[Événement] Festival Séries Mania - Jour 1 et 2

Voilà déjà trois jours que je sillonne le Festival Series Mania et qu'en catimini, je multiplie les belles découvertes (une seule déception sur cinq projections pour l'instant) ! L'heure est donc, il me semble, à un premier bilan. Mardi j'ai choisi d'ouvrir le bal avec deux productions suédoises (30 degrees in February et Don't ever wipe tears without gloves) puisque, d'aussi loin que je m'en souvienne, les séries scandinaves n'ont jamais déçue la pourtant très exigeante sériephile que je suis. Or (vous en conviendrez) quoi de mieux pour entamer ce festival que des valeurs sûres ?

Rassurez-vous toutefois, je ne suis pas restée bien longtemps en terrain familier. Mercredi, j'ai en effet envoyé valser la control freak qui sommeille en moi et opté pour l'inconnu et la diversité avec une série argentine (Combatientes), une série israélienne (Ananda) et une conférence sur les coproductions européennes (hum, oui, bon, on ne se refait pas).

Sur ce, je vous laisse découvrir mon petit palmarès !30 degrees in February (épisodes 1 et 2) 

Quatre histoires singulières de Suédois partant tenter leur chance en Thaïlande, nouvelle terre promise. Fuyant une vie malheureuse et poursuivant un rêve : l’amour, un fils, un renouveau… Portrait plein de finesse d’une humanité en quête d’elle-même et d’une intuition du bonheur, la série a été nommée meilleur drame de l’année au Prix Kristallen de la TV suédoise.

Une fresque sensible qui, à travers l'isolement de quatre personnages (une femme dénigrée par son mari, deux hommes esseulés et une mère de famille surmenée) dépeint la (recon)quête d'un eldorado intérieur en Thaïlande. Pour certains, il s'agira de trouver l'amour, pour d'autres, de gagner en dignité mais quoi qu'il arrive pour tous, de recouvrer la Vie. La force de la série réside non pas seulement dans sa narration, intense et subtile à la fois bien que parfois prévisible – j'imagine toutefois que les huit épisodes restants vont bousculer les quelques clichés introduits dans le récit – mais aussi dans sa réalisation sans fard. La caméra insiste notamment sur les corps fanés des protagonistes. Ici, pas de viking à la Alexander Skarsgård (True Blood) ou de dandy à la Matthew Bomer (White Collar) mais du bidon, des rides et de l'acné (oui, je vous vends du rêve !). En résumé, une excellente série qui questionne la mécanique de la solitude (dans une vie, dans un couple, dans une famille etc) avec une grande finesse.
Créateur : Anders WeidemannScénariste : Anders Weidemann. Réalisateurs : Beata Gårdeler et Peter Schildt.  Date : 2012.Saison : 1 (10 épisodes de 60 minutes).

Don't ever wipe tears without gloves (épisodes 1 à 3) 

Dans les années 80 à Stockholm, la communauté gay commence à peine à vivre au grand jour qu’elle est frappée de plein fouet par le Sida. Un par un, les destins se brisent autour du bonheur fragile de l’amour de Rasmus et Benjamin… Véritable hymne à la liberté et à la vie, cette mini-série suédoise revient sur des jours sombres pas si lointains, avec une réalisation et une interprétation magistrales. 

