Féfé a sorti hier son second album et c'est l'occasion de réaliser qu'il a fait bien du chemin depuis le Saïan Supa Crew.
Sur son premier opus solo, "Jeune à la retraite", l'artiste posait les bases de ce qui fait son style : un mélange décomplexé fait de textes soignés et de mélodies aux influences multiples (Reggae ("Ailleurs", "3 words"), chanson pop ("Nous", "Parodie"), rap ("Lalala song", "La somme"), soul ("La somme") souvent mixées au sein d'un même titre.
Sur ce nouvel album, le premier morceau prévient : Féfé concocte sa propre potion, son propre mix de sons et se moque bien du qu'en dira-t'on ("Lalala song") :
"Ceci n'est pas une réclame ni un texte slam.
Faux.
J'en vois déjà venir, fini N.O.I.S.Y. L.E. S.E.C.
J'aurais peut être dû prévenir genre inégociable genre Hugo Chavez en gros,
qu'importent les avis, aucune tenue exigée ceci vient réviser les genres.
Et oui ceci fait dans le rap/pop/le reggae/blues/rock/soul ... "
A une époque où la musique se vend mal, il résiste à la tentation de se fondre dans la masse, dit non au contenu formaté et revendique l'envie de défendre un message qui est le sien ("Cause toujours") :
"C'est la crise, je chante et le disque se meurt, mon D.A. veut me changer et me dire ce qu'il faut mettre:
"Féfé faut lâcher le rap et les couplets à la noix, ça marchera que si t'es cool à la Noah"
Parler d'art est impossible quand on me répond "parts de marché-cible",
il faut du buzz, de la hype faut suivre,
pas d'esquive, fini le temps où l'artiste faisait ce qu'il veut"
"Le charme des premiers jours" c'est une invitation à profiter de l'instant présent, en cessant de courir après un bonheur qu'on croit toujours ailleurs" ("ailleurs"), à tenir bon malgré les moments difficiles ("le charme des premiers jours"), à cesser de rejeter la faute sur autrui quand une remise en question individuelle pourrait faire avancer les choses ("Nous") :
"Qui guide ce navire? Au lieu de blamer le vent, faudrait déjà que je change"
Pas moralisateur pour un sou, Féfé partage simplement sa vision des choses.
Sa philosophie du quotidien, il la livre au détour d'un titre adressé à ses enfants ("la somme") où l'on comprend que pour lui le seul héritage qui mérite d'être considéré est celui de notre vécu, que la seule transmission qui importe est celle de nos propres expériences.
"Pas des leçons que je donne, pas des leçons mais la somme... Surtout n'oublie jamais où qu't'ailles je suis déjà allé, mais je n'ai pas tous les sésames, autant que je le peux je veux t'armer, au moins autant que moi-même"
Inclassable, Féfé défend sa soif de liberté, son envie de créer un projet qui lui ressemble, d'être lui-même sans céder aux codes du star system. Et c'est comme ça qu'on l'aime.
Féfé c'est un homme simple et un artiste complet, qui à chaque album pousse un peu plus loin sa recherche d'un son qui lui ressemble.
C'est un artiste dont on imagine qu'il a facilement dû se retrouver dans les valeurs de Sixto Rodriguez, ce Sugar Man à qui il a emprunté un sample efficace qu'on retrouve en guise de clin d'oeil-hommage sur le premier single de l'album :
L'album s'achève sur un son lo-fi ("doux pays") qui confirme que Féfé souhaite se trouver là où on ne l'attend pas, jusqu'au bout.
Cohérent.
Le charme des premiers jours permet à Féfé de partir en tournée, toutes les dates sont à retrouver ici.
En guise de conclusion, je t'invite à écouter "3 Words" :
"Pas besoin de poser, d'correspondre aux posters qu'on nous réserve, juste une petite prose, 3 words, one mic and a thousand dream..."
Tout est dit, pas vrai?