Lire les classiques - Théophile de Viau
Par Claude_amstutz
Heureux, tandis qu’il est vivant,Celui qui va toujours suivantLe grand maître de la natureDont il se croit la créature.Il n’envia jamais autrui,Quand tous les plus heureux que luiSe moqueraient de sa misère,Le rire est toute sa colère.Celui-là ne s’éveille pointAussitôt que l’Aurore pointPour venir, des soucis du monde,Importuner la terre et l’onde.Il est toujours plein de loisir,La justice est tout son plaisir,Et, permettant en son envieLes douceurs d’une sainte vie,Il borne son contentementPar la raison tant seulement.L’espoir du gain ne l’importune,En son esprit est sa fortune ;L’éclat des cabinets dorés,Où les princes sont adorés,Lui plaît moins que la face nueDe la campagne ou de la nue.La sottise d’un courtisan,La fatigue d’un artisan,La peine qu’un amant soupire,Lui donne également à rire.Il n’a jamais trop affectéNi les biens ni la pauvreté;Il n’est ni serviteur ni maître,Il n’est rien que ce qu’il veut être.Jésus-Christ est sa seule foi.Tels seront mes amis et moi.
Théophile de Viau, Ode, dans: Petite bibliothèque de poésie, coffret hors série de 12 volumes - Choix de André Velter (coll. Poésie/Gallimard et Télérama, 2013)
image: Tiziano Vecelli, Sagesse (http://fr.wahooart.com)