Des étudiants m’interrogent : « Dans vos poèmes, on ne retrouve pas ou peu de sentiments tels l’amour, la peur, la solitude, la fierté d’être Québécois… »
Réponses :
1. Je n’écris pas de chansons country.
2. Je déteste la mélasse et la guimauve.
3. La seule poésie qui vaille est celle qui décrit la rencontre d’une conscience et de l’univers dont elle est issue.
4. Les sentiments sont des épiphénomènes : les « vraies affaires » relationnelles se passent à un niveau beaucoup plus profond du soi.
5. Le langage de l’intériorité – pour un poète -, c’est la musique des phrases et la force d’évocation des mots.
6. Se mettre en état d’écriture, c’est se mettre en état de résonance avec l’univers visible et invisible, c’est chercher à saisir ce qui toujours échappe à la pensée utilitaire ou à la lourdeur sirupeuse des sentiments.
Pour ces raisons, j’aime traquer les auteurs dans leurs œuvres secondaires : carnets, notes, journal… – notamment Coleridge. Lorsqu’ils s’oublient, oublient la tradition dont ils sont issus et tout ce fatras de clichés, sentiments usés, conventions qu’ils ont dû reprendre pour plaire à l’aveuglement critique de l’institution littéraire.
(Le chien de Dieu, Éd. du CRAM)
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