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Sonnetti lussuriosi. Venise

Publié le 22 mai 2013 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Pietro Aretino

Ce petit volume est le seul témoin imprimé qui nous soit parvenu de cet ouvrage légendaire, associant trois des plus grands maîtres de la Renaissance italienne, l’écrivain Aretino, le peintre Giulio Romano (1492-1546) et le graveur Marcantonio Raimondi (1480?-1530).

En effet, de ces Postures, avec leurs seize gravures et leurs seize sonnets, dont l’édition originale fut vraisemblablement imprimée vers 1525, puis interdite et détruite, nous n’avons, à part le présent exemplaire, presqu’aucune autre trace fiable. Les tirages des cuivres originaux de Raimondi nous sont inconnus sauf quelques fragments conservés à Paris, Londres et Vienne. La présente édition montre des copies xylographiques des estampes d’origine. A la fin, deux poèmes en épilogue ne sont pas de l’Arétin. Depuis la découverte inattendue de ce volume par le fils du célèbre chef d’orchestre Arturo Toscanini, en 1928, les spécialistes ne se sont pas accordés sur l’attribution à aucune imprimerie ni sur la date.

Si l’histoire de ce premier chef-d’œuvre érotique des temps modernes est des plus cahotantes, et que, imité sans relâche, il passionne les amateurs depuis cinq siècles, c’est que cette histoire se confond avec la vie de son auteur, l’Arétin, écrivain génial et aventurier hors norme, intrigant, maître chanteur et débauché, l’une des vies les plus hautes en couleurs de l’histoire des lettres.

Cet unique exemplaire a été relié à la suite de trois autres ouvrages licencieux, datables d’environ 1531, dans des éditions rarissimes également vénitiennes, qui comprennent trois poèmes érotiques et un texte satirique en latin macaronique. Le premier opuscule contient deux œuvres d’un ami de l’Arétin, Lorenzo Venier (ou Veniero): La Puttana errante, satire pittoresque et crue d’une courtisane de la cité lacustre et La Zaffetta, qui raconte l’exploit d’une autre courtisane, forcée d’accorder ses faveurs en une fois à quatre-vingts clients.

LA ZAFFETTA

Puisque chacun aussi ignorant du latin que de la langue vulgaire
Avec un jugement de brebis ignorante
Raconte que c’est le très fameux Aretino
Qui a composé la Putain Errante
Je viens chanter ici comment la Zaffetta
Se trouva prise au piège à la Chioggia
Pour les démentir, pour établir la différence qu’il y a entre le pain et le vin,
Et pour prouver qu’une canaille est une canaille

Pourquoi faut-il s’étonner, sottes gens
Si j’ai naturellement un style très fameux ?
Aretino, mi-homme, mi-dieu
M’a t-il prêté son miraculeux talent ?
Celui qui veut guérir en un jour du mal français
Se tourne-t-il vers le ciel pour appeler Clio ?
Celui qui, comme moi veut devenir poète
Invoque-t-il Aretino, vrai prophète ?

Ne rougissez vous pas, grossiers bœufs
Quand vous dites que le maître de ceux qui savent
A répandu sur moi ses hautes connaissances
Comme les pédants font à leurs disciples ?
Il se peut que Saint Pierre ne soit pas parmi vous,
Gens du peuple au mauvais esprit,
Et que vous ne discerniez l’urine de l’encre
Et le membre priapique du pater noster.

Si l’Aretino avait composé ma Putain
Comme vous le dites, babouins,
Ne croyez vous pas qu’elle sonnerait autrement ?
Autres soprani, autres violoncelles.
Ses rimes paraîtraient orthodoxes
Et ses vers seraient papaux
Et puis Pietro, selon moi, c’est certain,
N’a jamais vu une chemise de femme.

Mais vous pourriez dire : il t’a peut-être aidé
A finir l’œuvre pour qu’elle reste éternelle.
Je dis non, parce que je ne suis pas un effronté,
Comme l’est le présomptueux voleur Berna,
Qui après avoir copié Orlando,
Avec de mauvaises rimes de taverne et de comptoir
A gravé son nom dessus
Comme si c’était l’œuvre son œuvre.

Mais revenons à notre Errante et aux mauvaises langues
Qui se hâtent à émettre un jugement
Et ont dans la cervelle moins de sel
Que n’en a un poulet en sauce.
Je l’ai écrite le plus simplement possible
Et pour qu’au plus vite les choses soient claires,
N’ayant pour l’heure d’autre but,
Je chante la légende de la Zaffetta

Pour deux raisons, Zaffetta, en style divin
Je viens chanter ton histoire
La première pour démontrer que l’Aretino
N’est pour rien dans les vers de l’Errante ;
La deuxième est que mon tempérament
Me porte à donner satisfaction à ces quelques fous
Qui m’obligent à dire dans une nouvelle forme
Ce Trente et un qui te fut rendu à Chioggia.
Dieu sait, Madame, s’il m’est douloureux
Votre trente et un parce que je vous aime et vous adore
Mais à celui qui manque de parole à ses amis,
On ne peut prêter des écus d’or.
Vous même savez que celui qui veut baiser
Ou dans la fente ou dans le cul doit débourser.
Donc que puis-je faire si chacun veut
Que je chante le récit du trente et un ?
Mon Angela, vous devez bien savoir
Que d’une manière quelconque, tôt ou tard
Chaque déesse à son trente et un et le mal français
Chacun le tient pour clair et évident.
Avec le trente et un et avec quelque déplaisir
Vous êtes sortie d’angoisse à vos dépens.
Maintenant, ne soyez plus préoccupée,
Oubliez cette histoire, chassez la vos pensées.

