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dimanche 5 mai 2013Michel Peyret5 mai 2013 LES LUTTES ET ...

Par Alaindependant
dimanche 5 mai 2013

Michel Peyret
5 mai 2013

LES LUTTES ET LA CONSCIENCE.

Karl Korsch, indique l'article, "incarne le courant politique le plus intéressant du mouvement ouvrier : le communisme de conseils. Ce mouvement, largement méconnu, s’appuie sur le marxisme révolutionnaire et la lutte des classes. Mais il s’oppose à la dérive autoritaire, léniniste, bolchevique du communisme. Attaché à la pensée de Marx contre celle des marxistes, le communisme de conseils repose sur l’auto-émancipation des prolétaires. Contre les partis et les syndicats, autoritaires et réformistes, le mouvement ouvrier doit s’organiser dans la lutte à travers des conseils ouvriers. Ses structures permettent de prendre des décisions à la base pour refuser les hiérarchies, les bureaucraties, les séparations."
Chaque lecteur pourra se faire une opinion mais je pense utile pour la réflexion de faire connaître et vivre la diversité des courants marxistes contre tous les centalismes.
 
22 mars 2013
Le marxisme critique de Karl Korsch
  
 
Contre le marxisme réformiste et autoritaire, Karl Korsch propose un marxisme critique qui relie la théorie et la pratique révolutionnaire.
 
Karl Korsch, brillant universitaire, participe au mouvement révolutionnaire qui éclate en Allemagne en 1919. Cette révolte voit émerger des conseils ouvriers. Dans cette lutte, Karl Korsch s’oppose aux positions réformistes et parlementaristes. Marqué par cette expérience, il propose une réflexion qui fonde le marxisme critique. Mais sa pensée reste ignorée en raison de la domination du stalinisme et du marxisme autoritaire. Cet intellectuel communiste se rapproche alors progressivement de l’anarchisme.

Contre le marxisme mécanique attaché à une avant-garde, Karl Korsch estime que la conscience révolutionnaire émerge dans les luttes. Il refuse donc la séparation entre la théorie et la pratique. Les conseils ouvriers et les assemblées de lutte doivent produire leur propre réflexion pour développer une conscience révolutionnaire. Aujourd’hui la théorie révolutionnaire semble portée par des universitaires qui reproduisent la séparation entre la théorie et la pratique. Surtout, l’Université repose sur la séparation de domaines de réflexions cloisonnés en disciplines spécialisées. Dans l’espace politique, c’est le réalisme gestionnaire qui prédomine. La pensée Karl Korsch s’oppose aux deux travers des intellectuels que sont l’expertise technique et l’imposture idéologique.
 
 
    
 
Le marxisme critique contre l’idéologie marxiste
 
Dans Marxisme et philosophie, publié dès 1930, Karl Korsch défend un marxisme critique. Il observe une séparation entre la philosophie et le marxisme. Les philosophes méprisent le marxisme, tandis que les marxistes s’attachent à un matérialisme scientifique qui ignore la dimension philosophique de la pensée de Marx.

Les intellectuels bourgeois considèrent la philosophie comme une simple histoire des idées. Dans cette histoire, ils insistent sur les pensées idéalistes et rejettent le matérialisme qui s’attache aux conditions de vie matérielles. Les philosophes marxistes délaissent également le matérialisme de Marx pour se référer à la philosophie idéaliste de Kant. Au contraire, la théorie marxiste doit s’appuyer sur « le mouvement révolutionnaire autonome de la classe prolétarienne », estime Karl Korsch. La philosophie de Marx propose surtout un dépassement de la philosophie.
 
Les marxistes orthodoxes, liés à la Deuxième internationale, refusent le dépassement de la philosophie mais aussi le dépassement de l’État. Ses limites révèlent que les questions liées à la Révolution les ont très peu préoccupés. « C’est dans l’attitude de la révolution sociale envers l’État que se révéla plus clairement cette crise de la théorie marxiste », souligne Karl Korsch. Le révisionnisme réformiste de Bernstein ou le marxisme orthodoxe de Kautsky ne remettent pas en cause l’État. Pour expliquer ce phénomène, Karl Korsch n’a pas recours à la traditionnelle morale gauchiste qui dénonce la trahison de la pureté révolutionnaire. Il préfère appliquer la méthode de l’analyse marxiste pour comprendre l’évolution du marxisme lui-même.

