Pour reprendre les paroles de « la Vie Théodore » de Souchon, « il faut un minimum, une bible, un cœur d’homme, un petit gobelet d’aluminium ». Au contact des grands déserts, « couché sur le sable d’or, les satellites et les météores », son âme continue de s’élever. « Chercheur de trésor », « des prés de flammes... des herbages d’acier et d’émeraude ». « Les fesses talées », déprimés par les conditions de vie et la difficulté de leur mission, peut-être aussi par l’austérité du message biblique, ses trois compagnons ont abandonné la partie mais ils lui ont laissé un âne aux côtés duquel il continue de cheminer, distribuant toujours la bonne parole. L'aube d'or et la soirée frissonnante trouvent notre brick en large en face de cette Villa et de ses dépendances qui forment un promontoire aussi étendu que l'Epire et le Péloponnèse, ou que la grande île du Japon, ou que l'Arabie !(...)
Porté par la lumière de ces visions et ces étoiles vacillantes de poésie, celui qui se fait appeler « Reïmbo » arrive un jour aux portes d’Harrar, souffrant, blessé au genou : c’est là qu’il entrevoit dans un halo, avant de s’évanouir à nouveau, un marchand qui porte presque le même nom que lui et dont le visage lui ressemble « comme celui d’un frère ». Et lorsque le 22 mai 1891, il arrive à Marseille, quasi agonisant, malgré l’amputation de la jambe et la souffrance qui persiste, il entend « un chœur de verre et de mélodies nocturnes ». Sa mort survient le 10 novembre, mais il continue de s’interroger sur cet « autre qui le regarde toutes les nuits » et le médecin lui répond que « cet autre, ce Rimbaud », c’est lui.
Un marchand devenu un poète éclairé, extatique, qui finit par rencontrer un poète devenu marchand... Drôle de correspondance qui s’établit imperceptiblement tout au long de cet étrange récit, aux lisières du fantastique. A la croisée des chemins, de Charleville à Marseille, de Tunis à Harrar, le lecteur est entrainé dans une vertigineuse expérience qui lui permet à la fois de suivre une partie de l’itinéraire initiatique du « Petit Poucet rêveur » et de relire certains de ses textes qui racontent tous, à leur manière, comment il a « embrassé l’aube d’été ».