Et moi, Signora Angela Zaffa, pendant que
Vous découvrirez le mal français caché en vous
Tel un évangéliste, je chante votre Trente et un.
Et si je me trompe, vous me corrigerez
Parce les évènements vous sont arrivés à vous
Et mieux que tous, vous les avez à l’esprit,
Vous qui n’avez pas su tirer l’âme
Et le cœur à chacun des Trente et un.

Infâmes putains, qui dédaignez tellement
De garder pour amant un gentilhomme,
D’un gentilhomme, écoutez la plaisanterie
Faite à une gentille truie galante
Qui a le privilège d’être citée
Parmi les vaches de la Putain Errante.
Et je vous promets sans aucun doute
De dire ce que j’ai à vous dire.

Grâce à Dieu, il y a en Vénétie, Monsieur,
Trois ou quatre légions de putains,
Qui sont la ruine des patriciens comme des plébéiens
Une part dans les grandes maisons, l’autre dans les bordels.
Mais parmi tant de milliers, cinq ou six
A force d’artifices et de maquillages,
Cachant leur laideur écœurante
Finissent par paraître quelque chose

Parmi ce petit nombre, il n’y en a qu’une
Qui tient la première place au milieu de cette secte misérable.
Ce n’est pas la Grifa, ce n’est pas la Bigola
Que mes paroles encensent
Aidez moi à dire son nom ;
Le nom de son altesse est Zaffetta,
Altesse parce qu’ayant du sang royal,
Le bestial Borrin étant son beau père.

Sa généalogie nous apprend
Qu’elle est fille du procurateur
De la maison Grimaldi, qui à sa cruelle mère fit en sorte
Qu’elle l’ait à l’intérieur puis à l’extérieur.
Mais il me vient l’envie
De chanter exactement, en beaux termes
Son grand parcours, et comment, partie de rien
Elle a acquit ses galons de putain

Elle ne peut dire le contraire ; les putains
Veulent toujours paraître, du début à la fin.
Elles commencent à grandir dans la misère
Et les pauvrettes finissent dans la misère
Il suffit que la Zaffetta se pare d’or et de soie
Avec de somptueux habits divins
Pour qu’elle naisse dans la disgrâce, et ce, non pour sa vertu,
Sa beauté, sa grâce qu’elle avait déjà en naissant.

Elle a acquit sa haute réputation
Parce qu’à chaque instant, nos gentilhommes,
Se livrent à une espèce de compétition
Et par amour, par désir
Veulent l’un et l’autre la posséder.
A cette harpie, qui se rit
De celui qui l’aime toujours plus,
Ils donnent sans compter leur âme et leur argent.

Pardonnez moi jeunes gens; l’amour
Que je vous porte me fait dire ce que je dis.
Vous savez bien que je suis votre serviteur
Et aussi votre compagnon, frère et ami.
J’ai sur la langue ce que j’ai dans le cœur.
Je l’ai dit et le répéterai : vos compétitions vous abaissent
Et la portent elle, en hauteur,
Qu’elle n’atteint pas seulement par sa grâce et sa beauté.

Maintenant, qu’est-il arrivé ? La divine Zaffetta
Disons le, est belle, gracieuse et vertueuse.
Elle a de l’esprit et par ses artifices,
Elle prend de l’argent à chacun
De ceux du groupe d’admirateurs qui l’entoure.
Elle avait un amant, c’est une chose bien agréable,
Rempli de gentillesse et de courtoisie.
Et si ce n’était vrai, je ne vous le dirais.

Le gentilhomme qui s’était fait
Son prodigue amant, pour son malheur,
Etait toujours son serviteur attentif
Comme si elle n’était pas Zaffetta, mais Déesse.
De sorte que chacun pensait que
La coquine obtenait honnêtement ce qu’elle obtenait.
Dieu! Que les mains des tziganes, des traîtres,
Des usuriers sont plus honnêtes que celles là!
C’est une grande chose à dire que l’avarice
Etreint une putain de sorte qu’elle arrive toujours,
A force de trahisons et de flatteries
A te dérober un vieux gant, un bout de ruban
Et autre chose de peu de prix.
C’est une habitude qu’elles ont
Dans le bordel où elles se tiennent
De demander tantôt ceci, tantôt cela.
Le gentil jeune homme qui était très épris,
Pour conserver l’amour de la Zaffetta
Ne regardait pas aux dépenses, comme l’aurait fait
Un cavalier pour entretenir son écurie.
Mais cette Zaffetta, loin d’être des plus braves
Lui porta un affront , comme seules
Les plus viles ont l’habitude d’en porter.
A qui leur donne le plus, plus encore elles en demandent.

On peut supporter facilement bien des choses :
L’esclavage et l’argent ne sont rien.
Mais cette putain qui trahit cruellement
Ton amour te porte un coup fatal.
Tu accours cette nuit pour dormir avec une Déesse
Et tu trouves un autre sous lieutenant à ta place.
La garce t’a écarté et mis à ta place
Le premier qui s’est présenté la queue dressée.

Le gentilhomme n’intervient pas, il reste silencieux.
Il ne dégaine pas l’épée ; pas de coups de bâton
Contre la traîtresse, la putain, l’infâme.
Au contraire, après l’affront, ayant en tête
L’idée de se venger, il redouble envers elle ses faveurs,
Il se montre amoureux comme jamais,
Il la courtise plus encore
Afin de ne pas éveiller ses soupçons.

Quelques jours étant passés, le gentilhomme
Commence à dire : Signora, voulez-vous
Que nous fassions un tour à Malamocco pour nous distraire ?
N’est-elle pas venue l’heure d’une promenade ?
Avec une ardeur téméraire de putain
La Signora Angela répondit alors
Joyeuse et altière: comme il vous plaira,
Pourvu que nous soyons revenus ce soir à Venise.

