Magazine Beaux Arts

Flux et quantité

Publié le 20 avril 2008 par Gregory71

Depuis des années.

Il y avait le désir d’accumuler des médias en très grand nombre et de former des arborescences si vastes qu’il était impossible pour quiconque d’en faire le tour. De faire varier l’agencement de ces médias selon un aléatoire contrôlé afin que leur structure soit imprévisible. Imaginer une fiction dépourvue de narration, c’est-à-dire la doter d’une structure qui déborde la maîtrise de la structure. Paradoxe de la programmation logique qui produit des effets illogiques. Était-ce le désir d’une oeuvre illimitée et totale? Pourquoi cette pulsion à produire une quantité si grande qu’elle devenait inabordable?

Cette logique de l’excès labyrinthique a vu sa “fin” avec Sur Terre qui fut en un certain sens, un échec. Trop grand, trop ambitieux, trop de médias (plus d’un million), techniquement l’édifice s’écroulait à chaque pas et il aurait été difficile de le savoir avant d’avoir essayé. Il a fallu explorer cet échec pour comprendre ses raisons et en tirer le meilleur profit.

La question n’était pas celle de la quantité mais du flux. L’esprit de notre temps nous submerge d’informations. Chacun est débordé par ce flux. Dans le domaine artistique on peut fort bien continuer à produire des images comme si de rien n’était, mais la vacuité est proche. Produire une image n’est-ce pas en ajouter une à un stock déjà trop grand (voici pour la question de la quantité des médias)? Ne faut-il pas entendre le pop art comme une stratégie pour transformer la fonction de l’art comme consistant à faire circuler (autrement) des images déjà existantes?

Plonger dans le flux sans pour autant y participer en ajoutant encore des images inconsistantes à d’autres images inconsistantes. Essayer plutôt d’en enlever ou de changer de structure pour produire des images non pas quantitativement mais qualitativement illimitées: mettre le spectateur devant une image qu’il ne pourra jamais voir en totalité, faire en sorte que la perception soit consciente de cet écart entre ce qu’il y a à percevoir et ce qui sera effectivement perçu, rejouer donc la discrétion et la continuité des percepts dans la structure même des images, dans leurs structures.

C’est l’objet de la série Hisland qui progresse de jour en jour. Sa forme mute et évolue vers un point ou les images ne seront plus fixées à l’avance mais adviendront. Il ne s’agira pas d’une esthétique générative lowtech (ces images 1000 fois vues avec des primitives, des vecteurs, des pixels s’agitant en tous sens) mais d’entrer dans un monde. Courir le risque d’une imagination qui n’est plus structurée par une fin, par une résolution, rester au sein même des tensions qui individuent les images, qui les font advenir. Nous n’avons jamais été aussi proche d’une persistance de la genèse.


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