Deuxième Innovateur à passer sur le grill, Pierre-Emmanuel Grange, qui revient sur son parcours à l’origine de microDON : l'entreprise permet de donner automatiquement à des ONG via l’arrondi de petites sommes, en caisse, mais aussi sur son salaire.
Un innovateur ? Oui, et globe-trotter. C’est en Angleterre que Pierre-Emmanuel Grange fait ses premières armes dans le secteur du web, à Brighton. "Les Anglais étaient très en avance. Alors, j’ai commencé à tâter du HTML, à créer mes propres sites sur VirtualBaguette, Mygal". Après un crochet dans la métropole à Silicon Sentier, et à l’EM Lyon pour un master spécialisé, il dépose ses valises pour le compte de General Electric au Mexique où émane l’idée de "démocratiser le don sur le fond et la forme, avec un concept de générosité embarquée" : l’arrondi.
Il faut dire que dans la famille Grange, l’entrepreneuriat et la solidarité font pour ainsi dire partie de leur ADN. "Mon grand-père était entrepreneur en bâtiment, dans la peinture. Mon père est médecin et est très engagé. Il a ainsi travaillé pour Médecins du monde, pour des associations, est parti un temps au Rwanda". Et d’ajouter qu’il a travaillé pour un grand groupe. "Ca doit être lié dans ma volonté de combiner tout cela".
L’idée disruptive : Proposer aux citoyens de donner de manière indolore en arrondissant au degré supérieur leur transaction au supermarché, ou en entreprise, en faisant l’offrande aux associations de quelques euros décomptés de leur salaire. Ce qu’il appelle "la générosité embarquée".
Au Mexique, en germaniste plus averti, le voilà dépourvu. Il s’est bien équipé de la trinité linguistique du jeune actif, mais redoute d’avoir à parler espagnol. Trois mots: "Oui. Une bière. Un baiser". Vient le temps des courses au supermarché. A la caisse, une caissière lui pose une question. Il opine de la tête, et lâche un timide "si". Très fier de sa première prouesse linguistique, il réalise que son total en caisse a augmenté. "Je découvre alors une mécanique géniale, celle du ‘redondeado’, l’arrondi. La différence va à une oeuvre de charité". Et d’appliquer en France ce concept de générosité embarquée avec sa société sociale et solidaire, microDON.
Concrètement, celle-ci développe des outils de levées de fonds pour les associations. Pour l’instant, deux sont proposés: l’arrondi sur salaire et la générosité en caisse.
Le premier prend la forme d’un flyer avec un code-barres à scanner en caisse. L’arrondi sur salaire a, lui, une origine toute anglaise, - il génère là bas 100 millions de livres sterling. La générosité y est double: l’employé fait un don via l’arrondi, l’employeur abonde et paie la même somme.
Pourquoi s’intéresser au microdon ? Dans les pays anglosaxons, la culture solidaire est très développée. Les galas de charité sont légion. En Allemagne, une campagne "Deutschland rundet auf!" sacre l’arrondi dans 12 000 points de vente et est suivie par les grandes chaînes de distribution. En un an, 21 millions ont été récoltés par ce biais. Pierre-Emmanuel est conscient qu’en France, cela prendra plus de temps. "Mais le mouvement commence à se développer. Le contexte n’est pas évident, vue la crise, mais on y arrive dans les grands groupes. La responsabilité sociale des entreprises est répandue donc la cogénérosité peut faire sens".
Pourquoi ça nous impacte ? Le don est plus évident quand il s’ancre dans les transactions du quotidien. Les pays latino-américains y sont rompus. Ils n’ont pas cette idée de l’état-providence. Les ONG y ont donc adopté ce moyen. "Nous voulons démocratiser en France ce type de don, par son fond et sa forme. Ce sont des petites sommes. C’est une opportunité de don ancré dans le quotidien, qui correspond un peu aux nouveaux usages de l’instantanéité, de spontanéité". Il est convaincu que les nouvelles générations vont être de moins en moins enclines à remplir un papier pour faire un don. Il table sur l’instant T de l’achat pour interpeller ces nouveaux donneurs.
Et à l’avenir ? "Nous sommes en pourparlers avec de grands distributeurs pour que d’ici la fin de l’année, il soit possible à chaque citoyen d’arrondir directement en caisse, sans support papier. Nous avons récolté 150 000 euros par ce biais pour l’instant".
Quant à l’arrondi sur salaire, La Française des Jeux a d’ores et déjà adopté le système. Accenture se propose de suivre la même voie.