Sans tarder l’amant donna les ordres
De l’infâme assassinat ;
Mais avec un doux et agréable regard
Il fait appeler deux jeunes hommes.
Il envoie l’un à Chioggia
Pour mettre au point le dîner, et l’autre, écervelé
Bon compagnon sur qui il peut compter
Pour tenir compagnie à la dame.

Puisque le jour et l’heure où la novice
Doit prendre les voiles, sont arrivés,
On prépare une gondole solennelle
Qui, en deux coups de rames parcourt le demi mile
Qui la sépare de Malamocco.
Elle emporte joyeuse Angela
Qui fait grand constraste avec son amoureux
Se comportant comme épouse, sur le banc des rameurs.

Une fois arrivée à Malamoccco
Cette courtisane très entourée
Dit malicieusement en riant :
Mon bon, où allons nous dîner ?
Et voyant fumante une perdrix,
Elle la saisit pour en faire une seule bouchée
Et en moins de temps qu’il n’en faut pour dire un Ave Maria
Avale six gorgées de Malvoisie.

Valeureuse dame, dit la compagnie.
Elle rit . Ses amoureux se pressent autour d’elle.
Et avec cette grâce un peu triste,
Elle tire la barbe à l’un et à l’autre
Tout en bavardant avec esprit,
Pour leur faire oublier leurs ennuis.
Elle raconte ses grandeurs et comment
Elle a acquis le nom de Zaffetta

Tandis qu’elle continue à parler
Tout le monde reprend la gondole.
Toute excitée, la belle courtisane
Poursuit le récit de ses grandeurs
Pendant ce temps, la barque, instruite de ce qu’elle a à faire
Se met en route pour Ghioggia.
A l’entendre parler, Angela espère trouver
Avant deux jours une maison qui lui convienne.

Je veux, dit la hautaine Angela
Que vous, mes amoureux puissiez me faire
Obtenir pour toujours la location de la maison Loredana.
Sinon, j’en mourrai de déplaisir
Puis elle commence à chanter une pavane,
Où déjà elle semble jouir de la nouvelle demeure
Elle veut acheter des divans, des tissus précieux
Et faire couvrir d’or et de soie cinq ou six lits.

Voilà maintenant qu’elle réclame des chenets,
Des têtes de feu, comme les appelle Petrarque,
Elle les veut d’argent, grands et beaux.
Elle veut une barque, six métayers, un garçon.
Elle ne veut de nourriture que de la région.
Toujours du vin dans la cave et de la farine dans le coffre.
Pour finir disons que la Borrin veut plus
Que n’en a jamais eu une reine.

Avec des jardins faits à sa façon
Selon les plans de son sagace amant
Elle sera la majesté de Chioggia
Et deviendra troublante quand elle apparaîtra
En disant : Ce soir, je ne dors pas ici,
Allez, gondolier, en avant ;
Tourne, vaurien (dit-elle) ; elle pleure et s’enrage
Et à force de tenacité, elle obtient satisfaction.

Mon âme, mon espérance, ma fille
Mon cher sang, mon bien, ma douce vie
Dit son amoureux d’une voix paisible
Ne partez pas de chez moi ce soir.
Ce que j’ai sera votre, ma petite Angela
Mon bien vous appartiendra.
Demandez, n’ayez pas honte
Que celui qui soupire pour vous ne fasse plus rêver.

Quand elle entendit qu’il proposait
De tout lui donner, la putain ne put alors
Se retenir de ricaner. Tout en feignant
La sincérité, elle dit vite :
Je veux une robe de velours et de perles
De celles qui se portent habituellement aux fêtes
Je veux une coiffe d’or et veux demain
Un chapelet d’ambre.

La robe, la coiffe, les pater noster et
Les ave maria, les psaumes et les oraisons
Vous les aurez, ma fille pourvu qu’à l’heure
Vous me donniez sans restriction, votre corps
Répondit le gentilhomme : et vous ne les aurez pas
De vos amoureux de passage, archi couillons,
Dont vous supportez les minauderies
Les vilénies et les bastonnades.

Maintenant elle débarque et n’aperçoit pas derrière elle
Une barque pleine de baiseurs.
La foule accourt en furie pour voir
La fameuse pécheresse Zaffetta,
Qui porte sur le dos tant de parfums.
Elle parle comme une nymphe, se déplace d’un pas lent.
Elle s’appuie tantôt sur l’un tantôt sur l’autre
Et veut paraître l’Impératrice de Chioggia.

Son amoureux s’en apercut.
Pour la rendre plus altière encore
Avec une voix pleine d’admiration lui dit :
Vous avez la beauté de la lumière.
Même si la déesse Venus était là
Le monde vous trouverait meilleure
Puis ajouta : Madame, n’importe lequel de vos actes
Rendrait fou un des chioggiens.

Avec des soies et châles parfumés
Entrent les associés, avec sa Seigneurie
Là où étaient préparés les mets
Comme il convient pour un grand gentilhomme ;
Et chacun s’étant lavé les mains,
Tous entrent dans la salle pour dîner.
En tête de table s’assoit
La très illustre putain Zaffetta.

Silence à table. Quand l’odeur
Des rôtis vole partout. Elle se tait.
Avec les mains pleines, la bouche et la gorge pleines,
Elle dit seulement: c’est bon, ça me plait.
Et qui lui aurait demandé une parole de plus
Ne serait plus jamais en paix avec elle.
Elle mange et boit sans frein. Elle dévore.
Ce fut bon pour moi. Elle se croyait alors à Venise.

