Rebiffade catalane...

Par Olif

Tandis que la France entière grelottait sous la grisaille et que la Vendée portait un brassard noir en signe de deuil de ses REVEVIN, le pourtour méditerranéen soufflait le beau temps sous le pont de l'Ascension, grâce à un copieux mistral et une généreuse tramontane. Pas un seul nuage à l'horizon, au prix d'une permanente un brin ébouriffée. On n'a rien sans rien. Le temps d'une traversée dans l'eau fraîche, entre Argelès et ... euh ..., il était déjà l'heure de réenfiler ses sandales et son calcif. Direction Calce, pour voir les caves se rebiffer sévère. La revanche du jeudi a contre-attaqué grave, même si on était déjà samedi. Les 6 domaines du village rinçaient et invitaient, à grands coups de canons intergalactiques.

Sabre laser contre pipette nucléaire, le combat était par trop inégal. Des renforts de guests ont dû être appelés à la rescousse. La fête au village, quoi. Tout au plus peut-on regretter un déficit de signalisation des vignerons participants, qui n'aide pas le visiteur de passage à se repérer dans les petites rues tortueuses de Calce pour gagner les différentes caves, lorsque le flux humain se fait rare, à l'heure de la sieste, au plus chaud ou au plus venté de l'après-midi.

Le point de ralliement immanquable, à Calce, c'est le Presbytère, où l'on pouvait se restaurer merveilleusement à la sauce catalane et avec l'accent. Ollada et Pa d'aou, menu unique pour tous. O quoi? Pa quoi? Heureusement, le catalan de base est serviable et polyglotte. Il a la traduction française facile pour ses voisins de tablée francophones. Une fois que l'on sait que le "o" se prononce "ou", facile de comprendre que l'on a affaire à une ouillade (un genre de potée catalane avec un petit boudin noir que, si tu n'en as jamais mangé avant, tu ne sais pas ce que tu perds) et à un pain d'œuf (une petite tuerie de flan maison bien meilleur que celui que tu penses réussir dans la tienne, de maison), de la cuisine catalane pur jus qui remplit bien le bedon et te permet d'affonter sans crainte la dégustation de vins qui a précédé ou qui va suivre.

Chez Jean-Philippe Padié, tronche de vin à lunettes de soleil et au crâne rasé, l'ambiance est à la décontraction et au débouchonnage, tandis que ça bouchonne à Paris. La foule se rue néanmoins auprès du Petit Taureau, dernière mise de 2008 bourrée de vigueur et de fraîcheur, mais aussi de Fleurs de Cailloux et de Milouise, les deux blancs du domaine qui s'arrachent, à tel point qu'il a fallu s'engouffrer dans le Tourbillon de la vie pour avoir un peu de blanc (de négoce) bien fruité à proposer à la clientèle avide. Et puis un rosé de mouvèdre, Ecxebeche, loin de parler fort pour ne rien dire. qui serait un bien beau rosé pour mourir, foi de Deadman.

Rémy, dealer d'affiches, de tee-shirts en boîte ... et de Tronches de vin.

Le guest de Jean-Phi, il nous vient de la Loire (42), de la Côte roannaise plus précisément, et ce n'est plus tout à fait un inconnu. Le vin de Philippe Peulet, désormais interdit aux buveurs d'étiquettes, bombe aisément du torse, sans jamais se la péter. Des Bonichons, qui existent aussi en bonnet D, aux réfractaires Moines noirs, le gamay se complaît dans cette expression épurée, gourmande et minimaliste. Que celui qui n'a jamais têté aux délicieux Bonichons me jette la première pierre. 

And now, for something completely different, mais pas trop quand même, rendez-vous à la cave d'à côté, chez Olivier Pithon, pour goûter, le 357 sur la tempe, une jolie série noire ou plutôt rouge. Mon P'tit Pithon 12, Laïs 11 et Le Pilou 10, c'est du gros calibre. Du glou, du dense et du solide, qui serpente dans le gosier!

Tout en bas du village de Calce, on aurait pu croire que c'était le désert, mais non, il y avait Gauby. Et Matassa. Et plein de monde, pour le coup. Ça festoyait dur, avec les invités espagnols et ligériens. Musique, flonflons, table d'exception dans l'arrière-boutique, où le visiteur de passage n'était malheureusement pas convié. Pas goûté Gauby depuis un moment, c'était un manque que je me suis dépêché de combler. Des Calcinaires, blanc et rouge, à la Muntada 10, il y a de quoi se régaler. Des vins vibrants et vivants, frais comme des gardons frétillant dans l'Agly, grâce à une maturité totale obtenue à un degré alcoolique plutôt faible. Le fruit d'un travail intelligent et persévérant du sol, qui a restauré l'équilibre global des parcelles et, par conséquent, des vins, d'une fraîcheur exceptionnelle. Le guest des Gauby, il nous vient aussi de la Loire, mais beaucoup plus en aval, du saumurois plus exactement. Antoine Foucault, dit Tatane, est un gars franc du Collier. Il a fui les frimas printaniers ligériens pour se réfugier dans la vallée de l'Agly, le temps d'un week-end. Ses vignes ont été relativement épargnées lors du sinistre gel saumurois du 29 avril, ce qui n'a pas été le cas pour tous les vignerons du secteur, malheureusement. La Charpentrie existe désormais en rouge, premier millésime revendiqué en 2009, un vin qui a des tripes. Et le blanc affiche fièrement sa belle minéralité septentrionale. Chenin et maccabeu, même combat!

Chez Tom Lubbe, gros plaisir également. Celui de voir le vigneron découvrir son portrait dans Tronches de vin, comme de goûter à ses vins. Mention particulière à Marguerite (avec sa part muscatée, rien à voir avec la jurassienne), et El Sarrat, pour sa franchise et son fruité. Le guest de Tom Lubbe, c'était Juan Ramon Escoda, tronche du vin espagnol. Je n'ai pas goûté à ses vins ce jour-là (je l'avais fait à Angers cet hiver), mais ce fut un bonheur de le voir également découvrir comment il a été tronchisé dans le guide des vins qu'ont d'là gueule. Avec en photo pour illustrer son portrait, deux énormes jarres dans lesquelles certains ont cru reconnaître ses fesses... Les vignerons sont facétieux, parfois!

Olif