Les interprètes en langue des signes (comme dans les autres langues d’ailleurs) traduisent du sens et non du mot à mot ou, dans mon cas, du mot à signe (et inversement).
Ainsi, pour espérer produire une traduction de qualité nous devons respecter les différentes étapes du processus d’interprétation qu’on peut résumer ainsi :
1 – Comprendre le message (en extirper le sens) dans la langue source ;
2 – Le mémoriser puis l’organiser pour le traduire dans la langue cible ;
3 – Le reformuler en langue cible.
Cette nécessaire gymnastique de l’esprit entraîne parfois des malentendus, des quiproquos, l’interprète n’ayant pas compris correctement le sens du discours, les causes en étant multiples (ambiance bruyante, locuteur qui marmonne, absence de contexte, homonymes…) .
Pour illustrer ces propos, voici deux anecdotes survenues à des collègues interprètes F/LSF telles qu’elles nous sont racontées dans le dernier numéro du Journal de l’Afils (N°84 – mars 2013).
1er exemple :
La scène se déroule dans un Institut pour jeunes enfants handicapés et depuis quelques minutes mon collègue traduit vers la langue des signes française une réunion de synthèse. Ainsi, il interprète le référant d’Arthur qui explique : « Arthur adore la balle Néo, ça l’amuse beaucoup. Dès qu’on lui propose la balle Néo, il est fou de joie… ».
Bien sur l’interprète, dans sa traduction, signe un enfant jouant à la balle quand soudain une phrase mentionnant la température de l’eau sème le doute dans son esprit. Il doit alors interrompre l’animateur en lui expliquant qu’il avait confondu la « balnéo…thérapie » avec une balle qui se serait appelée Néo !!!
2ème exemple :
Il s’agit d’une formation professionnelle dans le domaine de l’énergie. C’est la fin de l’après-midi et les interprètes qui se sont relayés toute la journée commencent à fatiguer. L’un des participants témoigne sur son travail et explique que dans son cas, « les concurrents sont kamikazes ».
Double difficulté pour l’interprète qui doit non seulement faire passer le sens de concurrents acharnés qui n’ont peur de rien, tout en utilisant l’image de terroristes prêts à faire exploser leur avion sur les tours jumelles de New-York. Quand soudain elle réalise, en voyant le regard surpris de son collègue, que les-dits concurrents ne sont pas du tout des fanatiques religieux mais « Qualigaz« , une simple norme de certification de conformité !