Un portrait sublime et déchirant à la fois de la communauté gay installée à Stockholm dans les années 80 soit à l'aube de la découverte du sida. À travers l'histoire de Rasmus, adolescent brimé qui décide de quitter la campagne suédoise pour s'émanciper, de Benjamin, jeune témoin de Jéhovah réservé ou encore de Paul, leader charismatique – et accessoirement, personnage préféré de votre humble et dévouée Nyx –, la série nous plonge dans le quotidien d'un groupe d'amis homosexuels dont l'insouciance est peu à peu gangrenée par la prise de conscience. Avec un réalisme tout à fait bouleversant, Don't ever wipe tears without gloves retranscrit en effet à l'écran les ravages du sida. Elle questionne également l'homophobie ordinaire et le poids de la religion sur les mœurs. La particularité de la série réside toutefois selon moi dans sa construction morcelée – le créateur use de nombreux flashbacks et flashforwards – qui,sans sombrer dans le pathos, contribue à rendre compte de la fragilité de l'existence. En résumé, le miroir intimiste et brutal d'une décennie marquée par le deuil.  voir absolument.
À noter, Don't ever wipe tears without gloves est adaptée d'un roman de Jonas Gardell, le créateur et scénariste de la série – qui, accessoirement, est une grande figure gay dans son pays et a reçu le Prix QX de l'Homo de l'année pour ce roman des mains de la princesse Victoria !
Créateur : Jonas GardellScénariste : Jonas GardellRéalisateurs : Simon Kaijser.  Date : 2012.Saison : 1 (3 épisodes de 58 minutes).

Table-ronde - Les coproductions européennes : étude de cas

On dit souvent que les coproductions européennes sont l’avenir du secteur afin d’atteindre des budgets et un rassemblement de talents suffisants. Qu’en est-il concrètement sur le terrain ? Retour sur trois expériences abouties avec les producteurs d’Odysseus (France-Italie-Portugal), de Jo (France-Grande-Bretagne-Allemagne) et de The Spies of Warsaw (Grande-Bretagne-Pologne).
Avec Estelle Boutière (NPA Conseil), Stéphane Drouet (Making Prod), Richard Fell (Carnival Film & TV), Judith Louis (ARTE), Christophe Valette (GMT Productions), Klaus Zimmermann (Lagardère Productions) 

Rassurez-vous, je ne vais pas recopier l'intégralité de mes notes mais simplement vous restituer les grandes lignes abordées durant cette conférence. Ont donc été examinés : 

• les leitmotivs majeurs des coproductions (l'histoire et les grands conflits internationaux en premier lieu, le polar en second lieu et enfin les mythes fondateurs) avec, pour chaque thème, un exemple précis de coproductions récentes (The Spies of Warsaw, Jo, Odysseus) et un petit topo sur lesdites séries ;
• les avantages (meilleur budget, diversité artistique) et désavantages (l'importance des frais juridiques qui s'ensuivent aux Etats-Unis par exemple) des coproductions ;
• la conception différente du travail d'auteur en France et outre-atlantique (cf. Borgia) avec, notamment, un zoom sur le statut particulier du showrunner ;
• les dissemblances enfin entre la coproduction, où l'on participe pleinement au projet et le pré-achat qui se fait, lui, suite à la lecture du scénario (par exemple Arte a coproduit The Spies of Warsaw mais pré-acheté Top of the lake, une série formidable que je vous recommande au passage).

Autre information glanée : Judith Louis a confié qu'Arte s'était lancé dans une nouvelle coproduction avec une chaîne norvégienne. Il s'agirait (tenez-vous bien chers amis lecteurs !) d'une série créée par Jo Nesbø (oui, oui le célèbre auteur de polars).Parmi les questions posées enfin j'en ai retenu deux qui, me semble t-il, ont le mérite d'interroger (bousculer ?) en profondeur le monde des séries : "La coproduction internationale annihile t-elle le caractère national d'une série ? et "D'un point de vue qualitatif, d'où vient la différence entre les coproductions scandinaves par exemple et les coproductions françaises ? Pourquoi avec beaucoup plus d'habitants et d'argent on arrive à faire moins bien ?". Voilà, je vous laisse méditer !

Sachez que l'an passé Allociné a rediffusé quelques conférences. D'ici quelques jours, vous devriez donc vraisemblablement retrouver celle-ci sur leur site.