A la fin viennent les huîtres qui s’empilent
Tellement en hauteur que chacun
Crie grâce. Elle ouvre calmement
Les coquilles qui sont devant elle.
Mais qu’est ce que je raconte ? Son grand amant
Qui a tramé l’histoire du trente et un,
Prend par la main la Déesse
Disant : Mon sang, pourquoi ne pas aller au lit ?

Allons, répondit, un œil ouvert,
L’autre fermé, Angela la divine,
Qui, mi-endormie entre dans le lit
Ne sachant si c’était soir ou matin.
Ce gentil jeune qui n’avait pas l’habitude
D’être menée par une faquine
S’est lui même en un instant déshabillé
Mais il ne veut pas se venger, il veut baiser.

Cependant, comme dit Boccace, étant bon baiseur
Et sentant sa queue bien droite,
En ayant elle par malchance, tourné vers lui
Le côté solennel du derrière
Il lui donne deux coups de lance, chacun plus dur que l’autre.
Puis, plus que jamais vaillant, l’ayant maintenant tourné
Avec mépris, il lui rend ce service
Encore une autre fois devant.

Cette musique douce au ton grave,
Mélange de ténor, soprano et contre basse,
Qui avait rentré sa clé par derrière,
La dame en acceptait les bémols.
Elle avait chassé son sommeil.
Elle sentait son corps tout abandonné
Et tournée vers l’amant, elle dit : donne moi
Un baiser, mon amour et fais moi la chose.

La ruse arrive à son terme et il veut désormais
La punir au plus vite de ses malices.
Il répond : Mon corps est trop fatigué et me fait mal.
Mon âme, que diras-tu de cela ?
Et sans d’autres paroles, il sort du lit.
Il allume la lumière, il part furtif, semblant triste.
Il voit la foule qui l’attend
Rire à gorge déployé du dépit de sa compagne.

Après la risée, on choisit le jeune homme
Qui aura l’honneur de commencer
Le Trente et un bien mérité
Qui devra déshonoré la Zaffetta.
Sans aucune hésitation, celui qui a été choisi
Et commence à chanter
Cette allègre air en contrepoint
Tenant son membre bien ferme dans la main :

La petite veuve, quand elle dort seule
N’a pas raison de se plaindre de moi…
Quand elle entend de telles paroles,
Celle qui a trahi tant d’amants
Comprend qu’elle ne peut plus fuir.
Elle pose les mains sur les yeux et les cheveux
Et s’aperçoit que, pour la punir de sa lacheté
Le Trente et un va commencer

Voici notre compagnon, le fer en main,
Qui veut voir le visage de la Zaffetta.
L’ayant vu, sur un ton moralisateur, il dit :
Signora, je viens vous donner avis
Que cette nuit, un Trente et un royal
Vous sera donné par celui qui vous adore ;
Et il vous prie, en reconnaissant que vous le méritez
De l’accepter de bon coeur et de lui pardonner

Quand elle sent la fête s’annoncer
La menace lui arrache d’un coup le coeur.
Elle veut se rassasier du sang de celui
Qui brulait de lui ôter la viginité.
Puis, parce qu’elle est sage, elle est prête à s’humilier,
Laissant couler des larmes de putain et dit
Que le gentilhomme qui a donné l’ordre du Trente et un
Aura derrière lui Borrin et les autres.

Elle dit que la Zaffa est peut-être à Venise
Celle que chacun tient comme la première
Que c’est encore une fillette qui boit encore le lait.
Il n’est pas convenable de lui donner ce Trente et un.
Oh Dieu, mon Dieu ! Voulez-vous que je meure ?
Mon doux Seigneur, homme de bien
Si cette nuit, vous épargnez mon honneur,
Ce devant là et ce derrière là sont tout à vous..

Elle offre ses deux sexes, dans lesquels
Celui qui l’aime place toutes les vertus.
Mais le Trente et un qui lui touche les cuisses et les fesses
Dit qu’elle a les chairs d’une grue et d’une oie,
Parsemées de boutons, comme les manteaux,
Les chairs noires, dégoutantes, repoussantes.
Elle ne pue pas parce qu’elle chasse les mauvaises odeurs
Par la bouche et les pieds..

Le numéro un du gentil Trente et un
Qui, par nature, parle librement
L’invite à avoir l’âme forte
De telle sorte que la Zaffa accepte avec bravoure.
Il reconnait que c’est l’acte d’une personne vile
Qui veut se venger des femmes,
Un acte qui entrainera la colère de Dieu.
Il dit : Tourne toi là et montre moi ton chatte.

Sa Seigneurie s’est retournée, la tête basse
Et honteuse. Lui, le membre bien droit
Lui rentre dedans non par luxure
Mais avec plaisir, le contact lui donnant des frissons..
Et ici, Messieurs, il y a quelque chose à noter
Chose pour laquelle Malamocco envie Chioggia.
Je ne sais s’il est mieux de le taire ou de le dire
Mais que celui qui ne veut l’entendre, se bouche les oreilles.

Le membre de notre jeune ami
Par sa dureté ressemblait à une pierre,
Il s’engloutissait dans l’huître de la Zaffa
Allant et venant , donnant plaisir à tout son corps
Mélangeant les sensations les plus fortes.
Mais entendant un bruit, le jeune homme fait un pas
En arrière. Alors son membre sort
Et se vide de tout son suc à l’extérieur.

Et ainsi, alors qu’il était dehors
Le miracle se produit aux yeux de tous.
Un calendrier ne suffirait pas à raconter
La risée dont il fut alors l’objet.
Et tandis qu’Angela offrait découvertes
Les reliques, pleurant amèrement,
Voici un pécheur fou et bestial
Qui a le bâton gros comme la moitié d’un bras.

