C’est avec beaucoup de réserves que je me suis décidée à aller voir le film. Il me semblait risqué de concilier l’adaptation du roman de Francis Scott Fitzgerald avec la volonté de faire un blockbuster (doublé d’une version 3D), le tout signé du réalisateur australien Baz Luhrmann (à qui l’on doit les films « Moulin rouge » et « Roméo et Juliette »). Le risque de se retrouver face à une comédie musicale, ou à une version colorée, revisitée et un brin kitch existait.
Dès le début du film, en effet, on en prend plein les yeux, abreuvés d’effets de plans, de mouvements de caméra (qu’on imagine assez bien se prêter à la 3D), soutenus par un soin particulier porté aux décors, aux costumes pour une photo très esthétique.
L’installation de l’intrigue se fait alors sous l’angle de la séduction, on enjolive le réel par ces procédés cinématographiques, destinés notamment à capter l’attention du spectateur et la narration se fait facilement par l’intermédiaire d’un personnage, ici Nick Carraway qui rapporte ses souvenirs et la période de sa vie qu’il a partagé avec Gatsby. Fruit d’un flash back d’abord raconté à un médecin, le film deviendra une histoire couchée sur papier par ce personnage, qui ce faisant, expie les faits. Ces feuillets réunis constitueront le livre éponyme.
L’intrigue dans le film colle au procédé cinématographique, commençant très fort et mettant de la poudre aux yeux.
On pénètre au cœur des années folles, dans les soirées débridées, et dans la vie des héros issus de la classe aisée qui ne regardent pas trop à la dépense. L’accent est d’abord mis sur la frivolité des mœurs, la liberté offerte en ces années là à New York et bien racontée par le héros. Entrant dans l’intrigue de manière légère, nous ferons l’épreuve de la sentir plus pesante à mesure que le film avance pour basculer enfin dans le tragique. Il s’agit d’un amour impossible. Dans le développement du thème de l’amour impossible, on aborde les questions l’inégalité sociale (lutte des classe, considération des noirs), de la pureté des sentiments s’opposant au matérialisme, de l’adultère et de l’amour vrai, et des contraintes imposées par la société.
Pourtant au lieu de convaincre à mesure qu’il se déroule, le film s’embourbe et s’étouffe, rendant son propos peu crédible, se réduisant à une collection d’effets visuels. Pourtant au-delà de la proposition du film, on devine l’intérêt du propos. Les moments clé où l’histoire change de direction, s’exprimant dans la prise de conscience de certains personnages, notamment. Les instants où le rêve de Gatsby lui échappe.
On regrette donc le manque de force de la seconde partie, qui n’assoit pas suffisamment les événements qui adviennent. Rattrapé par la fatalité et par sa condition sociale, le héros échoue dans sa quête de l’amour vrai qu’il a cachée derrière le strass d’une situation sociale artificielle.
Dommage que cela ne soit rendu avec plus d’intensité dans le film. Le réalisateur avait réussi pourtant à brosser les enjeux de l’intrigue, en proposant une géographie amoureuse, servie par son choix d’effets cinématographiques.
La proximité et la distance entre les deux amoureux, matérialisée par la baie, tour à tour nimbée de brume, éclairée par la lumière verte (comme si c’était là le but à atteindre), ou baignée d’or sous l’effet du soleil qui est filmée par de grands mouvements de glissades et d’accélérations. Le non-lieu qui sépare les deux maisons, celle de Daisy et de Gatsby est très bien réalisé : esthétique, métaphorique et parfait en lieu du drame.
A voir :
Gatsby le Magnifique, un film américain de Baz Luhrmann (2h22)