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Le port de la Mer de Glace

Publié le 25 avril 2013 par Montagnessavoie
Dominique Potard, Le port de la Mer de Glace, 1997. Il y a des gens qui osent écrire ce qui leur passe pas la tête, de persévérer dans leur délire littéraire, sans adhérer à aucun courant, sans se soucier d'être crédibles ou pas, en restant fidèles à leur ligne de création. Le livre de Dominique Potard obéit à ces critères. L'auteur est guide de haute montagne à Chamonix mais ne se lance pas dans un énième récit d'ascension "classique", "normal". Il tourne le dos aux conventions et produit un roman totalement halluciné, entre divagations d'alcooliques et mise à nu poétique des âmes humaines à la dérive.  Tout commence lorsque le narrateur pénètre dans ce bar du bout du monde, ce recoin du fond de la vallée : le Port de la Mer de Glace. Un nom pas commun dans la région et le départ d'un jeu avec ce terme de "mer". Les personnages, tous plus ravagés et attachants les uns que les autres, nous font l'effet d'un rassemblement d'internés psychiatriques. Surtout lorsque l'un deux, surnommé Clint Eastwood, ne se présente pas au rendez-vous du petit blanc de 10h30. Alors, une équipée incohérente s'encorde et se met en marche pour aller le rechercher sur la face nord des Drus. Drôle de destination pour des piliers de comptoir, drôle de caravane que ces trois-là, harnachés de sacs à dos dont vont sortir, au fil du récit, une montagnes de vivres solides et liquides et autres casseroles, friteuses et gamelles plus improbables les unes que les autres.  Mais l'humour, ou plutôt l'ironie, qui guident le récit de cette aventure, ne dépeignent pas avec sévérité les déboires de buveurs invétérés et déjantés. Au contraire, une immense tendresse entoure la description de ces personnages, un amour pour ces gens-là qui transfigure le burlesque en poésie pure. La dernière image de ces hommes au sommet des Drus, au-dessus de la mer qui ne semble plus faite que de nuages, représente le paroxysme de la beauté. Une peinture de la condition humaine, depuis ses petits travers jusqu'à ses grandes folies. Ou l'éloge de la singularité.

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