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[Critique] L’ECUME DES JOURS de Michel Gondry

Par Celine_diane
[Critique] L’ECUME DES JOURS de Michel Gondry
De Gondry, tout est là : les décors en carton, les murs qui rétrécissent, les corps qui s’allongent. De Vian, aussi : la poésie surréaliste, la tragédie absurde, les nénuphars de désespoir. Poussant à l’extrême son art de la bricole et de la folie visuelle, Gondry trouve dans les lignes de Vian un terrain fécond pour y faire pousser tous ses délires, toutes ses obsessions. Comme dans La science des rêves, il y a des choses bizarres, des objets qui prennent vie. Comme dans Be kind, rewind l’esprit se veut enfantin, ludique, enthousiaste. Comme dans Eternal sunshine of the spotless mind, enfin, la légèreté apparente ne cache in fine rien de moins que la cruauté de la vie. Là où les Joël et Clémentine parvenaient toutefois à contrer la noirceur de l’existence par la force de leur amour (même déchu, gâché, condamné par avance), les Chloé et Colin de L’écume des jours, respectivement interprétées par Audrey Tautou et Romain Duris, eux, n’y parviennent pas. L’histoire est tragique: ils se rencontrent, ils se marient, puis elle se meurt. Pour la première fois, Gondry ne peut échapper au noir, qui grignote d’ailleurs symboliquement l’écran à mesure que le film, et la maladie, gagne du terrain. Autant le début est (formellement) lumineux, autant la fin est sans espoir. Gondry achève son dernier acte dans un noir et blanc de mort et de deuil. En résulte un film acculé par la tristesse et mené par des comiques à contre emploi (Omar Sy, Gad Elmaleh) qui risque d’en déconcerter plus d’un par ses paradoxes. Aime-t-on la métamorphose de l’enfant turbulent en clown triste? Pas si sûr. 
D’abord, l’adaptation de Gondry souffre d’une surcharge visuelle indéniable. Une idée à la minute, une fantaisie à la seconde. Tout va trop vite, tout est trop fou, on n’a pas le temps de s’attacher aux personnages, de les comprendre, d’admirer la fresque zinzin. Gondry passe sans cesse du coq à l’âne, à l’instar de ce Paris qu’il met en boîte et qui passe subitement d’un rétro abracadabrantesque à une esthétique anachronico-futuriste déconcertante. Si le coup du sort est, sans conteste, capté à merveille (cette séquence hallucinante en patins qui bascule en un rien de temps de la drôlerie à la boucherie), le film s’étouffe rapidement dans ses ténèbres. Gondry paye alors ses excès et démesures : trop de chagrin gangrène sa pellicule, et le joli spleen se mue en un glauque qu’on ne lui connaissait pas. Le film, bancal, désaccordé, désordonné, se retrouve alors un peu à l’ouest, perdu, à la dérive, sans public et sans véritable conclusion. On en retiendra tout de même une scène, la plus belle d’entre toutes, où Tautou et Duris, en jeunes mariés, nagent à l’aveugle dans les eaux d’une passion naïve. Il y a là quelques secondes aériennes, et d’une beauté époustouflante, qui rappellent que Gondry est avant tout, et à l’instar du héros, un homme amoureux de l’amour. Amour des femmes, des contes, du cinéma.
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