Sans prendre le temps de dire : Mon coeur, donne moi réconfort,
Il avance la lance bien tendue, en arrêt,
Avec un regard vil et tordu,
Lui ouvre les cuisses et la penètre sans ménagement
La Zaffa crie : Ah! Chien tu m’as tué.
La tête penchée sur le rebord du lit
Elle reste angoissée et meurtrie
Mais déjà un autre vient prendre la place du pécheur.

Lui aussi pécheur, celui-ci qui se présente pour la baiser
Lui paraît de nature plutôt pieuse.
Elle se lance à ses pieds en s’agenouillant
Et lui dit : Homme de bien, qui que tu sois,
Si tu arrives à me faire échapper
Par quelque moyen que ce soit à ces hommes,
Je te donnerai ces chaines et ces bijoux
Et je te.contenterai dix ou vingt fois.

Je ne veux ni chaines, ni bijoux
Je veux foutre, dit calmement Marco.
Et l’ayant retournée du bon côté, côté des reins
Il déchargea tranquillement par deux fois.
Après quoi, ce fut le tour d’un gondolier
Qui préfère la baiser de bon coeur
Plutôt que de goûter sur la barque
Avec son bocal de vin de Marca.

Pendant que le rameur faisait ses affaires
Voici que la cohue se fait à la porte
De la chambre, parce que rapides
Sont accourus les habitants de Chioggia pour baiser
Comme sur les toits de Genaro les chats
Accourent avec des miaulements tout excités
Et la Zaffetta infortunée dit : hélas!
Le gentilhomme, de l’extérieur, lui répond :

Madame, le monde est fait de revers.
La femme n’a pas toujours le dessus.
A Chioggia, tombe celle qui à Venise était montée.
Même les plus rusées se font prendre.
Vous riiez de moi pendant le carnaval
Quand j’avais de votre amour le deuil
Maintenant en Carême, je ris de vous.
Ainsi le jeu est égal entre nous.

Ah! Cruel , ingrat où sont
Les flatteries que vous me faisiez, quand, autour du rôti
Chaque instant paraissait bon.
Me donneras-tu tes faveurs,ma petite, disiez vous alors ?
Monseigneur, je vous demande pardon et
Si vous avez la bonté de stopper là
Le Trente et un que vous voulez m’imposer
Je serai pour toujours votre esclave et votre servante.

Le gentilhomme trahi par elle répondit :
Maintenant, c’est l’heure de la grande punition,
Parce qu’il faut exaucer mes souhaits.
Restez en prière, le coeur repentant.
Alors, arrive un homme solitaire
Qui n’avait pas plus de morale
Qu’un traître , un turc ou un juif
Et qui lui ouvre son petit cul avec sa clé..

L’un tenait à la main un crayon, marquant au mur
Un signe à chaque coup qui lui était donné
Et quand le sixième arriva
Il cria d’une forte voix : Et de six
S’en vient alors un jardinier à la queue dure
En disant : Tu es mon espérance
Et sans autre façon il accomplit vite
Son affaire, faite dans un lieu honnête.

Et de sept, dit celui au crayon.
Dépêchez vous jeunes gens, moi je suis pressé.
C’est le tour d’un serviteur paresseux,
Pas habitué à manger la chair de chevrette.
Il s’y prend de telle manière
Qu’il fait vomir à la pauvrette
Tout ce qu’elle avait mangé, puis tranquillement
Il lui plante son gros radis par derrière

Le numéro huit est noté sur le mur.
Mais c’est ici que le meilleur de la comédie
Commence ; le second acte s’ouvre.
Un faquin au souffle court sort
Sort son poireau qu’il veut planter dans le cul
De celle qui a été déjà mise à sac
Mais le bon compagnon sent tellement de douceur
Qu’il vient mourir sur le trou comme une crapaud.

Il se relève et fait un saut de fou
En criant à la faquine : sale vache.
Il ressemble au coq qui vient de rendre ses hommages
A sa belle poule amoureuse.
L’ayant monté, il est écarté d’un trait
Il chante une fois et il se remet à marcher en picorant.
Ainsi le faquin, satisfait d’avoir jeté sa gourme
Retourne lier je ne sais quel ballot de paille

La jeune fille, humiliée, tête basse
Pleurait à haute voix, si douloureusement
Que le plus satanique en aurait été touché
Et que le bâtard en colère lui aurait fait grâce.
Elle disait : Dieu! Pourquoi le cœur ne me lâche-t-il pas,
Afin que je ne puisse entendre les gens
A Saint Marc et là bas au Frari , dire chacun
Que j’en ai assouvi dignement trente et un ?

Celle ci ou celle là pourrait même
Etre contente, parce que jalouse de mon bon sort.
Venier fera répandre la nouvelle
Parce qu’un soir je n’ai voulu lui ouvrir ma porte.
Déjà chaque gondolier parle de moi
Et il me semble entendre les gamins
Crier à haute voix sur le pont du Rialto :
Qui veut connaître la légende de la Zaffetta ?
Les lamentations de Jérémie
Allaient suivre quand arrivèrent deux frères
En disant : Qui est cette celle-ci Ave Maria,
Nous voulons, Madame, de vos péchés
Vous donner l’occasion de vous confesser
Afin que votre âme ne soit pas damnée
Et l’un et l’autre à la Zaffetta dévote
Rentrent par derrière et par devant une carotte.
Mais m’en vais-je vous les conter un par un ?
Voici maintenant que la porte a été forcée.
Tout Chioggia arrive en furie
Pour avoir sa part du gâteau.
C’est un grand enchevêtrement de corps.
Chacun est satisfait de l’avoir baisé ;
A peine l’un s’est-il retiré,
Que le suivant lui tombe sur le dos.

