Magazine Culture

Engrais anonymes pour jardins privés ou municipaux (Jules Laforgue - prolongations pour cause de négligence)

Par Absolut'lit @absolute_lit

littérature,livre,poésie,poème,jules laforgue,grande complainte de la ville de parisPROSE BLANCHE – tous les jeudis de 13h à 14h sur les ondes

Bonne gens qui m'écoutes, c'est Paris, Charenton compris, Maison fondée en..., à louer. Médailles à toutes les expositions et des mentions. Bail immortel. Chantiers en gros et en détail de bonheurs sur mesure. Fournisseurs brevetés d'un tas de majestés, Maison recommandée. Prévient la chute des cheveux. En loteries! Envoie en province. Pas de morte-saison. Abonnements. Dépôt, sans garantie de l'humanité, des ennuis les plus comme il faut et d'occasion. Facilités de paiement, mais de l'argent. De l'argent, bonne gens!

 - Facilités de paiement.. Ben voyons.. « pensez au dossier de surendettement », qu'ils devraient dire, plutôt... c'qu'on peut nous pousser à la consommation tout de même..


 Et ça se ravitaille, import et export, par vingt gares et douanes. Que tristes, sous la pluie, les trains de marchandise! À vous, dieux, chasublerie, ameublements d'église, dragées pour baptêmes, le culte est au troisième, clientèle ineffable! Amour, à toi, des maisons d'or aux hospices dont les langes et loques feront le papier des billets doux à monogrammes, trousseaux et layettes, seules eaux alcalines reconstituantes, ô chlorose! bijoux de sérail, falbalas, tramways, miroirs de poches, romances! Et à l'antipode, qu'y fait-on? Ça travaille, pour que Paris se ravitaille....

Ah, quand même, une p'tite pensée pour les travailleurs de l'ombre, de la nuit, des égouts, ceux qu'on ne voit jamais, qui font à l'aube les rues présentables qui font disparaître les traces de naufrages nocturnes.. Ce bas-peuple, le peuple du bas, marchepied pour les pointures, pour les grands bonnets..

D'ailleurs, des moindres pavés, monte le Lotus Tact. En bataille rangée, les deux sexes, toilettés à la mode des passants, mangeant dans le ruolz! Aux commis, des Niobides; des faunesses aux Christs. Et sous les futaies seigneuriales des jardins très-publics, martyrs niaisant et vestales minaudières faisant d'un clin d’œil l'article pour l’idéal et Cie (Maison vague, là haut), mais d'elles-mêmes absentes, pour sûr. Ah! l'Homme est un singulier monsieur; et elle, sa voix de fausset, quel front désert! D'ailleurs avec du tact...

Bah tiens, c'est vrai que des gens comme nous ça peut pas vouloir une une maison de magazine, où nos envies prennent vie, avec un jardin pour y semer des souvenirs qu'nos enfants récolteront plus grands, une fontaine pour se rafraîchir à l'ombre des secrets en fleurs, des saules pleureurs consolés par des oiseaux rieurs.. On préfère le béton le bitume et le goudron, les parpaings et les WC dans la salle de bains..

Mais l'inextirpable élite, d'où? pour où? Maisons de blanc: pompes voluptiales; maisons de deuil: spleenuosités, rancœurs à la carte. Et les banlieues adoptives, humus teigneux, haridelles paissant bris de vaisselles, tessons, semelles, de profil sur l'horizon des remparts. Et la pluie! trois torchons à une claire-voie de mansarde. Un chien aboie à  un ballon  là haut. Et des coins claustrals, cloches exilescentes des dies iræmissibles. Couchants d’aquarelliste distinguée, ou de lapidaire  en liquidation. Génie au prix de fabrique, et ces jeunes gens s'entraînent en auto-litanies et formules vaines, par vaines cigarettes. Que les vingt-quatre heures vont vite à la discrète élite!...

On connaît pas l'soleil nous, y s'aventure pas jusqu'ici, alors y a rien à peindre que du blafard du gris du sombre le seul musée qu'on a c'est celui du Grand Balai, les tableaux sont des pas de porte défoncés. Les serviettes brodées viendront jamais se mélanger à nos torchons..

Mais les cris publics reprennent. Avis important! l'Amortissable a fléchi, ferme le Panama. Enchères, experts. Avances sur titres cotés ou non cotés, achat de nu-propriétés, de viagers, d’usufruit; avances sur successions ouvertes et autres; indicateurs, annuaires, étrennes. Voyages circulaires à prix réduits. Madame Ludovic prédit l'avenir de 2 à 4. Jouets Au Paradis des enfants et accessoires pour cotillons aux grandes personnes.Grand choix de principes à l'épreuve. Encore des cris! Seul dépôt! soupers de centième! Machines cylindriques Marinoni! Tout garanti, tout pour rien! Ah! la rapidité de la vie aussi seul dépôt....

tout ça c'est qu'un tas de chiffres, pourcentages intérêts profit bénéfices, tout ça c'est qu'un tas d'emmerdes, crédit dette taxe impôt sur le revenu, mais ceux qui partent y r'viennent jamais plutôt crever, pas b'soin d'voyante pour dire l'avenir des maboules alors pour camoufler tout ça pour étouffer la rumeur on distrait la populace fêtes foraines défilés carnaval pendant ce temps là on manifeste pas..

Des mois, les ans, calendriers d'occasion. Et l'automne s'engrandeuille au bois de Boulogne, l'hiver gèle les fricots des pauvres aux assiettes sans fleurs peintes. Mai purge, la canicule aux  brises frivoles des plages fane les toilettes coûteuses. Puis, comme nous existons dans l'existence où l’on paie comptant, s’amènent ces messieurs courtois des Pompes Funèbres, autopsies et convois salués sous la vieille Monotopaze du soleil. Et l’histoire va toujours dressant, raturant ses Tables criblées de piteux idem,

après les glaces à l'eau d'vie faut s'acheter une place pour l'aut'vie sinon c'est la fosse commune la vraie misère celle de la terre et même là on soigne l'emballage l'étiquetage mais les vers savent pas lire y s'en foutent de la date limite si c'est du riche ou du miséreux y bouffent tout jusqu'à l'os et nous dispersent sans discernement ici, là et encore ailleurs, engrais anonyme des squares pour canidés des parcs municipaux, des jardins privés..

ô Bilan, va quelconque! ô Bilan, va quelconque...*

de compétences ? Comptable ? Y sont vite faits les comptes, y a qu'à voir l'résultat... »

Blasé il changea de station.
Métro, radio, deux façons de traverser le monde sans rien en voir.

 (* : Grande complainte de la ville de Paris)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Absolut'lit 804 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines