Reprendre ou céder une entreprise, un jeu d’enfant ? Avec 700.000 sociétés à vendre dans les dix ans à venir et une demande supérieure à l’offre, la tendance est à l’optimisme. Mais derrière les chiffres se cache une autre réalité, celle des PME de 5 à 50 salariés, dont l’offre limitée et très confidentielle incite les professionnels à jouer la carte du réseau.
700.000. C’est le nombre d’entreprises françaises qui devraient changer de propriétaire au cours des dix prochaines années, en tenant compte de l’âge des dirigeants actuels. Une bonne nouvelle, sur un marché qui compte en moyenne cinq repreneurs pour un cédant.
Une offre cachée
L’embarras du choix des deux côtés? Pas si simple. Car toutes ces sociétés ne sont pas « reprenables ». D’après l’Agence pour la Création d’Entreprises (APCE), la moitié aurait déjà perdu leur valeur marchande. Les PME de plus de cinq salariés - moins nombreuses que les petits commerces – ne représenteraient, quant à elles, que 1.500 à 5.000 reprises par an. Soit une cinquantaine de cessions seulement par département dans le meilleur des cas. Reprendre une PME de 5 à 50 salariés peut donc s’avérer compliqué.
La transmission pose également problème. En effet, l’information qui entoure leur cession se fait rare, voire confidentielle. Contrairement aux fonds de commerce disponibles, listés dans les catalogues d’agences immobilières, contrairement aussi aux sociétés de plus de 50 salariés, petit monde où les entreprises se connaissent et sont vendues avant même leur mise sur le marché, les petites PME ont souvent du mal à changer de main. La peur d’inquiéter ses clients, ses fournisseurs ou de perdre certains de ses salariés rend en effet prudent les chefs d’entreprise. Au risque de ne pas communiquer suffisamment et donc de diminuer leurs chances de trouver le bon candidat à la reprise.
Constituer son équipe
D’où le recours croissant des professionnels aux réseaux d’experts en transmission. Notamment côté repreneur. « Les belles cibles sont rares et celles qui sont les plus visibles sont les moins intéressantes, rappelle Hubert Brachet gérant de la société angevine LBH Partenaires, spécialisée dans le rapprochement d’entreprises et l’accompagnement à la transmission. Il faut donc développer son réseau de prescripteurs : experts-comptables, avocats, notaires, assureurs, intermédiaires spécialisés, clubs de repreneurs et associations dédiées… »
S’il n’existe pas encore de marché organisé permettant de mettre en adéquation l’offre et la demande, les acteurs économiques se sont cependant déjà emparés de la question. Notamment les CCI, qui ont lancé leurs « cellules transmission », véritables viviers de spécialistes. Car il ne suffit pas d’être comptable ou avocat pour s’improviser conseiller en reprise. « Il faut une réelle expertise et l’habitude de la transmission pour aider les professionnels à saisir les opportunités et les accompagner dans les négociations », insiste Hubert Brachet.
C’est notamment le cas des cabinets de conseil dédiés au rapprochement d’entreprises. Quotidiennement au contact des dirigeants, arpentant les salons, conférences et autres événements, ces « marieurs d’entreprises » détectent l’offre et proposent aux cédants les profils qui correspondent le mieux à leurs attentes. Tout en leur assurant la confidentialité la plus totale.
L’aboutissement d’une sélection drastique : « Il faut passer près de 2h avec chaque candidat et chaque cédant pour avoir le maximum d’informations sur eux », confie Hubert Brachet. L’expertise confine parfois à l’analyse psychologique : Vont-ils s’entendre ? Est-ce que ça va tilter ? Etc.
Une fois les négociations entamées, il est ensuite conseillé de conserver une équipe réduite (experts-comptables et avocats principalement) pour être sûr de garder la main jusqu’au dernier moment. Mieux vaut prendre le risque éventuel de perdre quelques milliers d’euros en honoraires que de commettre des erreurs comme survaloriser ou sous-estimer une affaire, mal négocier un protocole d’accord…
Une expertise humaine déterminante
Là encore, l’intermédiaire spécialisé s’avère être un atout. Poursuivant son rôle de marieur, il fait valoir son expertise « humaine » et pratique de la transmission pour prévenir les situations de conflits qui peuvent ralentir voire bloquer les discussions. Beaucoup d’échecs sont en effet liés à des facteurs humains plus qu’à des facteurs financiers, économiques ou juridiques. Son travail d’accompagnement consiste alors à arbitrer les débats.Notamment s’assurer que les questions éminemment litigieuses sont abordées dans les règles de l’art. La valorisation doit ainsi être discutée dès la première phase des négociations, clauses de garantie examinées avec soin… Et parfois intervenir en cas de clash, dénouer la situation et redéfinir les objectifs.
Pour le cédant comme pour le repreneur, la mise en réseau est donc l’une des clés d’un parcours couronné de succès. Un atout supplémentaire doublé d’un gain de temps précieux, puisqu’une transmission se révèle souvent très chronophage. D’autant qu’en moyenne, douze à dix-huit mois intenses, sont nécessaires pour un passage de témoin réussi.