Dix ans après sa venue à Cannes avec Swimming Pool, déjà en Sélection officielle, François Ozon nous revient avec Jeune et jolie, un film qui met en scène Marine Vacth dans le rôle d’une adolescente qui découvre sa sexualité dans la prostitution.
François, le but est de faire un diagnostique de l’éveil des sentiments et de la sensualité. Comment est venue cette idée?
Ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé de l’adolescence. A partir de Sous le sable avec Charlotte Rampling, j’ai travaillé avec des acteurs plus âgés. Après Dans la maison, j’ai eu envie de travailler à nouveau avec des adolescents. Ensuite, c’était aussi l’impression que dans les films, l’adolescence est idéalisée alors que moi, je garde un souvenir douloureux et difficile de ma propre adolescence. Je voulais donc en parler avec une distance et différemment. L’idée est donc de parler d’une jeune fille et de l’ancrer dans une certaine réalité, d’avoir quelque chose de réaliste en donnant certains repères, 4 saisons tout en laissant des trous dans l’histoire.
Par rapport à un tel sujet, comment trouver la bonne distance?
Je pense que le travail est permanent, à l’écriture, au tournage, au montage. C’est ma manière de faire. J’ai tendance à mettre de la distance. Le spectateur est intelligent, je n’ai pas besoin de lui donner toutes les clés. En même temps, le film ne laisse pas le spectateur sur le côté. Il peut s’identifier, notamment du point de vue des parents ou du petit frère. On peut ainsi voir le personnage sous un autre angle.
Pourquoi avoir utilisé la musique de Françoise Hardy dans la bande originale?
C’est la 3e fois que je l’utilise. Je l’aime beaucoup et ici, ça me semblait évident. C’est elle qui a le mieux exprimé la désillusion de l’adolescence. C’était très facile de trouver des titres qui correspondaient au film. Quand je lui ai parlé des morceaux que j’avais sélectionné, elle m’a dit « quelle horreur ». En particulier, ceux des années 60 qu’elle n’aime pas. Ceux des années 70, écrites par Michel Berger, lui plaisaient déjà plus…
Comment avez-vous choisi Marine Vacth?
J’ai fait un très grand casting, j’ai rencontré beaucoup de jeunes filles de 16 à 20 ans. J’ai fait des essais, j’avais donné la scène du commissariat où elle est interrogée par la commissaire. J’ai tout de suite vu que Marine était différente, elle était très réaliste. Avec elle, tout d’un coup il y avait autre chose, un monde extérieur, un mystère. J’avais le sentiment qu’elle pouvait être la bonne personne. J’ai fais des essais avec les autres comédiens notamment avec Géraldine (ndlr, la maman) parce que la relation mère-fille est très importante.
Vous êtes un des cinéastes français dont les films sont les mieux exportés. Votre sentiment sur cette compétition cannoise?
C’est une pression mais un jeu aussi. C’est le plaisir de pouvoir être vu par tous les cinéphiles du monde entier à un moment T. On vient sereinement ici. Après, le fait d’être ici est déjà une récompense, le fait d’avoir un prix n’est que la cerise sur le gâteau.