Avez vous déjà vu le Vendredi Saint
Quand chaque chrétien se presse
Pour aller à confesse. De tout côté,
On veut arriver le premier au confesseur.
Ainsi, pendant que l’un la baise, l’autre se prépare
Et veut se coller à la déesse
Ils sont toujours cinq ou six, qui ont le pied levé
Prêts chacun à lu sauter dessus en premier.
Celui qui, avec le crayon, marque les coups
Doit le faire si vite, qu’il en éprouve fatigue.
Minuit étant passé, il dit :
Compagnie, il convient que je vous informe,
Soixante dix neuf coups de lance ont été portés
Contre votre gaillarde ennemie.
Il ne reste plus qu’un assaut
Et la fête sera finie.
Le dernier fut un curé
Qui passait de monastère en monastère pour baiser
Il tenait sa bite dans la main.
Il renversa la Zaffetta sur une caisse
Et lui mit dans la vulve et l’anus.
Mais le glouton tenait la tête basse
Parce que la puanteur de l’huile humaine
Et de son onguent subtil empestait sa personne.

Zaffetta à peine encore vivante avait
Dans le corps des litres d’huile et de beurre.
Par devant et par derrière, ils lui retombaient
Sur les pieds et les talons de manière écoeurante.
Notre curé réclame alors pour son chien
De ces petites caresses qu’elle sait si bien
Donner à ses chers amoureux
D’esprit, d’honneur et d’argent.

Mais comme le jour est sur le point d’apparaître
Le gentilhomme qui a ordonné cette belle partie
Entre dans la chambre et chasse rapidement
Le petit curé maladroit, penaud.
Puis avec une douce voix de prédicateur
Réconforte un peu l’affligée Zaffa
Et tente de lui faire croire qu’un excès d’amour
Est à l’origine d’une si grande erreur.

Avez-vous, dit-il perdu la vie
Pour avoir été baisé quatre vingt fois ?
Etes vous la première à qui cela arrive ?
Il y a dans le monde tellement de malheurs.
Bien que pendant le manège, vous ayez du
En subir des grosses et bien dures,
Vous en êtes sortie vivante.
Gloire éternelle à votre bravoure.

Angela pleure et dit: Oh malheureuse
Comment pourrais-je encore me montrer ?
Ma grandeur est toute ruinée.
Je suis tombée dans le piège du trente et un.
Désespérée je veux devenir religieuse.
Vivante, je ne veux plus jamais paraître au balcon.
Et tout en disant cela, son corps est secoué
Et soupirant, elle vomit.

Dans sa manière de rendre, on aurait dit un frère,
Qui se décharge le ventre d’un potage
Contenant une légion d’âmes non nées.
De la bouche, elle rejete au conduit
Des mandragores transformées en grenouilles,
Des tarentules, des scorpions, et tandis
Qu’elle faisait ses besoins aux toilettes,
Le sperme lui coulait tout le long du corps.

Tandis qu’un torrent de larmes s’écoule,
Elle se relève du siège, se rhabille,
Et prie le gentilhomme, la tête basse,
Qu’il ne soit pas dit mot du Trente et un.
Celui-ci jure sollenellement
Qu’il dira qu’ils furent seulement huit,
Lui faisant grâce du grand nombre de ses baiseurs.
C’est le privilège qu’il lui accorde.

Puis ayant trouvé une barque chargée de melons,
Il y plante dessus sa Dame.
Elle est emmenée à Venise sans paroles
Qui auraient pu atténuer sa tristesse.
Restés à Chioggia, les bons compagnons
Ecrivent sur chaque mur, dans chaque rue
Comment, le six avril, Angela Zaffa
A du subir le Trente et un.

Maintenant, la Zaffetta a rejoint Venise, à grand peine.
Elle appelle, elle blasphème d’une voix confuse,
Tout en balbutiant, elle demande vengeance.
Quand sa mère l’aperçoit sur le canal,
Voyant sa fille dans un tel état,
Elle appelle Borrin, son père adoptif
Et l’aide à regagner la rive où finalement
La putain universelle s’évanouit.

Installée sur le lit, les poignets baignés
Dans le vinaigre rosé, de l’eau fraîche sur le visage,
L’esprit clair lui est revenu
Et regardant sa mère en face
Elle dit : ce traître qui m’a emmené à Chioggia,
Qu’il soit brûlé, qu’il soit tué.
Le traître m’a infligé le Trente et un.
Je veux que vous lui rongiez le coeur.

Quand sa mère retire ses pansements et voit
Son cul et sa fente tout rouges
L’un et l’autre tout enflés, elle est certaine
Qu’avant deux heures, elle sera dans la fosse.
Pleurant à chaudes larmes, elle fait appeler le barbier.
Celui-ci arrive tout de suite et n’est pas sur
De pouvoir la guérir. Cependant d’un certain onguent
Il lui enduit le derrière et le pubis.

Courroucé, le bestial Borrin
Le pistolet à la main, serrant les dents
Va de porte en porte et crie
A haute voix : Je vais faire un malheur.
Il fait avec les doigts le signe de la croix
Et jure par tous les sacrements
Qu’il veut transformer l’eau du canal en sang.
Ah ! monde maudit ! Ah! Béni soit dieu !

Déjà dans tout Venise, le récit du Trente et un
Est parvenu dans chaque bordel.
On ne trouve personne dans toute la ville
Qui ne se réjouisse de l’aventure.
Enfin le bon camarade Gioan Donato
Et Lunardo da Pesar, beau et bon
Ont tous les deux pitié de sa douleur
Et lui épargne les railleries.

