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Le SIDA au cinéma

Publié le 07 mai 2013 par Unionstreet

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Il existe plusieurs épreuves, plusieurs moments délicats dans une vie dont on se passerait volontiers. Il n’est pas difficile de dire que tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la maladie en fait partie. C’est pourquoi certains films sont un peu laissés de côté à cause de leur caractère sensible.

Une thématique au sujet pas forcément attrayant, qui est parfois, hélas encore considéré comme tabou, cela malgré les informations et l’évolution des mentalités.

Une grande majorité de personnes sont déjà passés au moins une fois par un centre de dépistage, parce que c’est nécessaire ou pensant avoir fait une bêtise. Personne n’est parfait, ni à l’abri d’un trou noir au moment du réveil, aux cotés d’une femme (ou d’un homme) dont on ne connaît pas le nom tant la douleur qui frappe nos cheveux nous indispose (ou tout simplement parce que dans un élan charnel impromptu on a oublié de le demander). S’ensuit généralement une psychose liée aux MST. Puis, en rentrant du dépistage, cette insupportable attente des résultats…

Pour ne rien arranger au coté pénible de ce moment d’angoisse, après avoir googlé les éventualités les plus folles et survolé bon nombre de forums, on repense à tous ces films qui traitent du sujet, et dans un élan masochiste on les revoit en imaginant le pire. Car s’il n’est évidement pas le bienvenu dans la vie, le Sida a donné naissance à de beaux films, souffrant eux aussi d’un aspect indésirable.

Une petite sélection de films, qui ont parfois eu le mérite de sensibiliser les spectateurs, et pour certains, de faire évoluer les idées préconçues, car le 7ème Art est aussi là pour ça: nous inviter à prendre des chemins différents des nôtres.

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KIDS (1995)
de Larry Clark

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 «Having a virgin suck your dick, that’s so basic, man. It’s simple, it’s easy.»

Commençons avec le coup de cœur: « Kids ». Film culte du genre.
Telly, un ado se ballade dans les rues de New York avec sont pote juste après avoir fait l’amour à une fille vierge. Car déflorer des jeunes filles est la passion de Telly pour qui cet acte procure une sensation de supériorité. Savoir qu’ aucun autre homme n’aura plus jamais le pouvoir de le faire lui donne évidement beaucoup de joie. Mais c’est aussi un bon moyen pour lui d’avoir des relations non-protégées « sans risque »… Jusqu’à ce que Jennie qui n’a couché qu’avec lui apprenne qu’elle est positive au test HIV. Elle va donc tenter de le retrouver dans les rues de NY avant qu’il ne contamine quelqu’un d’autre…

« Kids » est un film étonnamment juste, la caméra de Larry Clark ne se fait jamais intrusive, il filme une jeunesse désabusée qui trompe l’ennui avec le cul, l’alcool et d’autres substances dont il dépeint les travers avec une sensibilité incroyable, laissant le spectateur seul juge. Le producteur exécutif du film n’est autre que Gus Van Sant,  réalisateur également fasciné par le thème de l’adolescence. Le talentueux Harmony Korine (réalisateur du chef d’œuvre « Trash Humpers » mais aussi « Gummo » et plus récemment « Spring Breakers ») à quant à lui écrit le scénario d’une qualité exceptionnelle. Tant et si bien qu’on se demande parfois si les dialogues sont improvisés ou si le scénario est juste brillamment écrit tant tout semble naturel. C’est sûrement un doux mélange des deux. Le succès du film doit beaucoup au coté cru des dialogues. Les jeunes se parlent de façon réaliste, exposant leur vision du sexe. Clark les filmes et semble ne jamais leur imposer une façon d’être, il se ballade avec eux et nous invite à observer ces enfants dont les parents ignorent totalement le style de vie. L’atmosphère 90′s faite de hip hop et de skate ajoute un charme nostalgique au film. Il est aussi la première apparition de Chloé Sevigny et Rosario Dawson.
Le personnage de Jennie interprété pas Sevigny semble être le plus « normal » de tous, apprenant sa séropositivité alors qu’elle n’a couché qu’avec un garçon (manipulateur). Elle erra dans les rues de New York à la recherche de Telly, portant son lourd secret pendant que le garçons, de leur coté continuent leur ballade insouciante à la recherche d’une nouvelle fille vierge.
Oeuvre impartiale dont chaque instant est d’un naturel saisissant, « Kids » est un film terrible, rare, humain et dérangeant.

La géniale scène ci-dessous avec 4 gamins fumant un joint affalés sur un canapé vous donne un bel aperçu du coté authentique du film.

