pouvoir, le nouveau tsar affirme son intention d’unifier toutes les Russies. Mais il va devoir faire face aux complots des Boyards, aux guerres contres les Tatars de Kazan et à la trahison de ses proches. Face à ces difficultés Ivan le Terrible se montrera impitoyable et implacable.

La critique de Vince12 :

Nous arrivons à la fin de notre cycle dédié à Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein. Aujourd’hui nous allons évoquer la dernière œuvre de ce grand maître et génie du cinéma, Ivan le terrible. En réalité ce projet ambitieux sur l’un des personnages historiques les plus marquants de l’histoire se compose de deux parties, la première réalisée entre 1942 et 1944 et la seconde intitulée Le complot des Boyards réalisée entre 1945 et 1946. D’ailleurs il était initialement prévu de faire une trilogie, mais la troisième partie ne sera jamais réalisée (du moins pas en entier).

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Ma première intention était de faire deux chroniques, une pour chaque partie, mais finalement j’ai choisi de faire comme la plupart, à savoir englober les deux parties, car il m’apparaît clair que l’une ne peut aller sans l’autre.  Je séparerai cependant ces deux parties dans la chronique

Attention SPOILERS

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Ivan le Terrible : Première partie

En 1547, le grand prince de Moscou, Ivan Vassilievitch est couronné Tsar de toutes les Russies. Son discours de nouveau souverain est clair, il veut unifier le royaume russe et cela par la force si c’est nécessaire.

Cependant le nouveau tsar doit subir l’opposition des nobles et puissants Boyards et notamment de  sa tante Euphrosinia qui souhaite faire monter sur le trône son fils Vladimir, un simple d’esprit.

Ivan épouse ensuite la princesse Anastasia sur laquelle le prince Kourbsky a également des vues. Euphrosinia quant à elle, parvient à déclencher un soulèvement populaire qui sera brisé par l’autorité naturelle d’Ivan.

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Les Tatars du Khan de Kazan appellent Ivan et la Russie à se soumettre. Fou de rage, le Tsar envoie son peuple à la guerre contre Kazan. Il s’empare de façon spectaculaire et écrasante de la cité des Tatars. Cette grande victoire impose son autorité de Tsar aux yeux du monde.       

Lors de son retour à Moscou il découvre que sa femme a mis au monde un héritier baptisé Dimitri. Mais Ivan tombe malade. Sur son lit de mort il tente de faire jurer aux Boyards de prêter serment à son fils, mais ces derniers se détournent de lui. Ivan s’effondre. Euphrosinia pense avoir trouvé là le moyen de placer Vladimir sur le trône, les Boyards prêtent serment à ce dernier. Seul le prince Kourbsky, qui a le sentiment que le Tsar n’est pas mort, prête serment envers Dimitri. En effet Ivan n’est pas mort et félicite Kourbsky pour sa loyauté en lui confiant la mission de libérer les terres de l’ouest.

Par la suite Ivan se montre impitoyable envers certains Boyards félons en leur confisquant leurs terres et leurs droits. Effrayée par la situation Euphrosinia réunit les autres boyards et propose un plan pour affaiblir le Tsar : assassiner la femme de ce dernier, Anastasia.

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Euphrosinia mettra au point un plan diabolique pour empoisonner la Tsarine. De son côté Kourbsky trahit  Ivan en faisant allégeance au roi de Pologne. Ivan est anéanti et désespéré.

Cependant il peut encore s’appuyer sur Maliouta Basmanov et le fils de ce dernier, qui forment  autour du Tsar une garde personnelle, les Opritchniki. Pour s’assurer de la fidélité du peuple, Ivan choisit d’abdiquer et de quitter Moscou pour Alexandrov. Le peuple répond à son appel et vient en foule à Alexandrov pour le supplier de rester au pouvoir. Ivan jouit désormais de la légitimité que lui confère le peuple et choisit de retourner à Moscou.

Voilà donc pour les grandes lignes de cette première partie.  Le film fut tourné à Alma Ata en Asie centrale. Ce n’est pas la première fois qu’Eisenstein s’attaque à la fresque historique, il en avait déjà fait l’expérience avec le superbe Alexandre Nevski (qui était également son premier film parlant).