Les maîtres qui voulurent bien la punir
Arrivent en hâte de Chioggia à Venise,
Pour noter de toute part le numéro huit
Comme il avait été convenu
Parce qu’ils respectent la promesse faite
De ne pas marquer le numéro quatre vingt.
Chacun de ceux qui le lisent
Bénit les maîtres du chatiment à la courtisane

La Zaffetta a fermé tous les volets.
Elle reste dans la maison comme une morte.
Sa maison n’attire plus personne.
Elle n’ouvrirait pas sa porte même à un prince.
Elle ne mange pas, elle ne dort pas ; elle reste triste
Dans un coin obscur et ne trouve pas le réconfort.
Quand elle se rappelle de Chioggia,
Elle se laisse tomber lourde comme une masse.

Les cinq seigneurs de la nuit et les chefs de quartier
Aux oreilles desquels l’aventure est arrivée
Tout en riant des exécuteurs du Trente et un
Essaient de faire justice.
Les vénitiens comme les étrangers
Parlent du bien mérité châtiment,
De telle façon que dans toute l’Italie, on chante déjà le numéro huit
C’est à dire le numéro quatre vingt.

Angela reste pire que seule,
Silencieuse, comme en deuil, chaste et sobre.
Six jours passent. Elle est presque guérie
D’abord elle ne dit rien, puis enfin soupire : Assez !.
Déjà la honte lui est sortie de l’esprit.
Ne sentant plus de douleur dans les sexes,
Plus effrontée encore qu’avant, provocante et conquérante
Elle est sur son balcon, telle la Reine Yseult.

Peut-être pense-t-elle devenir meilleure,
Ne plus trahir, ne plus railler, ne plus mentir ?
Peut-être pense-t-elle à son honneur perdu ?,
Pourquoi une putain devrait-elle avoir honte ?
Mais elle pense plus que jamais à prendre le coeur
De tous ceux qui accourent pour l’adorer.
Et endossant un habit de nouvelle coupe
Elle veut oublier l’épisode de Chioggia.

Je n’ai jamais parlé à la Zaffetta,
Et la tenait pour une Dame haute et divine.
Mais le comte Urlura de la maison de Vienne
M’a rapporté sa vie assassine.
Si bien que je tiens aujourd’hui pour meilleure et plus parfaite
Ma Putain Errante Elena Ballarina;
Et si cela est vrai, alors
Grand Dieu Cupidon, ayez pitié de moi.

Maintenant, toutes les putains qui ont eu connaissance
Du Trente et un, craintives se méfient
Se demandant si elles ont offensé quelqu’un
Prêt à agir de cette façon.
Et même si on leur promettait cent ducats
Jamais elles n’accepteraient d’aller
Ni au Lido, ni à la Giudecca
Tellement elles auraient peur du Trente et un.

Que Dieu veuille, mes chères putains,
Que cet exemple reste dans vos coeurs.
C’est une chose sainte que de tapiner
On y gagne honneur et plaisir.
Mais quand un gentilhomme veut vous baiser
Penser au déshonneur de la Zaffa,
En disant oui, demandez vous
Si les voies pour devenir plus grandes sont bien celles-ci.

Superbes courtisanes, si quelqu’un qui vous aime
Trouvait en vous courtoisie
Discretion dans le parler et dans le faire,
Estime de celui qui vous désire,
Sincérité aujourd’hui comme demain,
Aucune folie, aucun mensonge
Sans que vous ayez à lui demander, il vous donnerait
Son âme et son coeur et cela lui paraîtrait bien peu..

C’est un grand plaisir de dire : J’aime
Une femme qui accepte de me servir,
Qui est toujours là quand je l’appelle
Qui ne cherche pas à me mentir ou à me tromper,
Avec laquelle je suis toujours d’accord.
Si je lui donne, elle prend mais ne réclame pas
Elle ne dit pas : donne moi, fais moi .
Elle ne se pose jamais comme mon ennemie.

Il serait bien malhonnête et avare
Celui que son amante baiserait à toute heure
Et qui la voyant dans la nécessité
Ne subviendrait pas à ses besoins.
Mais cette amante n’est que pensionnaire de bordel
Et je crois qu’après vous avoir tout pris
Elle tourne son cul au premier venu
Qui se présente avec de l’or.

On arrive à la maison de sa Dame
Et à peine arrivé, l’entremetteuse est là
Pour l’argent et pour le savon. Puis arrive
La mère qui te demande encore plus.
La traîtresse est tellement effrontée
Qu’il te faut sortir de ta nature avare.
Alors enfin arrive la divine
Qui te baise d’abord toi, puis baise ta bourse.

Mon coeur, mon petit père, mon petit vieux
Si tu m’aimes, achèts moi les trente longueurs
De tissus de soie qu’aujourd’hui je veux.
Elle te baise les yeux, la bouche, le visage
De telle manière que Dieu même ne pourrait échapper;
Cela ne te sert à rien de faire mauvaise figure
Parce que ta bite qui se dresse
Veut que tu paies avec des actes ses paroles

Et pendant qu’elle te dévalise, te met à sac,
Elle te dit : Viens dormir avec moi , reviens bien vite
Elle te promet d’être là ce soir.
E toi, couillon, tu cours pour remplir le panier
De mille petites choses que tu achètes.
Parce qu’il te semble que ton honneur le réclame.
Mais ce que tu as acheté, c’est un autre qui le dine avec elle.
Tu restes dehors, rongeant ton frein.

Ayant passé quatre heures plein de rage,
Tu cours vite te parer de tes plus beaux vêtements.
Tu sors de chez toi prêt à tuer,
A bruler l’infâme dans un moment de rage et de tempête.
Pendant ce temps, toujours tu bandes.
Tu reviens donc penaud et tu fais la voix douce
L’entremmeteuse du balcon te lance : Monseigneur
Attendez un peu, montrez-vous.