Cette application du matérialisme dialectique permet de distinguer trois périodes dans l’histoire du marxisme. Une première période, incarnée par le Manifeste du parti communiste de 1848, apparaît comme celle du marxisme de Marx qui refuse la séparation entre la théorie et la pratique, ainsi que la séparation entre différents domaines d’étude (économie, philosophie, histoire). La théorie marxiste, conçue comme une totalité vivante, se fixe comme horizon la révolution sociale. Dans la deuxième partie du XIXème siècle, Marx estime qu’il « faudrait du temps pour que le réveil du mouvement ouvrier autorise les audaces de langage d’antan ». Mais le marxisme semble presque inchangé et demeure la théorie de la révolution sociale.
 
En revanche, à partir du XXème siècle, le marxisme cède à une séparation entre la théorie et la pratique pour se morceler en sciences singulières isolées. Selon Karl Korsch, « les marxistes ultérieurs ont en fait conçu de plus en plus le socialisme scientifique comme une somme de connaissances purement scientifiques, sans relation immédiate à la pratique, politique et autre, de la lutte des classes ».

La théorie marxiste se réduit alors à sa dimension scientifique, déconnecté de la pratique révolutionnaire. Les intellectuels marxistes, dans leur pratique réelle, se vautrent « dans un tas d’aspirations réformistes qui ne dépassent pas fondamentalement le terrain de la société bourgeoise et de son État », résume Karl Korsch. Le révisionnisme marxiste découle d’une pratique réformiste de la lutte des classes encadrée par les partis et les syndicats. Les marxistes orthodoxes s’opposent à ce réformisme mais pour rétablir une théorie pure, uniquement idéologique et déconnectée d’une pratique révolutionnaire. Ce marxisme orthodoxe refuse alors de critiquer l’État.
 
  
  
 Le marxisme critique et la théorie révolutionnaire
 
Le marxisme doit devenir à nouveau « une théorie de la révolution sociale embrassant tous les domaines de la vie sociale en une totalité », estime Karl Korsch.

Marx s’oppose à la philosophie et à l’idéologie pour s’inscrire dans une pratique révolutionnaire. Cette critique de la philosophie renvoie à une remise en cause radicale de la totalité du monde existant. « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières ; ce qui importe c’est de la transformer », écrit Marx. Les sociaux-démocrates, les syndicalistes et les anarchistes se cantonnent à la sphère économique et sociale. Ils éludent la dimension politique, avec le rapport à l’État et la dimension spirituelle du mouvement révolutionnaire. La lutte contre l’aliénation et l’idéologie, et pour le développement de la conscience de classe, est alors occultée.

Pour Marx, l’idéologie, les rapports juridiques, les formes étatiques et sociales prennent racine dans les rapports matériels de la vie qui forment l‘ensemble de l‘organisation sociale. Marx critique donc toute la société bourgeoise, et toutes ses formes de conscience. La théorie révolutionnaire réside « dans la pratique humaine et dans la compréhension de cette pratique », estime Marx. L’art, la religion et la philosophie « forment cette structure spirituelle de la société bourgeoise qui correspond à la structure économique de cette société », analyse Karl Korsch. La pensée révolutionnaire doit critiquer et bouleverser la totalité de la réalité sociale. « Vous ne pouvez pas dépasser la philosophie sans la réaliser », insiste Karl Korsch.
 
