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"Après moi le déluge" : L'étincelante mélancolie d'Alex Beaupain

Publié le 14 mai 2013 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

 

Alex Beaupain est de ces artistes qui font rimer les maux d'amour avec toujours.

Déjà les trois albums précédents annoncaient la couleur : un gris lumineux.

De ses pop songs pleines de désillusion on pourrait ressortir pétrifié, mais non.

Les chansons d'Alex Beaupain sont baignées d'une douceur réconfortante qui tient au sentiment qu'a l'auditeur de se sentir moins seul dans son malheur, face à ses propres échecs, face à ses propres faiblesses.

Dans cet album-ci comme dans les précédents Alex se livre sans masque. Loin de chercher à embellir la réalité de ce qu'il est, il accorde autant de place aux beaux sentiments qu'aux mauvais.

"Je suis tout résumé, le meilleur et le pire" (je suis un souvenir)

Il met en scène aussi bien ses grandeurs que sa petitesse, comme par exemple lorsque dans un égo trip assumé il avoue souhaiter que ses amours passés souffrent de son absence:

"Oui je sais c'est moi qui t'ai quittée, mais après tout, toi qui t'es pour penser qu'après moi, l'herbe repoussera...après moi je veux, qu'on soit malheureux" (après moi le déluge).

Sur cet album, Alex Beaupain décline le thème de l'amour qui fait mal sur tous les tons.

De l'aigreur de l'amoureux éconduit ("pacotille") au masochisme assumé de l'amour contrarié ("Je peux aimer pour deux") en passant par la rupture nonchalante ("ça m'amuse plus") ou l'amour qui n'est plus ("Grands soirs"), rien ne nous est épargné de la douleur intrinsèquement liée à la passion. 

"Je lècherai les semelles de ton amour boiteux, triste comme chien fidèle, obstiné et honteux. Traite moi plus bas que terre, que m'importent les cieux, fais moi vivre en enfer, j'en ai soupé du bleu...Et si tu ne parviens qu'à m'aimer mal ou peu, va ça ne me fait rien, je peux aimer pour deux"  ("je peux aimer pour deux")

Il dit sans chercher à l'enjoliver la misère de nos toutes petites vies, de notre condition d'amoureux solitaires, utopistes convaincus, perdus dans notre quête d'un amour facile et sans arrière-goût amer.

Comment ne pas être ébloui par la sincérité qui se dégage de cet album?

C'est qu'il y a un vrai panache à dire ses failles et à oser montrer tout ce qu'on est.

Ces aveus là brillent d'un éclat particulier qui tient aussi pour beaucoup à la finesse de l'écriture de l'artiste.

Alex Beaupain aurait pu signer un album sombre et désolé mais il a fait un autre choix : celui d'habiller ses textes d'arrangements souvent légers ("profondément superficiel", "coule", "contre le vent") quitte à dérouter parfois avec des synthès datés, des mélodies qui fleurent bon la variété : impossible d'expliquer par quelle étrange alchimie l'ensemble fonctionne si bien, il faut sans doute se contenter de savourer.

Est-ce sa voix grave et enveloppante qui confère à l'ensemble cette belle unité?

Ce n'est pas vraiment qu'il chante bien, ni juste, tout le temps, c'est plutôt que sa voix, avec ses fêlures et ses faiblesses, est un parfait vecteur d'émotion.

Est-ce son propre portrait que l'artiste dessine en filigrane ou dresse t'il simplement celui d'un homme d' aujourd'hui? Qu'importe -au fond- la part d'autobiographie pourvu que chacun s'y retrouve un peu.

Au fil de ses albums, Alex Beaupain égrène les dizaines (on songe à "33 tours" en écoutant "en quarantaine") :

"Plus le temps va, plus je me creuse une mine à ciel ouvert, une vraie vallée de Chevreuse, un chantier, une carrière et de ces fouilles rien ne ressort, ni fer ni houille, ni pierre, ni or..." ("profondément superficiel")

Il chante le temps qui passe et l'amour qui s'en va... mais reviendra.

"Vite. Tout va vite, les avions, kérosène, les bisons, dans la plaine, tout va vite, à 200, et pourtant, on se sent, sans élan, lents... Tout cet amour qui nous invite, je voudrais qu'on s'y précipite"

Cet homme qui n'a rien d'un héros et qui se tient là, vacillant, exposant ses fêlures et ses erreurs de parcours a l'honnêteté de se raconter tel qu'il est : Désabusé mais vaillant, le coeur usé mais bel et bien vivant. Vantant les mérites de l'amour physique  le temps d'un morceau, remède à tous les maux? (là, on songe "l'amour physique est sans issue" de Gainsbourg sussurré sur le titre le plus explicite du grand Serge (je t'aime moi non plus)) :

"Mets toi ça en tête j'ai l'amour en haine. L'amour rend si bête, aimons nous à peine. La vie c'est bien mieux, sans ce baratin mais soyons sérieux, allons dans un coin" ("Baiser tout le temps") 

"Après moi le déluge" s'impose comme un album sombre et pourtant solaire, radieux.

Il tourne en boucle chez moi depuis un moment déjà et me laisse constamment avec la meme expression : un sourire béat qui trahit le ravissement devant cet album attrape coeur qui autorise à penser que les plus jolies histoires sont peut être celles qui sont bourrées de ratures.

Mention spéciale pour "Coule" qui m'évoque Jacques Higelin et Julien Clerc à la fois, dont la légèreté trompeuse résume bien ce qu'est Alex Beaupain : un garçon grave et léger, qui ne semble pas à une contradiction près.

"Je coule, je coule, je fuis, ça n'arrête pas. Ce dégât des eaux qui coule sur mes joues, je crois qu'il faudrait des heures pour arranger cela. Faut tout refaire l'intérieur de moi, trouver près du coeur, le tuyau percé, fermer des douleurs le robinet..."

L'étincelante noirceur de ce nouvel album sorti le mois dernier a pris corps à Paris hier soir, lundi 13 mai sur la scène de l'Olympia et je n'y étais pas. Pauvre de moi.

Tous ses concerts sont à retrouver ici ...

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