Alors le marteau qui te travaille
T’ouvre la bourse et tu distribues les présents.
Pour finir tu restes dormir avec la demoiselle
Qui te trouve mille excuses
Pour n’avoir pu diner avec toi
Tu te dis à toi même : Salope , tu mens.
Si le Christ voulait que je ne tombe jamais amoureux
Tu verrais comment un homme devient un assassin.

Le matin, tu te lèves, tu envoies le valet
Pour te chercher ta veste et tu laisses dans sa maison
Des habits de luxe que tu as amené. La faquine
Fait des pieds et des mains pour te voler tout ce qu’elle peut.
Tu lui en donnes tant, tu lui envoies tant,
Que blasphémant et reniant Dieu,
Tu espères ne jamais plus la revoir
Et que d’autres viendront pourvoir à ses besoins.

Une coiffe que tu avais prise pour la nuit,
Tu ne la vois plus, tu ne la retouves plus.
Ta chemise, pourtant une des plus usées
Elle te la prend, comme si elle était belle et neuve.
Mon Dieu ! Que dans les bois et les grottes
Où les malandrins commettent leurs méfaits,
Tu peux aller l’or en main avec
Plus de surement qu’au milieu de ces putains.

A la fin : l’argent est envolé,
Le temps perdu et le déshonneur est là.
Quelle lassitude de vivre toujours désespéré,
Quelle colère, quel dépit et quelle douleur.
Avec une rancoeur semblable à celle d’un curé défroqué
Tu décides de laisser tomber ce vil Amour.
Ton esprit fou redevient sain.
Ta colère contre ta putain explose.

Tu lui retires les tables, les coffres, les fauteuils
Parce que tu les avais payés, toi.
Tu la gifles bien volontiers,
Et tu lui fais donner le Trente et un par des gueux.
Avec coups de fouets et des coups de bâtons,
De la main d’illustres faquins
A l’entremetteuse, à la mère
Accompagnés de risées qui montent jusqu’au ciel.

Les petites amourettes sont des choses ordinaires
Comme les portes toutes poisseuses.
Malheureuses, que de déboires !
Combien d’amis perdus..
O pauvrettes mendiantes, mesquines
O vilaines, scélérates, voleuses, méchantes
Croyez maintenant Venier : changez de vie,
Si non le malheur s’invite à rester à vos côtés.

Mais je suis bien fou de vous exhorter
Et de penser que vous pourriez devenir honnêtes.
Putains, j’ai dit du mal devous et je veux le redire :
Vous êtes voleuses, assassines et scélérates.
Vous ne pouvez continuer à voler et à trahir
Sans pitié et sans discontinuer.
Il n’y a pas d’autre remède
Il faut vous retirer cette folie de la tête.

Si vous deveniez femmes de bien, comme je l’ai dit,
Le jour suivant, nous tomberions malades,
Le coeur ne battrait plus dans la poitrine.
Si les putains vivaient honnêtement
Ayant honte du passé à chaque heure du jour,
Se laissant traiter de la pire façon
Nous refusant pour garder leur honneur
A la fin, nous perdrions tout amour.

Volez donc chacune des deux mains ;
Accumulez chaines et bijoux,
Parce que la vieillesse réduira à zéro
Tout ce qu’aujourd’hui vous avez,
Et pire encore, l’importun, le vorace
Mal français qu’un jour vous contacterez
Vous ôtera en huit jours ce que
Vous avez pris dans votre vert été.

Mais ce serait un plaisir de paradis
Si le mal français, qui est bien autre ccose que la toux
Vous dévorait le corps tout d’un coup.
C’est un mal qui vous ronge les nerfs et les os,
Puis les mains, les oreilles, les yeux, le visage.
Il vous mange le coeur puis vous envoie à la fosse.
Parce qu’ainsi Dieu veut que le temps prenne son temps
Pour se venger des infamies que vous avez commises.

Ma zaffetta, vis donc comme tu l’a fait
Jusqu’ici, ou pire encore.
Toi aussi, Putain errante, mon ennemie
Et vous autres putains, parce que je vois
Qu’il sera trop dur de vous tirer de là.
Restez assise sur votre trône de putain
Avec les vertus dont j’ai déjà parlé
Et jusqu’à la mort, chacun sera votre amant.

Parmi les milliers et les milliers
De putains vivant à nos dépens
J’en n’en ai connue qu’une bonne, belle
Chère, courtoise et femme de bien.
Elle s’appelait Giacoma ; native de Ferrare,
Tous l’appelaient Giacoma Ferrarese.
Pour avoir été belle, bonne et honnête,
Elle est aujourd’hui disparue.

Je n’ai rien d’autre à dire dont je me souvienne
Sinon que sans mauvaises langues,
Le monde serait bien ennuyeux
S’il n’y avait pas le plaisir de dire du mal,
De manger la saucisse avec les sots,
Avec les oranges, le sel et le poivre.
Médire du genre humain est chose agréable.
Divine Angela, allez donc en paix

Puisque le roi, le pape et l’empereur
Supportent d’être traités de couillons
De mes attaques ne soyez pas meurtrie
Et si vous l’êtes, Dieu vous le pardonnera
Moi aussi je veux ma part d’honneur.
Je suis gentilhomme disposer à vous faire des dons.
Je vins et m’inclinai pour vous faire révérence
Mais du balcon, on me congédia.

Notre Seigneurie écoute
Avec une grâce digne
Chaque Prince qui vient lui parler.
Grand est le siège de Venise.
Votre Altesse a cru être un mat plus grand
Que le campanile de Saint Marc
Pour porter l’étendard des putains.
Cependant vous fut donné le Trente et un.

***

Ce bel ouvrage s’est vendu à un collectionneur, le 27 April 2006, pour la somme d’environs 350.000 €uros, et, désormais, il est devenu impossible de le consulter.


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