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Du Star-system de l’art aux chansons de Charles Aznavour

Publié le 07 mai 2013 par Laurejaum
Du Star-system de l’art aux chansons de Charles Aznavour
MS明朝MS明朝Au CRAC de Mantes-la-Jolie, un groupe de dames à la retraite chante de vieux succès de Charles Aznavour… Dans la salle de Speap à Sciences Po, Marianne, Sarina et Anna me chuchotent à l’oreille  une injonction à formuler mon premier souvenir d’une émotion artistique. Livrant cette part d’intimité sur un morceau de papier, je retrouve en moi les origines de ma condition d’amateur d’art, et engage ma pensée vers de multiples questionnements. Selon la pensée sociologique de l’art, l’intronisation d’une pratique artistique se produit par la convocation de conventions esthétiques déterminées. Tout au long du XXème siècle, l’innovation[1] et l’originalité[2] auraient agit comme les conditions sine qua none de l’enracinement historique des œuvres. Au XXIème siècle[3], ces mêmes critères agissent comme les conditions même de l’appréciation artistique. Ainsi se trouvent exclus des modes de diffusion et de transmission les Chromos, qui par leur amateurisme, n’envisagent pas de quelconque contribution à l’idéologie de la transgression. Hors d’haleine, la convention d’originalité[4] poursuit sa route à l’intérieur même de formes artistiques dites postmodernes. L’artiste professionnel des années 1980 à nos jours cherche par tous les moyens ce qu’il peut bien apporter de nouveau à l’histoire de l’art, c’est à dire à la définition même de l’art. Or, comme le souligne la sociologue Nathalie Heinich, rien ne semble plus convenu, que l’œuvre d’un artiste qui tente de repousser les frontières de l’art, sans pour autant être déclaré hors jeu[5]. Nous voici donc confrontés à la mise en œuvre d’un immense jeu d’échec, celui qui oppose artistes et théoriciens, et dont les gagnants accèderaient au Star-system de l’art. Gardant en mémoire le trésor secret de ma première expérience esthétique, celle qui m’a fait rêver, je me détourne, accablée, de cette froide machinerie de la pensée. Les chansons de Charles Aznavour me reviennent à l’esprit… Peut être serait il temps de reconsidérer la figure de l’amateur, qui, émancipé de toute convention d’originalité, se distingue par la sincérité de sa pratique. Si les vieilles dames de Mantes-la-Jolie ne revendiquent aucune position avant-gardiste, elles nous invitent à redéfinir l’art comme le moment de l’éveil esthétique. Afin de retrouver l’inspiration du Satori, proposée par Marianne, Sarina et Anna, s’agirait il, tout compte fait, de sortir l’Art de son milieu ?  
Laure Jaumouillé

[1] L’innovation : du latin in, dans, et novare, rendre nouveau. [2] L’originalité : qualité de ce qui est neuf, sans modèle de même nature. [3] Si l’on exclut les concerts de musique classique. [4] Nathalie Heinich, Le triple jeu de l’art contemporain, Les Editions de Minuit, 1998 [5] Nathalie Heinich, Le triple jeu de l’art contemporain, Les Editions de Minuit, 1998

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