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LES NUITS FAUVES (1992)
de Cyril Collard

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« Je suis vivant; le monde n’est pas seulement une chose posée là, extérieure à moi-même: j’y participe. Il m’est offert. Je vais probablement mourir du sida, mais ce n’est plus ma vie: je suis dans la vie. »

Sorti en 1992, période de grande mortalité due au sida (4000 morts en 1991) « Les nuits fauves » remportera plusieurs Césars, dont celui du meilleur film, meilleure première œuvre et meilleur espoir féminin pour Romane Bohringer. Trois jours avant la remise des prix, le réalisateur et acteur principal Cyril Collard meurt du Sida.
Tiré de son roman autobiographique le film nous conte l’histoire de Jean (interprété par Collard), un chef opérateur qui rencontre Laura (Romane Bohringer) au cours d’un casting. Une relation passionnelle naîtra entre eux, seulement Jean est bisexuel et séropositif. Les autres liaisons qu’il entretient rendront leur amour encore plus compliqué à vivre.

Véritable succès à sa sortie, « Les nuits fauves » est un film culte un peu oublié, ayant créé beaucoup de controverses. Le réalisateur, lui même séropositif est omniprésent, et nous donne un sentiment d’urgence de tourner, de livrer une œuvre avant la fin, ce qui rend le film extrêmement touchant et sincère. Loin d’être misérabiliste, Jean est un personnage curieux, ouvert et plein de vitalité.
S’il est un succès auprès de la jeunesse de l’époque, « Les nuits fauves » sera aussi beaucoup critiqué. Les relations sexuelles du personnage, si elles ne sont jamais vraiment montrées explicitement ont un caractère assez cru. Conscient de sa maladie, Jean continue à entretenir des rapports non protégés.
Outre le thème de la maladie, et l’histoire d’amour destructrice, le film est également un beau témoignage d’une époque, le Paris un peu bohème des années 90 et ses personnages authentiques. On ne peut pas dire que le film n’a pas vieilli, mais sa sincérité, elle, n’a pas bougé.

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SWEET JANE (1998)
de Joey Gayton

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Le film commence sur Jane, toxicomane victime d’une overdose. Elle est étendue sur le sol. Les médecins tentent de la réanimer, et alors qu’on la croit morte elle revient à la vie sur un lit d’hôpital où l’on apprend qu’elle est séropositive. Lorsqu’elle sort, un jeune garçon l’aperçoit, et manifestement intrigué par sa beauté décide de la suivre. Une amitié improbable naîtra entre l’enfant et la junkie, deux êtres laissés pour comptes atteints d’une même maladie.

« Sweet Jane », l’histoire de deux personnages paumés, partageant un même destin tragique, nous plonge dans une ambiance sale où l’actrice principale Samantha Mathis incarne une toxicomane prête à tout pour obtenir sa dose. Grâce à cela le film nous emmènera dans des endroits sympathiques tous aussi glauques les uns que les autres, allant du peep show (où l’enfant viendra dire coucou à Jane en train de danser nue) à un tournage porno épique où la femme se retrouve sur un lit entre plusieurs hommes nus et un réalisateur lui donnant Deneuve dans « Répulsion » comme seule indication. Entre ces personnages et ambiances poisseuses: l’enfant, est interprété par le tout jeune Joseph Gordon-Levitt dont c’est l’un des premiers rôles. Ce jeune garçon qui fait office d’ange gardien improbable pour la jeune fille, fera tout son possible pour l’aider et rester à ses cotés.
Un film un peu naïf mais qui semble fait avec sincérité, intéressant pour ses ambiances, les dialogues entre ses deux comédiens et quelques scènes improbables assez cocasses.

Le seul extrait disponible sur youtube:

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PARTING GLANCES (1986)
de Bill Sherwood

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S’il est un peu méconnu, « Parting Glances » est pourtant considéré comme un film majeur du cinéma gay. Réalisé par Bill Sherwood, c’est l’un des premiers longs métrages à parler du Sida dont le réalisateur décédera 4 ans plus tard.
Le film est l’histoire d’un couple homosexuel, Robert et Michael vivant à New York. Une grande partie du film se passe pendant la fête organisée pour le départ de Robert, qui s’en va travailler en Afrique pour 6 mois. Michael qui reste, s’occupe toujours de son ex compagnon Nick atteint du Sida et pour qui il éprouve encore des sentiments.

Avant tout un film de dialogues et de rapports humains, « Parting Glances » témoigne de la vie gay et d’une certaine ambiance à la fois libre et contrainte des années 80. C’est aussi le premier rôle au cinéma de Steve Buscemi (Nucky Thompson n’a pas toujours été un thug) qui incarne un jeune homme séropositif. Rôle qu’il aborde avec beaucoup de légèreté et de pertinence, entre ses difficultés à se sociabiliser dans un monde plein de vie qui s’articule autour de ce personnage mourant et ses visions délirantes d’un chevalier venant lui rendre visite dans son appartement. L’histoire de ce couple très attachant également, d’un départ, laissant celui qui reste seul face à son ex mourant.
S’il est évidement un film dramatique, son univers drôle, le ton libre qu’il emprunte et sa galerie de personnages farfelus prennent le dessus et en font un film qui n’est jamais éprouvant, mais qui nous apporte une vision unique et délicate de cette période.