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Clairement avec Ivan le Terrible, Eisenstein a l’intention de réaliser un film ambitieux, on s’en rend compte dés les premières images, lors de la scène du couronnement. Une fois encore le réalisateur tire profit du contexte, les décors sont sublimes et l’esthétique est remarquablement  travaillée.  Le réalisateur a le souci du détail et on retrouve dans l’image le même raffinement qui faisait le charme absolu d’Alexandre Nevski  D’ailleurs tout comme dans ce dernier, la mise en scène d’Ivan le Terrible tient plus que tout de l’opéra, ce qui confère au film une énorme puissance visuelle et stylistique. Chaque image ressemble à un tableau ou à une peinture en mouvement.  Eisenstein joue avec la lumière et les ombres et notamment celle de son personnage principal. On retrouve également beaucoup de théâtralité dans la mise en scène et dans le jeu des acteurs. Autant dire qu’Eisenstein paraît plus inspiré que jamais. Presque chaque image de ce film-opéra mériterait une analyse approfondie.     

Au niveau du casting on retrouve Nikolaï Tcherkassov qui tenait déjà le rôle principal dans Alexandre Nevski. Il faut dire que ce géant de 1m98 était l’acteur favori de Staline, puisqu’il était également membre de son parti. Staline avait imposé Tcherkassov à Eisenstein dés Alexandre Nevski, dans lequel l’acteur livrait une bonne prestation, bien que trop classique (l’époque et le contexte obligent). C’est pourquoi quand Staline impose à nouveau Tcherkassov au réalisateur pour Ivan le terrible, on peut craindre une prestation trop sobre. C’est en effet ce que laisse supposer le début du film. Pourtant plus l’histoire avance plus la prestation de Tcherkassov impressionne. L’acteur dose admirablement bien son jeu pour faire monter petit à petit la folie de son personnage. Oui Tcherkassov surprend (et le terme est faible) plus qu’agréablement. Sa prestation est presque à l’opposé de celle d’Alexandre Nevski. L’acteur est totalement impliqué dans son rôle et confère au personnage d’Ivan une puissance et une folie incroyables.

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Les autres acteurs s’en sortent également très bien, notamment Serafima Birman dans le rôle d’Euphrosimia.

Quant à la musique elle est composée par le grand Segueï Prokofiev, qui avait également signé la partition d’Alexandre Nevski. Sa musique ne fait que renforcer la puissance des images, le compositeur signant ici une remarquable partition évocatrice.

On peut également ajouter qu’Eisenstein se montre très à l’aise avec le parlant ce qui ne semblait pas encore être tout à fait le cas avec Alexandre Nevski.

A sa sortie le film sera très apprécié par Staline qui sera réceptif à l’image glorieuse du tsar unificateur de toutes les Russies. Eisenstein recevra d’ailleurs le prix Staline en 1945.

Comme dans les autres films du réalisateur on peut voir à travers Ivan le Terrible de la propagande pour justifier l’unification de la Russie et du bloc communiste. Cela dit le réalisateur se concentre ici beaucoup plus sur l’histoire et sur son personnage. Ainsi Ivan le terrible ne respire pas autant la propagande que nombreux autres films du cinéaste.  

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Cette première partie dépeint donc la gloire d’Ivan le terrible qui fait ici face à toutes les difficultés pour unifier la Russie et en faire une grande patrie.

Ivan le terrible : Seconde partie, Le complot des Boyards

Le retour d’Ivan à Moscou est légendaire, il entrave les projets des Boyards mais également du roi de Pologne désormais aidé par le félon prince Kourbsky.

Ivan effectue une nouvelle répartition des terres pour en redistribuer à sa garde personnelle, les Opritchnikis. Son vieil ami Fedor Kolytchev, devenu le moine Philippe revient vers lui. Ce dernier, qui est du côté des Boyards, lui reproche son autorité.

Ivan a beau avoir obtenu la légitimité du peuple, il semble écrasé par le pouvoir. Il est pris d’un sentiment de solitude depuis la mort de sa femme et la trahison du prince. Il supplie Philippe de ne pas l’abandonner et le nomme même métropolite pour s’assurer son soutien.  Mais Philippe complote avec les Boyards.

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Ivan se voit reprocher sa faiblesse par son ami Maliouta. Grâce au fils de Basmanov, il comprend que c’est Euphrosinia qui est à l’origine de l’empoisonnement d’Anastasia.  Il fait alors décapiter trois des Principaux Boyards.