Combatientes (épisodes 1 à 3)  

En avril 1982, un groupe de jeunes soldats est envoyé dans les îles Malouines combattre un ennemi supérieur : le Royaume-Uni. Un lien de camaraderie inaltérable se tisse entre eux, jusqu’à leurs retrouvailles cinq ans plus tard… Combatientes revient sous une forme fictionnelle sur l’expérience douloureuse d’une génération d’Argentins, avec des comédiens et une direction artistique de grande qualité.

Une plongée surprenante et pour ma part quelque peu décevante – peut-être cela dit car je ne m'étais toujours pas remise de la claque monumentale générée par Don't wipe tears without gloves – dans la vie de six combattants des Malouines. Ainsi, si le générique, intégralement constitué d'images d'archive, frappe positivement le téléspectateur, la narration, elle, se noie malheureusement dans une succession de dialogues soapiens – on sait que l'Argentine est un des plus grands consommateurs de telenovelas... – et perd ainsi en crédibilité. Jeronimo Paz Clemente et Tomas de las Heras ont en fait choisi, à travers de multiples flashbacks et flashforwards, de se focaliser sur l'humain et non sur le fait d'armes, parti pris que personnellement je regrette car on ne saurait parler d'une guerre sans s'y immerger un minimum mais que pour autant je respecte. Bien que ces trois premiers épisodes ne m'aient pas séduite, je compte d'ailleurs sur les dix restants pour me faire changer d'avis. En résumé, une chronique humaine intéressante mais malheureusement desservie par l'écriture simpliste et les simagrées des acteurs. Une création bien en deçà de l'inégalable Band of Brothers au demeurant
Créateur : Jeronimo Paz Clemente et Tomas de las Heras. Scénariste : Jeronimo Paz Clemente et Tomas de las Heras. Réalisateurs : Jeronimo Paz Clemente et Tomas de las Heras. Date : 2013.Saison : 1 (13 épisodes de 26 minutes).


Ananda (épisodes 1 à 3) suivi d'un débat avec Dana Modan

Abandonnée par son petit ami à l’aéroport, Anna part en Inde à contrecœur avec un seul but : rentrer en Israël. Mais une rencontre imprévue la sort de sa prostration. Le voyage devient alors métaphore pour des personnages en quête de leur destinée. Comédie mélancolique récompensée pour son scénario et son actrice aux Academy Awards israéliens, Ananda porte un regard acerbe et politique sur notre rapport complexe à l’autre.

La rencontre improbable entre une israélienne, abandonnée par son petit ami à l'aéroport, et deux nomades palestiniens en Inde. Inspirée d'une histoire vraie – celle de Dana Modan –, Ananda soulève tant des questions politiques qu'humaines (la peur de l'autre notamment). La force de cette création réside cependant, à mon sens, non pas seulement dans ses thèmes mais dans son écriture, dont jaillit un comique de situation quasi constant, et plus spécifiquement dans son ton, lui, éminemment décomplexé. La (volontaire) sobriété de la réalisation – la qualité inouïe du générique conforte en effet l'idée que cette simplicité est un parti pris – permet également de mettre en lumière la narration. Forte de ses personnages hauts en couleur (une caractérielle attachante, deux baba cool protecteurs, un indien buté etc), la série relate les liens qui se tissent entre nos trois compères mais aussi et surtout (!) leur évolution au contact de l'autre. En résumé, un conte fabuleux, à l'humour savamment dosé, qui évoque les tribulations d'un trio aussi imprévisible qu’irrésistible.
À noter, la projection était suivie d'une formidable rencontre avec la pétillante Dana Modan qui, personnellement, n'a fait qu'entériner mon affection pour cette série (dont, au passage, j'ai hâte de découvrir la suite, parait-il pleine de rebondissements). 

Créateur : Dana Modan. 

Scénariste : Dana Modan.Réalisateurs : Ohav Flantz.    Date : 2012.Saison : 1 (8 épisodes de 35 minutes).
Rendez-vous ce week-end pour la suite de mes pérégrinations !