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UN ANO SIN AMOR (2005)
de Anahi Berneri

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Récompensé à la Berlinale, « Un ano sin amor » ou « Un an sans amour » est un film Argentin adapté du roman autobiographique de Pablo Pérez. Ici, on suit un an de la vie d’un écrivain séropositif à Buenos Aires dans les années 90.
Le film relate l’année où l’auteur a commencé à écrire son journal intime qui deviendra par la suite le livre. On assiste donc à l’adaptation du roman à l’écran mais aussi à sa fabrication. Assez immersif, il nous confronte à la vie de cet homme homosexuel, malade, et sado maso. Si il est loin de ce que la plupart des gens (dont moi) ont envie de voir à l’écran, c’est peut-être aussi ce qui le rend si intéressant. « Un ano sin amor » est un film dur, à cause de la maladie mais aussi de cet univers auquel la plupart des êtres sont rarement confrontés. On suit de près le personnage principal dont on ressent le sentiment d’isolement grâce à une mise en scène assez intelligente. On le voit se mettre lui-même à l’écart creusant encore plus cette distance que la maladie crée entre lui et le monde extérieur. S’il sort c’est souvent dans l’unique but d’aller rencontrer des personnes et de vivre des expériences sexuelles extrêmes. Sans vouloir porter de jugement il y a quelque chose de dérangeant qui se dégage de ces scènes (selon les fantasmes de chacun bien sur), du désir qu’éprouvent les protagonistes, se livrant à toutes sortes de plaisirs violents où se mêlent chaînes et fouets, combinaisons en cuir et délires sado masochistes. Notre personnages trouve dans ces moments une sorte d’exutoire, où la douleur physique lui permet d’échapper à celle psychologique.
Outre ces passages chocs, on est témoins de son suivi médical, de l’évolution de sa maladie qui le rendra faible, si faible qu’il peut mourir d’une grippe à tout instant. Entre sa maladie, son travail d’écrivain et de professeur de Français, quand il ne recherche pas à rencontrer quelqu’un pour assouvir ses désirs sur internet, il écrit. Il écrit des poèmes, et aussi le livre qui inspirera le film. Un drôle de film donc, qui nous laisse une sensation bizarre, car si on peut trouver ses penchants et sa sexualité débridée un peu tordus, on est aussi plein de compréhension malgré les antipodes apparents que représente cet homme. Un film pour un public averti, qui sera aussi agréable à voir pour un homophobe qu’un juif pour un nazi.

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PHILADELPHIA (1993)
de Jonathan Demme

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Impossible de parler du Sida au cinéma sans passer par LE film culte sur le sujet.  « Philadelphia » est une oeuvre pleine de souvenirs (qui n’a pas en tête la magnifique chanson de Bruce Springsteen?). Celui ayant initié beaucoup de personnes, et d’enfants (pour ma part) sur ce thème. Sorti en 1993, le film de Jonathan Demme à qui l’on doit aussi le « Silence des agneaux » est 20 ans après sa sortie toujours aussi juste. Jouissant d’un casting exceptionnel, « Philadelphia » mérite toujours autant son statut de grand classique.
L’histoire d’Andrew Beckett, brillant avocat en pleine ascension pour un grand cabinet, qui se fera licencier pour faute professionnelle après que ses associés aient appris qu’il était atteint du Sida. Il fera alors appel à Joe Miller (l’excellent Denzel Washington) un avocat noir rempli de préjugés sur les homosexuels. Après avoir refusé de le défendre, l’avocat finira par plaider la cause de Beckett.

Le caractère révoltant d’injustice dont Andrew est victime rend le film passionnant de bout en bout. La situation de ce personnage, traité parfois comme un pestiféré nous montre le calvaire dont beaucoup de malades devaient être victimes à l’époque. Le manque d’information sur le sujet, le jugement de la sexualité de ceux qui en étaient atteints, tous ces éléments oppressants, en obligeant certains à vivre reclus. L’autre force du film réside dans la performance de Tom Hanks, extrêmement émouvant, et d’une justesse inouïe qui lui voudra un Oscar largement mérité. Amaigri, il fait corps avec son personnage et vit à travers celui-ci. Si plusieurs scènes nous arrachent les larmes, le film n’en est pas sombre pour autant. La lutte de ce héros est passionnante et se suit avec implication. Un classique du cinéma américain, sur un sujet sensible extrêmement bien traité, à voir ou à revoir sans hésiter une seconde.

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Si il est impossible de tous les citer, il reste encore beaucoup de films abordant le sujet.
Parmi lesquels « Longtime Companion » de Norman René, « And the band played on » de Roger Spottiswoode avec Richard Gere, « Tout sur ma mère » de Pedro Almodovar, « Precious » de Lee Daniels, « Les témoins » d’André Téchiné, le documentaire posthume français d’Hervé Guibert « La pudeur ou l’impudeur » et encore beaucoup d’autres…
Faut-il traiter les sujets graves uniquement avec gravité? À cette question le 168e épisode de South Park « Amygdales » avec le SIDA comme thème principal pourrait apporter un semblant de réponse au débat « peut-on rire de tout? ».

Et pour finir un court métrage de Gaspar Noé:

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