Philippe, sous les conseils d’Euphrosinia, réagit, il organise une cérémonie à la cathédrale et proclame un discours humiliant contre Ivan, le traitant de « Tsar païen », autoritaire cruel et dégénéré. Ivan fou de rage fait irruption et face à la foule il jure alors de devenir tel qu’on le décrit. Ivan IV devient alors Ivan le Terrible.

Philippe est arrêté. Euphrosinia n’a pas d’autre solution que de faire assassiner le tsar. Elle met au point un plan diabolique envoyant son fils Vladimir et un assassin à une cérémonie organisé par le tsar. Ivan se montre cordial avec Vladimir. Ce dernier un peu ivre et sous le charme d’Ivan, dévoile malgré lui la trahison des Boyards et leur intention de tuer le Tsar. Ivan se montre alors encore plus diabolique qu’Euphrosinia, il parvient à convaincre Vladimir d’enfiler ses habits de Tsar pour ressentir sa puissance. L’assassin pensant avoir affaire à Ivan poignarde Vladimir. Euphrosinia gît au sol près du corps de son fils. Ivan marche avec son cortège, il a vaincu ses ennemis.

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Voilà donc pour cette seconde partie qui se révèle beaucoup plus sombre que la première.  En effet Eisenstein étale ici son propos. Après nous avoir décrit le glorieux tsar qui a unifié la Russie et vaincu les Tatars dans la première partie,  le réalisateur dépeint ici un tyran Paranoïaque et sanguinaire, bref le Ivan le terrible tel qu’on le connaît. On est donc loin du côté propagandiste que pouvait avoir le premier film.

Pour Nikolaï Tcherkassov c’est là l’occasion de se surpasser. Et c’est ce qu’il fait. Si l’acteur se révélait déjà exceptionnel dans la première partie, ici il est juste hallucinant. Sa   prestation confère au film beaucoup de puissance.

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Mais outre le talent de Tcherkassov, on retrouve bien sûr la réalisation d’Eisenstein, toujours aussi incroyable et expressionniste.  Le réalisateur joue toujours aussi bien avec la lumière et les ombres. Par ailleurs les 20 dernières minutes du film (qui devaient être les 20 premières d’une troisième partie) sont en couleurs, et c’est d’ailleurs à ce moment que le caractère expressionniste de la mise en scène atteint des sommets.  Ces scènes en couleurs permettent de mieux percevoir le film d’Eisenstein. Le réalisateur ne vise pas tellement le réalisme mais la fresque et la peinture. Tout est très théâtral aussi bien dans les décors que dans les prestations d’acteurs. C’est là le moyen pour Eisenstein d’exprimer la psychologie du personnage d’Ivan. Une fois encore Ivan le Terrible est un vrai film opéra.

La musique de Prokofiev est toujours aussi sublime.

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Cette seconde partie se révèle peut être encore plus réussie que la première, notamment car une fois encore elle touche à la folie de son personnage principal. Pour autant c’est aussi cet aspect qui va entraver le film.

En effet si la première partie avait été un triomphe qui s’était vu attribuer le prix Staline en 1945, on ne peut pas en dire autant de cette suite. Le film sera condamné par le comité central du PCUS. Staline n’appréciera pas l’image de ce dictateur tyrannique et paranoïaque et se sentira probablement visé.

La sortie du film sera bloquée jusqu’en 1958. C’est aussi le côté sulfureux de cette seconde partie qui empêchera la mise en scène d’un troisième et dernier épisode. 

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Clairement on ne peut que crier au chef d’œuvre en voyant Ivan le terrible. Pourtant on ne peut aussi qu’être déçu en pensant que le film aurait du être encore meilleur, si une troisième partie avait vu le jour. Ce troisième épisode avait en effet pour but de développer encore plus la folie sanguinaire d’Ivan.

Donc oui Ivan le Terrible est un monument et probablement le second meilleur film d’Eisenstein après le Cuirassé Potemkine. Pourtant on se dira toujours que ça aurait pu être encore plus monumental

 En 1962 le magazine anglais Sight and sound le classa septième plus grand film de tous les temps.

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Clairement Ivan le terrible reste un film indispensable, un classique du cinéma, un gros chef d’œuvre, un saphir du septième art (non je n’en fais pas trop).

Note : 19,5/20


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