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Class actions/Action de groupe : faut-il les élargir aux atteintes à l'environnement ?

Publié le 07 mai 2013 par Arnaudgossement

assemblee_nationale.jpgLe Ministre de l'économie vient de déposer à l'assemblée nationale un projet de loi relatif à la consommation qui créé le mécanisme de l'action de groupe, dans les domaines de la consommation et de la concurrence. Le débat est déjà vif, qu'il s'agisse de la place faite aux avocats ou de l'exclusion des dommages environnementaux. Le sujet est cependant trés complexe.


Qu'est ce qu'une action de groupe ? L'exposé des motifs du projet de loi relatif à la consommation la définit de la manière suivante.

"L’action de groupe, en permettant de regrouper dans une seule procédure les demandes de réparation émanant d’un grand nombre de consommateurs, qui se trouvent dans des situations de fait et de droit identiques ou très largement similaires, victimes des pratiques illicites ou abusives d’un même professionnel, apparaît comme la forme d’action en réparation la plus adaptée pour le traitement des contentieux de consommation de masse."

L'action de groupe connaît des formes trés différentes parmi les pays qui ont adopté cette procédure. Le principe est cependant le suivant : une seule action en justice contre une personne morale doit permettre de demander l'indemnisation des préjudices subis par plusieurs personnes.

Pour l'heure, une association peut déjà demander réparation d'un préjudice né de l'atteinte à son objet social "collectif". Mais elle ne peut demander réparation d'un préjudice individuel subi par l'un de ses membres en particulier. Une association de consommateurs ou de victimes peut cependant aider à la coordination des recours déposés par chaque personne souhaitant le faire. Reste qu'il convient de déposer plusieurs recours et non un seul comme le permet l'action de groupe.

Une autre possibilité d'action, trop souvent oubliée est l'action en représentation conjointe dont nous parlerons plus bas.

L'article premier du projet de loi relatif à la consommation est ainsi rédigé:

« Chapitre III
« Action de groupe
« Section 1
« Champ d’application de l’action de groupe et qualité pour agir
« Art. L. 423-1. – Une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1, peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire et ayant pour origine commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles :
« a) A l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
« b) Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
« Seule la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs et résultant d’une des causes mentionnées ci-dessus peut être poursuivie par cette action.
« Art. L. 423-2. – L’action de groupe est introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État."

Aux termes de ces dispositions seule une association de défense des consommateurs, à la fois représentative et agréée, pourra engager une action de groupe.

L'exposé des motifs du projet de loi justifie en ces termes le choix du Gouvernement de réserver à ces associations le droit d'engager une action de groupe :

"le droit d’introduire l’action sera réservé aux seules associations nationales agréées de consommateurs. En effet, le statut et l’objet social de ces associations, à savoir la défense de l’intérêt collectif des consommateurs, leur permettent de répondre aux exigences de légitimité quant à l’intérêt pour agir et la qualité pour représenter le groupe des consommateurs en tant que tel sans qu’il soit besoin d’identifier au préalable les victimes. L’agrément dont elles disposent garantit leur indépendance à l’égard de tout intérêt professionnel et permet d’éviter le risque de procédures dilatoires instrumentalisées par un concurrent".

Les auteurs du projet de loi ont donc fait le choix de confier aux associations de consommateurs agréées et représentatives le droit d'introduire l'action de groupe. Fallait-il également donner le droit aux avocats d'engager cette action ? La controverse est en cours.

La question qui nous intéresse ici est celle de savoir s'il convient d'étendre ce dispositif à la réparation des atteintes à l'environnement. La question pourrait également se poser en matière de santé publique.

La question est complexe et, pour tout dire, suppose un débat en l'état actuel des choses.

En premier lieu, étendre le mécanisme proposé par ce projet de loi relatif à la consommation exigerait de désigner quelles sont les associations de défense de l'environnement habilitées à introduire l'action de groupe. Sujet sensible. Pour l'heure, parmi les associations concernées il n'existe pas de véritable consensus sur le principes et les critères de représentativité des associations environnementalistes.

Une solution autre pourrait être cependant de confier le droit d'introduire l'action de groupe à une agence de protection de l'environnement absolument indépendante.

Autre difficulté : défendre les intérêts de consommateurs personnes physiques est une toute autre chose que défendre l'intérêt qui s'attache à la protection de l'environnement sauf à réduire l'action de groupe à la seule réparation des préjudices personnels nés d'une atteinte à l'environnement. Autre difficulté encore, l'action de groupe n'a de ses que si les préjudices à réparer sont sensiblement identiques. Or, les conséquences - morales, matérielles, sanitaires.. - de dommages environnementaux peuvent n'être pas du tout identifiques d'une personne à l'autre. Une expertise de chaque cas peut être nécessaire.

En second lieu, il y aurait lieu tout d'abord de débattre de l'utilité d'une procédure qui existe déjà et qui est organisée par les articles R.142-1 et suivants du code de l'environnement : l'action en représentation conjointe.

Cette procédure permet à plusieurs personnes de donner mandat à une association pour les représenter en justice. L'article R.142-1 est ainsi rédigé :

"Les personnes physiques qui, sur le fondement de l'article L. 142-3, entendent demander réparation des préjudices qui ont été causés par le fait d'une même personne et qui ont une origine commune, peuvent donner à une association agréée de protection de l'environnement le mandat d'agir ou de poursuivre en leur nom, une action engagée à titre individuel, devant toute juridiction, dans les conditions fixées par le présent chapitre.
Sauf convention contraire, le mandat ainsi déterminé ne comporte pas devoir d'assistance.
L'acceptation du mandat pour engager une action en représentation conjointe ne fait pas obstacle à ce que l'association agréée de protection de l'environnement exerce une action pour son propre compte."

Il est généralement admis que cette procédure peu connue est peu mise en oeuvre. Elle diffère de l'action de groupe en ce qu'il est nécessaire pour l'association de recueillir les mandats de personnes physiques avant d'engager l'action. Seules celles qui auront donné un tel mandat préalablement à l'introduction de l'instance pourront ultérieurement obtenir une réparation si le Juge, ainsi saisi, accueille la demande. L'action de groupe est donc beacoup plus simple et permet une possibilité bien plus grande d'indemnisation d'un nombre important de personnes.

Reste qu'un débat sur les avantages et les inconvénients d'une action de groupe en matière d'environnement serait utile avant de renoncer définitivement à l'action en représentation conjointe. 

En troisième lieu, il faut s'interroger sur la pertinence de répondre autrement à une bonne question : le coût des procédures en justice et les moyens de la justice. L'intérêt premier de l'action de groupe tient en effet à ce qu'elle permet d'introduire un seul recours et non plusieurs voire des milliers. Reste que cet intérêt serait moins évident si les actions en justice était plus simple d'accès pour les justiciables. Il faut espérer que la création de l'action de groupe n'autorise pas un report du débat sur les moyens de la justice et notamment de la justice du quotidien. L'urgence est de renforcer ces moyens, d'augmenter des dispositifs comme l'aide juridictionnelle mais aussi de développer, soit des procédures de prévention du dommage, soit des modes alternatifs de règlement des litiges : médiation, concilation, transaction. 

Qu'il s'agisse de consommation ou d'environnement, l'action de groupe ne constituera sans doute pas une "solution miracle".

Arnaud Gossement

Avocat


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