Le texte de Karl Korsch, Marxisme et philosophie, subit évidemment les attaques des principaux théoriciens marxistes et staliniens. Pourtant Karl Korsch reste attaché au marxisme de Marx contre celui de ses successeurs. Il dénonce toujours le révisionnisme de Bernstein et l’orthodoxie de Kautsky qui influence Lénine. Ses penseurs n’ont pas approfondit la pensée de Marx mais ont produit une idéologie déconnecté de la pratique révolutionnaire. Si la pensée de Marx évolue, elle est toujours restée « le précipité théorique des nouvelles expériences pratiques de la lutte des classes s’éveillant sous de nouvelles formes », souligne Karl Korsch.

Le marxisme- léninisme, malgré sa prétention à incarner le matérialisme dialectique, apparaît comme le dernier avatar du marxisme vulgaire influencé par l’idéalisme bourgeois. En Russie, ce n’est pas la pratique des soviets qui inspire la théorie marxiste. Au contraire c’est une idéologie, le marxisme-léninisme, qui s’impose à tous les soviets. L’idéalisme prime alors sur la pratique révolutionnaire, à l’encontre de la démarche de Marx. Une dictature idéologique peut alors s’imposer en Russie. Au contraire, le marxisme critique demeure attaché à l’émancipation humaine. « Le socialisme est dans sa destination et sur tout le chemin une lutte pour la réalisation de la liberté », conclue joliment Karl Korsch.
 
 
 L’actualité du marxisme critique
 
Karl Korsch incarne le courant politique le plus intéressant du mouvement ouvrier : le communisme de conseils. Ce mouvement, largement méconnu, s’appuie sur le marxisme révolutionnaire et la lutte des classes. Mais il s’oppose à la dérive autoritaire, léniniste, bolchevique du communisme. Attaché à la pensée de Marx contre celle des marxistes, le communisme de conseils repose sur l’auto-émancipation des prolétaires. Contre les partis et les syndicats, autoritaires et réformistes, le mouvement ouvrier doit s’organiser dans la lutte à travers des conseils ouvriers. Ses structures permettent de prendre des décisions à la base pour refuser les hiérarchies, les bureaucraties, les séparations.
 
Le marxisme critique conserve une actualité car il s’oppose aux tendances autoritaires et réformistes du mouvement ouvrier. Karl Korsch attaque les différentes variantes du marxisme, de la social-démocratie au léninisme. Le Front de gauche, incarné par Jean-Luc Mélenchon, illustre l’indigence de la pensée de gauche aujourd’hui. Ce cartel de bureaucrates patauge allègrement dans l’idéologie, à la fois réformiste et autoritaire. La critique radicale de l’État et du capitalisme disparaît au profit d’un vague programme social-démocrate teinté de pratiques staliniennes, avec le culte du chef et la déférence à l’autorité de l’État républicain.

Ensuite, comme le souligne Jean-Pierre Garnier, la radicalité théorique reste cantonnée dans une pensée académique et universitaire. Les théoriciens marxistes, issus de la petite bourgeoisie intellectuelle, refusent alors d’envisager une rupture avec l’État et le capitalisme. Le raffinement théorique éloigne les concepts de l’action politique concrète. Les marxistes académiques préfèrent interpréter le monde plutôt que de le transformer. Les Zizek, Badiou et autres philosophes mondains se piquent d’une radicalité idéologique déconnectée de la réalité sociale et d’une quelconque implication politique.

A rebours de cette imposture, Karl Korsch propose un marxisme critique qui relie la théorie et l’action politique. Aujourd’hui, les pratiques et les réflexions qui émergent directement des luttes sociales semblent toujours les plus pertinentes pour alimenter la pensée révolutionnaire et bouleverser tous les aspects de la vie.
 
 
Source: Karl Korsch, Marxisme et philosophie. Suivi de L’état actuel du problème Marxisme et philosophie. Anti-critique par la même occasion (traduit de l’allemand par Baptiste Dericquebourg, Guillaume Fondu et Jean Quétier), Allia, 2012
 
 
Pour aller plus loin :

Paul Mattick, "Le marxisme de Karl Korsch", publié sur le site Plus loin
Karl Korsch sur le site La bataille socialiste
Karl Korsch sur le site du collectif Smolny


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