Editions Actes Sud, 2012
Je viens de découvrir ce magnifique auteur français d'origine iranienne dont la langue rare et poétique peut faire penser à Sylvie Germain ou encore Julien Gracq. Elle vient de publier son dernier roman Shâb ou la nuit.
Aral permet de nous plonger dans le drame écologique de la Mer d'Aral, qui a peu à peu disparu à cause du détournement des eaux du fleuve pour irriguer les champs de coton soviétique. Mais plutôt que de nous livrer un plaidoyer écologique, elle écrit un conte tragique mettant en scène deux amants se connaissant depuis l'enfance.
Nous sommes dans les années 70 au Kazakhstan, à Nadezhda, dans un petit village de pécheurs devenu désert. L'histoire nous est racontée par Alexei, victime d'une surdité précoce. Tout comme la mer, le jeune homme a décidé de se retirer du dehors, du monde, pour mieux être à l'écoute de sa musique intérieure. Il est en effet devenu un violoncelliste hors pair. Depuis sa plus tendre enfance, il est promis à Zeina, qui elle a choisi la voie de la science : alors qu'elle part étudier les échantillons de la Mer d'Aral pour tenter de la sauver, Alexei, lui, va prendre la musique et la mer comme amante en se réfugiant dans une folie artistique.
Zeina, la musique, la mer : trois amantes infidèles ...Alexei, entre deux pousées de jalousie maladive, se remémore ses années d'enfance où les deux enfants partaient à la découverte de l'île dédendue, mystérieuse, peuplée d'êtres fabuleux...En réalité, une île radioctive...
Cécile Ladjali a un talent fou pour transformer en conte lyrique un drame contemporain des plus barbares.
Le monologue d'Alexei est digne d'une tragédie antique où les humains et les éléments naturels marchent irrésistiblement vers une mort certaine.
Le monologue d'un fou mais aussi et surtout celui d'une lente agonie et d'une renaissance. Magique.