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[note de lecture] "Un jour, je serai prix Nobelge" de Jean-Pierre Verheggen, par Alain Helissen

Par Florence Trocmé

 
VerheggenLes éditions Gallimard ont-elles créé leur collection Hors-série littérature à l’intention expresse de Jean-Pierre Verheggen, inclassable parmi les inclassables ? Poète bin qu’oui, poète bin qu’non, comme s’intitulait son précédent ouvrage, pied de nez normand de cet écrivain wallon qui, depuis 1968, poursuit une œuvre singulière forte de plusieurs dizaines de livres dont les titres seuls pourraient constituer une entrée de choix. Mais si Jean-Pierre Verheggen s’évertue ainsi à alimenter sa bibliographie, c’est qu’il rumine dans sa Ford intérieure cette certitude qui a donné lieu au titre de sa dernière publication : Un jour, je serai prix Nobelge. Certes, avant cette consécration suprême, il a bien glané quelques prix littéraires et distinctions diverses : le prix « Enfance de l’art », le prix « jeune espoir » de la nouvelle traduction gréco-latine, le « prix de gros » (il a maigri depuis), le premier prix au Concours de violon Dingue du Conservatoire de Waterloo… Quelques galops d’entraînement pour se faire les sabots. Mais le prix « Nobelge » des délits et ratures, le mec le plus ultra de la planète des lettres, ça, c’est une autre paire de hanches ! Pour mettre tous les atouts de son côté, « l’agité du buccal » a concocté un solide dossier de candidature, objet du présent ouvrage. Pas un ridiculum vitae, non, mais un curryculum des plus épicés. L’écrivain y dresse son palmarès, prix déjà obtenus, diplômes, activités parallèles à son travail littéraire − il fut, entre autre, « conseiller conjugal pour familles de mots recomposées » −, liste de ses « outrages » inédits, collaborations à des revues et journaux et, en option, des « textes biographiques plus personnels ». Il ne manque pas, pour finir, de citer ses trois principaux concurrents : Michaux, Marie-Thérèse Philippot et Hergé. Le dossier tient la route. Le wallon « verbigerheggen à foison ». Son style éclate, reconnaissable entre tous. C’est la langue son affaire. En cela, il appartient bien à la confrérie des poètes. Mais lui écrit avec l’oreille, reformule à sa fantaisie les lieux communs et sites les plus visités du langage. Avec Jean-Pierre Verheggen, « les odeurs de sainteté deviennent odeurs de suinteté », « Saint Porc va de plus en plus fort ! », en « désesboire de cause » il se demande, paraphrasant Hamlitres, s’il a « to bu or not to bu » et s’il « met sa chérie avant les bœufs », c’est encore pour assaisonner la poésie d’une « bonne dose de bêtise intelligente ». Car elle mérite, la poésie, des corrections à répétition que l’incorrigible wallon ne manque pas de lui administrer sans relâche, tant « l’écriture le dimanche et qu’il gratte toute la semaine. » Une telle assiduité au travail mérite bien le Prix Nobelge. Au fait, sans rire, Jean-Pierre Verheggen s’est vu attribuer, en 2005, le Grand Prix de l’Humour Noir pour Ridiculum vitae et pour l’ensemble de son œuvre qu’il dirige toujours avec autant de fougue, de sa braguette magique. 
Alain Helissen 
Jean-Pierre Verheggen, Un jour, je serai prix Nobelge, éditions Gallimard, 2013, 15,90€. 


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