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"La nuit de la musique" d'Olivier Sillig

Par Francisrichard @francisrichard

La première fête de la musique a été créée en France le 21 juin 1982 par Jack Lang, ministre de la Culture.

Cette date du 21 juin n'avait pas été choisie au hasard. Cette année-là, elle correspondait au solstice d'été, qui, avant que l'Eglise n'instaure la saint Jean le 24 juin, était l'occasion de festivités et de nuits païennes, et, parfois, paillardes.

Depuis, les fêtes de la musique ont été instituées un peu partout dans le monde... Suisse comprise.

Le dernier roman d'Olivier Sillig se déroule pendant une telle nuit, qui s'avère propice, musiques et alcools aidant, à des débordements dionysiaques.

Bruno et Claire, trentenaires, mariés depuis cinq ans, prennent le train pour une ville sans nom, mais où circulent des trams. Bruno y va pour son travail et Claire l'accompagne.

Après son travail, en fin d'après-midi, alors qu'il devait être là à 14 heures, Bruno rejoint Claire dans la baignoire de leur chambre d'hôtel. Claire, qui a passé l'après-midi à faire du shopping, n'est pas d'humeur à folâtrer quand Bruno se met à l'entreprendre. Le téléphone sonne opportunément et les interrompt. C'est Claire qui sort de l'eau pour aller décrocher.

Après avoir raccroché le combiné, Claire s'habille à la hâte et disparaît. Bruno attend son retour, puis, comme elle ne réapparaît pas, part à sa recherche dans la ville en fête, où il y a de la musique pour tous goûts et couleurs: fanfare locale, musique classique, jazz, métal hurlant, fanfare macédonienne, musique de computers, que sais-je.

Bruno, par acquit de conscience, fait quelques aller et retour à l'hôtel, mais Claire n'y est jamais. Alors il se mêle à la fête, en espérant finalement ne pas y tomber sur Claire, prêt à faire des rencontres inhabituelles dans des lieux insolites.

Il rencontre un certain nombre de personnes atypiques, qui bousculent ses préjugés, et, notamment, Caroline, "une grande fille aux cheveux longs et frisés teints en rouge", qui lui rappelle le temps de la drague avant Claire, et qui chante en français ou en scat.

Caroline, retrouvée après qu'il l'a perdue, trouve Bruno farouche. Elle finit tout de même par l'entraîner dans un couloir sombre. Sur un matelas adossé à une colonne en dur, elle s'apprête buccalement à lui faire oublier Claire, quand un couple hétéro passe près d'eux.

Encore déboutonné, Bruno s'excuse, se rajuste et s'élance à la suite du couple, tandis que Caroline, se méprenant, lui indique les toilettes. Il a en effet cru reconnaître sa femme Claire. Mais il perd de vue le couple sur une incertitude.

Après bien des prérégrinations, à potron minet, Bruno rentre à l'hôtel, où Claire, rentrée depuis peu, l'attend depuis des siècles et lui demande de la prendre, sans préliminaires, ce qui ne lui ressemble guère, surtout de bon matin.

De son côté, au cours de cette nuit, Claire, fâchée que Bruno l'ait fait poireauter tout l'après-midi, espérant ne pas tomber non plus sur lui, a rencontré les mêmes personnes atypiques que son mari, à contre-temps, mais elle ne les a pas vues sous le même angle. Les deux se sont d'ailleurs croisés sans se reconnaître pendant ce voyage jusqu'au bout de la nuit de la musique.

Si, cette nuit-là, Bruno est attiré par Caroline, mais ne conclut pas, in extremis, avec elle, au même moment, Claire est attirée par un musicien inconnu, aux yeux sans pareils, maigre, noir et beau, et elle se donne délibérément et fougueusement à lui par trois fois, en public, ce qui ne lui ressemble pas non plus:

"Tout ce que je peux dire de lui, c'est qu'il joue du tambour - à moins que ce soit de la caisse claire - dans la fanfare macédonienne Multsum, qui est une fanfare de cérémonies. Et qu'on s'est aimé, qu'on ne se reverra plus. Et que je n'ai rien connu d'aussi beau."

D'autres péripéties l'attendent encore avant de regagner l'hôtel, mais pas d'autres débridements... qui auraient gâché son contentement.

En tout cas, cet écart conjugal n'empêche pas Claire de demander à Bruno de la prendre à son tour, après avoir vite balayé l'idée que son musicien inconnu a pu lui laisser un petit cadeau, sous forme de maladie ou de marmot...

Bruno et Claire ont donc vécu la même nuit, mais de façon fort différente. Bruno s'est comporté comme une vierge de jadis, à moitié effarouchée, et Claire comme un mâle de naguère, prenant son plaisir sans regrets avec un autre. Les deux amants et époux se retrouvent cependant avec beaucoup de bonheur, n'ayant été infidèles que par parenthèse, l'une par le corps, l'autre, à défaut, par l'esprit.

Olivier Sillig raconte simplement cette nuit onirique, vue sous deux angles d'aujourd'hui, masculin et féminin, sans porter de jugement. Les événements, sans qu'il n'omette de détails bien concrets, s'enchaînent pourtant comme dans un rêve, après lequel la réalité ne peut que, de toute façon, reprendre tous ses droits.

L'auteur met le doigt, avec justesse, sur un aspect de l'humaine condition, qui résulte de l'observation: la vie n'est pas une ligne droite toute tracée; elle comporte des chemins de traverse. Et les écarts n'empêchent pas ceux qui les font de reprendre après leur route commune, à condition, toutefois, de les garder pour eux. Car toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire...

Francis Richard

La nuit de la musique, Olivier Sillig, 176 pages, Editions Encre Fraîche


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