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[Critique] RENOIR de Gilles Bourdos

Par Celine_diane
[Critique] RENOIR de Gilles Bourdos
On est en 1915, à l’abri de la Première guerre mondiale qui fait rage au-delà de ce paradis de lumière, de fleurs et de verdure. La caméra de Gilles Bourdos se fait d’emblée aérienne, flottante, captant dans de lents et fascinants travellings toute l’atmosphère reposante du Sud de la France, et par là même toute la philosophie tranquille du peintre Auguste Renoir, ici interprété par l’excellent Michel Bouquet. La beauté picturale devient alors, sinon la réponse antidotique parfaite aux atrocités de la guerre, la réunion métaphorique de Renoir père (peintre) et de son fils (futur cinéaste); une étreinte sublime entre peinture et cinéma que capte à merveille Gilles Bourdos et son directeur de la photographie Mark Ping Bing Lee dans des plans-toiles travaillés, à la frontière de l’impressionnisme caractéristique du peintre et du « charnel » qu’épousaient son existence et ses idéaux. Lorsque le cinéma emprunte aux peintures de Renoir ses couleurs et philosophies, cela donne un résultat esthétiquement époustouflant, d’une maîtrise et d’une élégance surprenantes pour ce genre de long-métrage habituellement condamné à des emballages visuels trop «téléfilmiques». Pour son quatrième long métrage, Gilles Bourdos frappe fort, en réunissant dans une même bulle lumineuse l’art et la muse, l’ombre des morts (l’épouse-fantôme de Renoir, les soldats tombés sur les champs de bataille) et la force motrice des vivants et de la création. Parmi ses femmes, dont sa jeune muse Andrée (Christa Theret), Renoir se battait, non pas simplement contre la maladie, mais pour la puissance vitale de l’art, seule arme, valable, véritable, dont l’humain dispose. 
L’art pour survivre, durer, au-delà des douleurs, des balles et des siècles. « La douleur passe, la beauté reste », déclare le peintre, simplement. Cette simplicité, fluide, claire, et dont la mise à scène épouse les contours, accouche d’un film classique, dans le fond et la forme. Ce qui ne l’empêche nullement d’être beau. A l’œil, à l’oreille. Il y a de la poésie quelque part dans ce Renoir signé Bourdos : des correspondances (cette même femme-muse qui unira le fils et le père bien après la mort), des échos (d’)artistes (le pinceau pour l’un, la pellicule pour l’autre), ces mêmes désirs de création, pour la postérité, pour rire au nez de la tristesse du monde. Bien qu’il insuffle sans cesse l’art figuratif dans son œuvre-fresque, Bourdos n’oublie pourtant jamais les corps, cette chair qui a tant inspirée les deux Renoir. C’est ainsi qu’il fait de leur muse commune, bien plus qu’un fantasme évanescent à la peau diaphane et juteuse comme un fruit, mais la métaphore-même de l’idée d’une urgence créative, l'urgence de capter au vol et d'immortaliser à jamais toutes ces incises éphémères- la jeunesse, l’amour, la folie- avant qu’elles ne s’envolent on ne sait où.
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