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"What Richard did", ou l'art de dénicher les films discrets

Par Tred @limpossibleblog

Écrire un billet sur chaque film que je vois m’a toujours semblé impossible sur ce blog, du moins cela n’a-t-il jamais été son but. Parce que je vois suffisamment de films pour qu’une telle perspective induise un enchaînement perpétuel d’avis succincts, et je n’ai jamais souhaité que mon blog ressemble à cela (quitte à ce que l’on me reproche en toute amitié de rarement parler des films que je vois). Et puis de temps à autre, mes explorations des salles obscures parisiennes me mettent face à un film dont je ressens non seulement l’envie, mais également le devoir de parler. Parce qu’à l’évidence, certains films ont besoin d’être défendus par le plus grand nombre de voix pour ne pas passer inaperçus.
Avant le mercredi de sa sortie, je n’avais pas la moindre idée de ce qu’était « What Richard did » de Lenny Abrahamson. Ce mercredi-là, j’ai aperçu de bonnes critiques du film et me suis penché sur son cas. Tiens, un film irlandais. Je me suis tourné vers un ami cinéphile de la région pour lui demander ce que le film valait, sur quoi il m’a appris que le long-métrage était l’adaptation d’un roman écrit par un vieil ami à lui. Tiens donc. Allez, la connexion irlandaise me plaisait bien, direction le Lincoln avec l’œil vierge, sans même savoir de quoi il retournait dans le film. Cela fait du bien de découvrir un film sans avoir vu la bande-annonce ou lu le synopsis, parfois.
Le cinéma anglo-saxon indépendant est souvent social, donc peut-être m’attendais-je un peu à cela, un soupçon qui à la vue du film fut très vite mis de côté. Le Richard du titre est un adolescent de 18 ans, ami protecteur, fils dévoué, joueur de rugby émérite, élève sérieux, charismatique et populaire. S’il était humainement possible de frôler la perfection, Richard serait l’un de ces spécimens rares. Une perfection si nette qu’elle ne peut forcément que se fissurer. Trop beau pour être vrai ce Richard, il ne peut être promis à une éternelle perfection - comme le titre l’indique. Un évènement va fissurer le caractère de Richard, avant d’ébranler son monde et celui de son entourage.
La perfection aperçue n’était là que pour être écornée, et l’être humain remarquable de se trouver bousculé au plus profond de son être. Cette fissure s’agrandissant à vue d’œil  vient nous mettre face à nos propres défauts et cauchemars. Le film tisse le fil d’un caractère admirable pour nous plonger dans les abîmes du personnage, et ainsi explorer ses doutes face à ses erreurs, rendre palpables ses inévitables réflexions. Le choix de coller au plus près de Richard nous plonge dans sa peau au risque d’étouffer. Mais cette mise en scène sobre et posée, cette musique douce et enivrante qui accompagne le film offrent des bouffées d’air qui rendent le film aérien malgré tout.
Richard est à la fois un rêve et un cauchemar. Celui que l’on pourrait de prime abord aspirer à être, et celui dont on ne voudrait pas suivre le chemin, comme un paradoxe douloureux. « What Richard did » laisse intelligemment planer le doute au moment où l’on quitte Richard, cette âme charitable que les fêlures ont précipité dans l’effroyable. A l’heure où vous lirez ces lignes, le film de Lenny Abrahamson sera certainement encore moins visible qu’au moment de sa sortie. Mais cela ne signifie pas qu’il faille abandonner l’idée de le voir.

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